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vera ses yeux pour en prendre une plus grande quelque traict semblable parmy nos gents, mais dans son corps mesme, qu'il ne treuve pas es- avec la moderation chrestienne. trange, si pour la peine de son oultrecuidance, Sainct Hilaire, evesque de Poictiers, ce fameux il y perd la veue. Quis hominum potest scire con- ennemy de l’heresie arienne, estant en Syrie, feut silium Dei? aut quis poterit cogitare, quid velit adverty qu’Abra, sa fille unique, qu'il avoit par Dominus'?

deçà avecques sa mere, estoit poursuyvie en ma

riage par les plus apparents seigneurs du pais, CHAPITRE XXXII.

comme fille tres bien nourrie, belle, riche, et en De fuyr les voluptez, au prix de la vie.

la fleur de son aage : il luy escrivit ( comme nous

veoyons) qu'elle ostast son affection de bouts ces l'avoy bien veu convenir en cecy la pluspart plaisirs et advantages qu'on luy presentoit; qu'il des anciennes opinions : Qu'il est heure de mou- luy avoit trouvé en son voyage un party bien plus rir lors qu'il y a plus de mal que de bien à vivre; grand et plus digne, d'un mary de bien aultre pouet que de conserver nostre vie à nostre torment voir et magnificence, qui luy feroit present de robet incommodité, c'est chocquer les reigles mesmes bes et de ioyaux de prix inestimable. Son desseing de nature, comme disent ces vieux enseigne- estoit de luy faire perdre l'appetit et l'usage des ments :

plaisirs mondains, pour la joindre toute à Dieu; A ζην αλύπως, ή θανείν ευδαιμόνως.

mais à cela le plus court et le plus certain moyen Καλόν το θνήσκειν οίς ύβριν το ζην φέρει.

luy semblant estre la mort de sa fille, il ne cessa Κρείσσον το μή ζην έστιν, ή ζην άθλίως και.

par veux, prieres et oraisons, de faire requeste à Mais de poulser le mespris de la mort iusques Dieu de l'oster de ce monde, et de l'appeller à soy, à tel degré, que de l'employer pour se distraire comme il adveint; car bientost aprez son retour, des bonneurs, richesses, grandeurs et aultres elle luy mourut, dequoy il monstra une singuliere faveurs et biens que nous appellons de la fortune ioye. Cettuy cy semble encherir sur les aultres, (comme si la raison n'avoit pas assez à faire à de ce qu'il s'adresse à ce moyen de prime face, nous persuader de les abbandonner, sans y adious lequel ils ne prennent que subsidiairement; et ter cette nouvelle recharge), ie ne l'avoy veu ny puis, que c'est à l'endroict de sa fille unique. Mais commander ny practiquer, iusques lors que ce

ie ne veulx obmettre le bout de cette histoire, cnpassage de Seneca' me tumba entre mains, auquel cores qu'il ne soit pas de mon propos. La femme

3 conseillant à Lucilius, personnage puissant et de de sainct Hilaire ayant entendu par luy comme grande auctorité autour de l'empereur, de changer la mort de leur fille s'estoit conduicte par son descette vie voluptueuse et pompeuse, et de se retirer seing et volonté, et combien elle avoit plus d'heur de cette ambition du monde à quelque vie solitaire, d'estre deslogee de ce monde que d'y estre, print tranquille et philosophique; sur quoy Lucilius une si vifve apprehension de la beatitude eternelle alleguoit quelques difficultez ; a le suis d'advis, et celeste, qu'elle solicita son mary avecques exdict il, que tu quittes cette vie là, ou la vie tout treme instance d'en faire autant pour elle. Et Dieu, à faict: bien te conseille ie de suyvre la plus doulce à leurs prieres communes, l'ayant retiree à soy voye, et de destacher plustost que de rompre ce bientost aprez, ce feut une mort embrasse avecque tu as mal noué; pourveu que, s'il ne se peult ques singulier contentement commun. aultrement destacher, tu le rompes: iln'y a homme

CHAPITRE XXXIII. si couard qui n'ayme mieulx tumher une fois, que de demourer tousiours en bransle. » l'eusse trouvé La fortune' se rencontre souvent au train ce conseil sortable à la rudesse stoïcque; mais il

de la raison. est plus estrange qu'il soit emprunté d'Epicurus, qui escript à ce propos choses toutes pareilles à

L'inconstance du bransle divers de la fortune Idomeneus. Si est ce que le pense avoir remarqué

faict qu'elle nous doibve presenter toute espece de

i Ce mot de fortune, employé souvent par Montaigne, et Quel homme peut connaitre les desseins de Dieu, ou dans des passages même où il aurait pu se servir de celui de imaginer ce que veut le Seigneur? Sapient. IX, 13.

providence, fut censuré par les docteurs moines qui examiOu une vie tranquille ou une mort heureuse.

nèrent les Essais, pendant son séjour à Rome en 1581. (VoyaIl est beau de mourir lorsque la vie est un opprobre. ges, t. II, p. 35 et 76.) Dans les pays d'inquisition, à Rome

Il vaut mieux cesser de vivre que de vivre dans le malheur. surtout, il était défendu de dire fatum ou fata. Un auteur - On trouve dans Stobée, Serm. 20, des sentences toutes fit imprimer facta ; et dans l'errata il fit mettre : facta, lisez semblables à ces trois-là. C.

fata. On a eu plus d'une fois recours à ce stratagème pour 3 Epist. 22. C.

