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Moenia prima loco, fatis ingressus iniquis;
Æneadasque meo nomen de nomine fingo (7).
Sacra Dionææ matri divisque ferebam
Auspicibus cœptorum operum, superoque nitentem
Coelicolum regi mactabam in litore taurum.
Forte fuit juxta tumulus (8), quo cornea summo
Virgulta, et densis hastilibus horrida myrtus.

Adcessi; viridemque ab humo convellere silvam
Conatus, ramis tegerem ut frondentibus aras,
Horrendum et dictu video mirabile monstrum.
Nam quæ prima solo ruptis radicibus arbor
Vellitur, huic atro liquuntur sanguine guttæ,
Et terram tabo maculant. Mihi frigidus horror
Membra quatit, gelidusque coit formidine sanguis.
Rursus et alterius lentum convellere vimen
Insequor, et caussas penitus tentare latentis;
Ater et alterius sequitur de cortice sanguis.

Multa movens animo, Nymphas venerabar agrestis,
Gradivumque patrem, Geticis qui præsidet arvis :
Rite secundarent visus, omenque levarent.
Tertia sed postquam majore hastilia nisu
Adgredior, genibusque adversæ obluctor arenæ :
Eloquar, an sileam? gemitus lacrimabilis imo
Auditur tumulo, et vox reddita fertur ad auris:

Quid miserum, Ænea, laceras! jam parce sepulto,

Sur la rive des mers un nouvel Ilion,

Élevé par mes mains, avoit reçu mon nom.

A la belle Vénus, aux dieux dont les auspices Sont aux nobles projets funestes ou propices, J'offre mon humble hommage, et le sacré couteau Immole à Jupiter un superbe taureau.

J'aperçois une tombe, où de leur chevelure,
Le cornouiller, le myrte, étalent la verdure:
Mes mains les destinoient aux autels de mes dieux,
Lorsqu'un soudain prodige est offert à mes yeux.
Du premier arbrisseau que mon effort détache,
Un suc affreux jaillit sous la main qui l'arrache,
Et rougit, en tombant, le sol ensanglanté.
Un froid mortel saisit mon cœur épouvanté;
Je tressaille d'horreur. Mais ma main téméraire
Du prodige effrayant veut sonder le mystère.
Je tente d'arracher un second arbrisseau :
Un nouveau sang jaillit d'un arbuste nouveau.
Tremblant, j'offre mes vœux aux nymphes des bocages,
Au fier dieu des combats; et mes pieux hommages
Implorent humblement un présage plus doux;
Et déja sur la tombe appuyant mes genoux,
Luttant contre la terre, et redoublant de force,
D'un troisième arbrisseau ma main pressoit l'écorce,
Quand du fond du tombeau (j'en tremble encor d'effroi!)
Une voix lamentable arrive jusqu'à moi :

« Fils d'Anchise, pourquoi, souillant des mains si pures, Viens-tu troubler mon ombre et rouvrir mes blessures?

Hélas! respecte au moins l'asile du trépas;

D'un insensible bois ce sang ne coule pas.

Parce pias scelerare manus. Non me tibi Troja
Externum tulit, aut cruor hic de stipite manat.
Heu! fuge crudelis terras, fuge litus avarum (9).
Nam Polydorus ego. Hic confixum ferrea texit
Telorum seges, et jaculis increvit acutis. »

Tum vero ancipiti mentem formidine pressus Obstupui, steteruntque comæ, et vox faucibus hæsit. Hunc Polydorum auri quondam cum pondere magno Infelix Priamus furtim mandarat alendum

Threïcio regi, quum jam diffideret armis
Dardaniæ, cingique urbem obsidione videret.
Ille, ut opes fractæ Teucrum, et fortuna recessit,
Res Agamemnonias victriciaque arma secutus,
Fas omne abrumpit; Polydorum obtruncat, et auro
Vi potitur. Quid non mortalia pectora cogis,
Auri sacra fames! Postquam pavor ossa reliquit,
Delectos populi ad proceres, primumque parentem,
Monstra deum refero, et, quæ sit sententia, posco.
Omnibus idem animus scelerata excedere terra;
Linqui pollutum hospitium, et dare classibus austros.

Cette contrée a vu terminer ma misère;

Mais celle où tu naquis ne m'est point étrangère.
Épargne donc ma cendre, ô généreux Troyen!
Ma patrie est la tienne, et ce sang est le mien.
Ah! fuis ces lieux cruels, fuis cette terre avare:
J'y péris immolé par un tyran barbare.
Polydore est mon nom; ces arbustes sanglants
Furent autant de traits qui percèrent mes flancs.
La terre me reçut; et, dans mon sein plongée,
Leur moisson homicide en arbres s'est changée. »

A ces mots, ma voix meurt, mes sens sont oppressés, Et mes cheveux d'horreur sur mon front sont dressés. L'infortuné Priam, dans ses tendres alarmes,

Pour ce malheureux fils craignant le sort des armes,
L'avoit au roi de Thrace, infidéle allié,
Avec de grands trésors en secret envoyé,
Pour conserver ses jours et former sa jeunesse.
Le lâche, tant qu'Hector humilia la Grèce,
Respecta cet enfant, sa famille et son nom;
Mais, dès que le destin servit Agamemnon,
L'intérêt, dans son cœur faisant taire la gloire,
Oublia l'amitié pour suivre la victoire.
Le cruel (que ne peut l'ardente soif de l'or!)
Égorgea Polydore, et saisit son trésor;
Et la terre cacha sa victime sanglante.
A peine j'eus calmé ma première épouvante,
Sur ces signes affreux du céleste courroux

Je consulte les dieux, et mon père avant tous.
Chacun veut fuir ces lieux et ces bords sacrileges,
Où l'hospitalité n'a plus de priviléges.

T. III. ÉNÉIDE. I.

15

Ergo instauramus Polydoro funus, et ingens (10)
Adgeritur tumulo tellus; stant Manibus aræ,
Cæruleis mœstæ vittis atraque cupresso;

Et circum Iliades crinem de more solutæ.
Inferimus tepido spumantia cymbia lacte,
Sanguinis et sacri pateras; animamque sepulcro
Condimus, et magna supremum voce ciemus.

Inde, ubi prima fides pelago, placataque venti('') Dant maria, et lenis crepitans vocat Auster in altum (12), Deducunt socii navis, et litora complent.

Provehimur portu; terræque urbesque recedunt (13).
Sacra mari colitur medio gratissima tellus (14)
Nereidum matri et Neptuno Egao:
Quam pius Arcitenens, oras et litora circum
Errantem, Gyaro celsa Myconoque revinxit,
Immotamque coli dedit, et contemnere ventos.
Huc feror; hæc fessos tuto placidissima portu
Adcipit. Egressi veneramur Apollinis urbem.
Rex Anius, rex idem hominum Phœbique sacerdos,
Vittis et sacra redimitus tempora lauro,

Occurrit; veterem Anchisen adgnoscit amicum.
Jungimus hospitio dextras, et tecta subimus.

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