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CHAPITRE VII. .

Continuation du même sujet.

Il y a encore un inconvénient aux conquêtes faites par les démocraties. Leur gouvernement eft toujours odieux aux états affujettis. Il eft monarchique par la fiction; mais dans la vérité, il eft plus dur que le monarchique, comme l'expérience de tous les temps & de tous les pays l'a fait voir.

Les peuples conquis y font dans un état triste; ils ne jouiffent ni des avantages de la république, ni de ceux de la monarchie.

Ce que j'ai dit de l'état populaire, fe peut appliquer à l'aristocratie.

CHAPITRE VIII.

Continuation du même sujet.

AINSI, quand une république tient quelque peuple fous fa dépendance, il faut qu'elle cherche à réparer les inconvéniens qui naiffent de la nature de la chose, en lui donnant un bon droit politique & de bonnes lois civiles.

Une république d'Italie tenoit des Infulaires fous fon obéiffance; mais fon droit politique & civil à leur égard étoit vicieux. On se souvient

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vu

de cet acte (a) d'amniftie, qui porte qu'on ne les condamneroit plus à des peines afflictives Jar la confcience informée du gouverneur. On a fouvent des peuples demander des privileges: ici le fouverain accorde le droit de toutes les nations.

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CHAPITRE IX.

D'une monarchie qui conquiert autour d'elle.

I une monarchie peut agir long-temps avant que l'agrandiffement l'ait affoiblie, elle deviendra redoutable, & fa force durera tout autant qu'elle fera preffée par les monarchies voiLines.

Elle ne doit donc conquérir que pendant qu'elle refte dans les limites naturelles à fon gouvernement. La prudence veut qu'elle s'arrête, fitôt qu'elle paffe ces limites.

Il faut dans cette forte de conquête, laiffer les chofes comme on les a trouvées; les mêmes tribunaux, les mêmes lois, les mêmes coutumes, les mêmes privileges, rien ne doit être changé, que l'armée & le nom du fou

verain.

(a) Du 18 Octobre 1738, imprimé à Genes chez Franchelli. Vetiamo al noftro general-governatore in detta ifola, di condanare in avenire folamente ex informatâ confcientiâ perfona alcuna nazionale in pena afflittiva: potrà ben fi far arreftare ed incarcerare le perfone che gli faranno fofpette; falvo di renderne poi à noi follecitamente; ar. VI.

Lorfque la monarchie a étendu fes limites par la conquête de quelques provinces voisines, il faut qu'elle les traite avec une grande dou

ceur.

Dans une monarchie qui a travaillé longtemps à conquérir, les provinces de fon ancien domaine feront ordinairement très foulées. Elles ont à fouffrir les nouveaux abus & les anciens; & fouvent une vafte capitale, qui engloutit tout, les a dépeuplées. Or fi après avoir conquis autour de ce domaine, on traitoit les peuples vaincus comme on fait fes anciens fujets, l'état feroit perdu; ce que les provinces conquifes enverroient de tributs à la capitale, ne leur reviendroit plus; les frontieres feroient ruinées, & par conféquent plus foibles; les peuples en feroient mal affectionnés; la subsistance des armées, qui doivent y refter & agir, feroit plus précaire.

Tel eft l'état néceffaire d'une monarchie conquérante; un luxe affreux dans la capitale, la mifere dans les provinces qui s'en éloignent, l'abondance aux extrémités. Il en eft comme de notre planete; le feu eft au centre, la verdure à la furface, une terre aride, froide & stérile, entre les deux.

CHAPITRE X.

D'une monarchie qui conquiert une autre mo¬ narchie.

UELQUEFOIS une monarchie en conquiert une autre. Plus celle-ci fera petite, mieux on la contiendra par des fortereffes; plus elle fera grande, mieux on la confervera par des colo

nies.

CHAPITRE XI.

Des mœurs du peuple vaincu.

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D ANS ces conquêtes, il fuffit pas de laiffer à la nation vaincue fes lois; il eft peut-être plus néceffaire de lui laiffer fes mœurs, parce qu'un peuple connoît, aime & défend toujours plus fes mœurs que fes lois.

Les François ont été chaffés neuf fois de l'Italie, à caufe, difent les hiftoriens (a), de leur infolence à l'égard des femmes & des filles. C'est trop pour une nation, d'avoir à souffrir la fierté du vainqueur, & encore fon incontinence & encore fon indifcrétion, fans doute plus fâcheufe, parce qu'elle multiplie à l'infini les outrages.

(a) Parcourez l'hiftoire de l'univers par M. Pufendorff.

CHAP.

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CHAPITRE XII.

D'une loi de Cyrus.

E ne regarde pas comme une bonne loi; celle que fit Cyrus, pour que les Lydiens ne puffent exercer que des profeffions viles, ou des profeffions infames. On va au plus preffé; on fonge aux révoltes, & non pas aux invafions. Mais les invafions viendront bientôt; les deux peuples s'uniffent, ils fe corrompent tous les deux. J'aimerois mieux maintenir par les lois la rudeffe du peuple vainqueur, qu'entretenir par elles la molleffe du peuple vaincu.

Ariftodeme, tyran de Cumes (a), chercha à énerver le courage de la jeuneffe. Il voulut que les garçons laiffaffent croître leurs cheveux comme les filles ; qu'ils les ornaffent de fleurs, & portaffent des robes de différentes couleurs jufqu'aux talons; que, lorfqu'ils alloient chez leurs maîtres de danfe & de mufique, des femmes leur portaffent des parafols, des parfums & des éventails; que, dans le bain, elles leur donnaffent des peignes & des miroirs. Cette éducation duroit jufqu'à l'âge de vingt ans. Cela ne peut convenir qu'à un petit tyran, qui expofe fa fouveraineté pour défendre fa vie.

(a) Denys d'Halicarnaffe, liv. VII.

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