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M. Richer, mérite, par sa singularité, d'être connue,
La voici :

Quels prodiges de voir, sans travail et sans peines,
Les toisons des brebis se teindre dans les plaines;

De les voir se parer et de pourpre et de bleu,

Et les tendres agneaux naître couleur de feu.

(5) Virgile a visiblement imité ces vers des Noces de Thétis et Pélée, par Catulle :

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Accipe quod lætâ tibi pandunt luce sorores,
Veridicum oraclum: sed vos quæ fata sequuntur,
Currite ducentes subtemina, currite, fusi.

Écoute en ce jour de fête l'oracle flatteur que t'annonce la bouche véridique des parques; et vous, éternels fuseaux, vous à qui s'enchaînent les destins, tournez, filez les beaux jours que je chante. » Traduc. de M. Noėl. (Note de l'Éditeur.)

(6) Traduction de M. Gresset:

Pan même, à mes accords s'il comparoit ses sons,
Pan même s'avoueroit vaincu par mes chansons.

(7) Fais-lui, par les transports qu'inspire la tendresse, Oublier les ennuis d'une longue grossesse.

On devine sans peine que ces derniers vers sont de M. Richer.

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Voici encore un couplet de vers qui sont tout à fait dans le goût de ceux de l'églogue précédente. Il est tiré de la seconde églogue de Rousseau. Jupiter parle ainsi aux dieux assemblés:

Écoutez, dieux du ciel : Les temps sont accomplis,
Élise vient de naître, et nos vœux sont remplis.

Voici le jour heureux, marqué des destinées
Pour un ordre nouveau de siècles et d'années,
Où Thémis et Vesta, relevant leurs autels,
Doivent ressusciter le bonheur des mortels.
Chez eux vont expirer la discorde et la guerre;
Un printemps éternel règnera sur la terre;
Les arbres, émaillés des plus riches couleurs,
Donneront en tout temps et des fruits et des fleurs:
Les blés naîtront au sein des stériles arènes,
Et le miel coulera de l'écorce des chênes.

Addition de l'Éditeur. Ce dernier vers, que l'on trouve aussi dans Roucher et dans M. Didot, appartient à Ronsard. Pour compléter les imitations de cette églogue, une des plus belles de Virgile, nous citerons encore deux traducteurs inodernes.

Traduction de M. Didot:

O Muse de Sicile, élève un peu la voix;

On n'aime pas toujours la fougère et les bois :
Si tu fais retentir la flûte bocagère,

Rends dignes d'un consul les bois et la fougère.

Enfin voici les temps qu'en prophétiques vers
La Sibylle autrefois promit à l'univers;
Des siècles écoulés l'ordre se renouvelle;
Déjà, redescendant de la voûte éternelle,
Saturne suit Thémis et nos antiques dieux;
Un nouveau peuple enfin est envoyé des cieux,
Et le monde épuisé répare sa ruine.

Veille sur notre espoir; veille, ô chaste Lucine!
Sur l'enfant précieux par qui le monde encor
Après l'âge de fer doit revoir l'âge d'or:
Déjà règne sur nous ton Apollon, ton frère.

C'est sous ton consulat, Pollion, que la terre

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Va, jouissant du sort promis à cet enfant,
De ces mois fortunés voir le cours triomphant;
Et tes soins, quand le crime ourdiroit quelque trame,
Banniront la terreur qui pesoit sur notre ame,

Issu des immortels, il verra dans les cieux
Les héros de son sang assis avec les dieux;
Et les dieux le verront maintenir sur la terre

La paix, ce fruit heureux des vertus de son père.
Aimable enfant, Cybèle, offrant des dons nouveaux,
Prévient en souriant nos vœux et nos travaux;
Sur ton berceau déjà croît la rose odorante;

Le lis y joint sa fleur à la fleur de l'acanthe;
Tu vas naître bientôt on verra dans nos champs
Errer près des agneaux les lions innocens;

:

L'aconit expirer sur sa tige perfide;

Dans ses poisons mourir la vipère livide;

Et nos fleurs de Saba vaincre les arbrisseaux;
Et le lait sous nos mains couler en longs ruisseaux.
Lorsque tu pourras lire aux pages de l'histoire
Par quels faits tes aïeux ont acquis tant de gloire,
Par-tout vont à flots d'or ondoyer les moissons;
Le pourpre des raisins rougira les buissons,

Et le miel coulera de l'écorce des chênes.
Cependant, parmi nous, de nos antiques haines
Quelques levains encore aigriront les esprits;
L'homme ira sur les flots braver encor Thétis,
Tourmentera les champs pour les rendre fertiles,
Et d'un mur protecteur enfermera les villes :
Sous un autre Typhis il faut que vers Colchos
Argo porte en ses flancs l'élite des héros ;

Que du dieu Mars encor la fureur se déploie,

Et qu'Achille menace une seconde Troie.

Mais quand ton corps plus ferme aura pris sa vigueur,
L'homme n'enverra plus le pin navigateur

Échanger les produits d'une rive étrangère :
Tout sol produira tout: dès ce moment la terre
Verra sans les taureaux, le fer et les humains,
Cerès donner ses blés et Bacchus ses raisins.
De l'art des Tyriens les laines tributaires
N'oseront plus briller de couleurs adultères;
Et par-tout les béliers, les brebis, les agneaux,
D'or, de pourpre et d'azur couvriront les coteaux.
Atropos, de concert avec les destinées,

A dit : Filez, mes sœurs, ces trames fortunées.

Alors tu peux briguer les honneurs éternels,
Fils des dieux, noble enfant du roi des immortels!

Vois avec majesté se balancer le monde;

La vaste mer, le ciel et sa voûte profonde,
Tressaillir dans l'espoir d'un siècle aimé des dieux.

Oh! si je puis, vainqueur du temps injurieux,
Vivre assez pour chanter les exploits de ta vie,
Marcellus! Ton poëte excitera l'envie
Du fils de Calliope et du fils d'Apollon.
Oui, j'irai provoquer, fier de chanter ton nom,
Pan même en Arcadie; et, s'il luttoit de gloire,
Pan même en Arcadie avoueroit ma victoire.

Toi, cher enfant, des tiens commence le bonheur;
Ah! pour la consoler de dix mois de langueur,
Fais voir par un souris que tu connais ta mère;
Qu'un doux souris réponde à celui de ton père;
On ne peut partager, sans son auguste aveu,
Le lit d'une déesse et la table d'un dieu,

Traduction de M. Dorange :

Muse! quitte un moment la flûte bocagère :
On se lasse des champs et de l'humble bruyère;

Ose élever tes sons. Par ta brillante voix

Rends digues d'un consul la campagne et les bois.

L'oracle l'a prédit; la bienfaisante Astrée

Va ramener les temps de Saturne et de Rhée;
Pour annoncer le cours de ces siècles heureux,
Un peuple de héros est descendu des cieux.
Nos vœux, chaste Lucine, implorent ta puissance;
Viens d'un enfant des dieux protéger la naissance :
L'âge d'airain va fuir; de l'antique âge d'or
Sur ce triste univers les jours vont luire encor.
Toi dont le consulat règle nos destinées,

Pollion, tu verras ces illustres années!
Au monde consolé rendant la douce paix,
Tes soins effaceront la trace des forfaits:
Tout sera libre enfin d'une crainte éternelle.
Cet enfant, possesseur d'une vie immortelle,
Appelé par son sang dans le palais des cieux,
Y verra les héros assis avec les dieux.
Il règnera sur nous,
et son règne prospère,
Conservera la paix, ouvrage de son père.

dons

La terre, aimable enfant, te prépare pour
L'acanthe, le baccar, les lierres vagabonds;
La brebis d'un lait pur gonflera sa mamelle;
L'agneau doit du lion braver la dent cruelle;
Même dans ton berceau vont éclore des fleurs;
Nos yeux ne verront plus les tigres destructeurs,
Ni le reptile impur, ni l'herbe empoisonnée
Par d'imprudentes mains trop long-temps moissounée;
Et, parfumant les airs de tributs odorans,
L'amome assyrien couronnera nos champs.
Mais sitôt qu'enflammé du desir de la gloire,
Des exploits paternels tes yeux liront l'histoire,
Les champs seront jaunis de fertiles moissons,
La grappe rougira suspendue aux buissons,

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