tromper la cour de Rome; c'est ainsi que le protestant et y parfournit ce à quoy l’art n'avoit pu attaindre. nelle, dont il ne put s'empêcher de sourire (I could not but N'adresse 5 elle pas quelquesfois nos conseils et les smile): PROTESTA. Le voci , Fato, Deità, Destino, e simili, che per entro questo dramma troverai, son messe per ischerzo poetico, è non per sentimento vero, credendo sempre

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le pas

visages. Y a il action de justice plus expresse que luy feist elle mesme requeste par courtoisie de cellecy? Leduc de Valentinois'ayant resolud'em- luy rendre son prisonnier; comme il feit, la nopoisonner Adrian, cardinal de Cornete, chez qui blesse françoise ne refusant iamais rien aux dale pape Alexandre sixiesmeson pereet luy alloient

mes. souper au Vatican, envoya devant quelque bou- Semble il pas que ce soit un sort artiste ? teille de vin empoisonné, et commanda au som- Constantin, fils de Helene, fonda l'empire de melier qu'il la gardast bien soigneusement : le Constantinople; et tant de siecles aprez, Conspape y estant arrivé avant le fils, et ayant demandé tantin, fils de Helene, le finit. Quelquesfois il à boire, ce sommelier, qui pensoit ce vin ne luy luy plaist envier sur nos miracles : nous tenons avoir esté recommende que pour sa bonté, en que le roy Clovis assiegeant Angoulesme, les servit au pape; et le duc mesme y arrivant sur murailles cheurent d'elles mesmes par faveur le poinct de la collation, et se fiant qu'on n'auroit divine : et Bouchet emprunte de quelque aucteur, pas touché à sa bouteille, en print à son tour : en que le roy Robert assiegeant une ville, et s'estant maniere que le pere en mourut soubdain; et le desrobbé du siege pour aller à Orleans solenniser fils, aprez avoir esté longuement tormenté de la feste Sainct Aignan; comme il estoit en devomaladie, feut reservé à une aultre pire fortune. tion sur certain poinct de la messe, les murailles

Quelquesfois il semble à poinct nommé qu'elle de la ville assiegee s'en allerent sans aulcun effort se ioue à nous : le seigneur d'Estree, lors guidon en ruyne. Elle feit tout à contrepoil en nos guerde monsieur de Vandosme, et le seigneur de Lic- res de Milan : car le capitaine Rense assiegeant ques, lieutenant de la compaignie du duc d'Ascot, pour nous la ville d'Eronne', et ayant faict mettre estants touts deux serviteurs de la sæur du sieur la mine soubs un grand pan de mur, et le mur de Foungueselles', quoy que de divers partis en estant brusquement enlevé hors de terre, (comme il advient aux voysins de la frontiere), recheut toutesfois tout empenné, si droict dans le sieur de Licques l'emporta; mais le mesme iour son fondement, que les assiegez n'en vaulsirent des nopces, et qui pis est, avant le coucher, moins. marié ayant envie de rompre un bois en faveur Quelquesfois elle faict la medecine : Iason Phede sa nouvelle espouse, sortit à l'escarmouche reus 3 estant abbandonné des medecins pour une prez de Sainct Omer, où le sieur d’Estree se trou- aposteme qu'il avoit dans la poictrine, ayant envie vant le plus fort, le feit son prisonnier : et pour de s'en desfaire, au moins par la mort, se iecta faire valoir son advantage, encores fallut il que dans une battaille à corps perdu dans la presse la damoiselle,

des ennemis, où il feut blessé à travers le corps Coniugis ante coacta novi dimittere collum,

si à poinct, que son aposteme en creva, et guarit. Quam veniens una atque altera rursus hyems Surpassa elle pas le peintre Protogenes en la Noctibus in longis avidum saturasset amorem

science de son art? Cettuy cy* ayant parfaict Daniel Heinsius, envoyant dans cette ville un ouvrage où il l'image d'un chien las et recreu , à son contente parle du pape Urbain VIII, l'appela , dans le texte, Eccle- ment en toutes les aultres parties, mais ne pouvant sie caput, et dars l’errata, Ecclesiæ Romanæ caput. (Balzac, representer à son gré l'escume et la bave, despité Dissert. 26. ) Il parait que cette censure de livres n'était pas toujours exercée par des gens fort habiles. La Mothe le Vayer contre sa besongne, print son esponge, et comme dit tenir de Naudé mème, que dans un ouvrage que celui-ci elle estoit abbruvee de diverses peinctures, la iecta voulait faire imprimer à Rome, et où se trouvaient ces mots : Virgo fata est, l'inquisiteur mit en marge : Proposi-contre, pour tout effacer : la fortune porta tout à tio hæretica ; nam non datur fatum. (MÉNAGIANA) La défense propos le coup à l'endroict de la bouche du chien, était si sérieuse, qu'Addison, dans son voyage d'Italie, lut a Florence, à la tête d'un opéra , cette protestation solen

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vel époux, avant que les longues nuits d'un ou de deux quello, che crede e comanda santa madre Chiesa. Montai- hivers eussent rassasié l'avidité de leur amour. CATULLE, gne se justifie dans le chap. 56 de ce premier livre d'avoir LXVIII, 81. employé quelques-uns de ces mots prohibés, verba indis- Mémoires de MARTIN DU BELLAY, liv. II, fol. 86, ou celle ciplinata , comme il les appelle : on voit, par les anciennes ville est nommée Arone , sur le lac Majeur. C. éditions, qu'il n'a composé cette espèce d'apologie que de- 2 Tout d'une pièce, comme une flèche empennée qui tompuis son retour de Rome. J. V. L.

berait perpendiculairement dans l'endroit d'où elle aurait été 1 En 1503. Historia di Francesco Guicciardini, I. VI, p.

lancée vers le ciel. C. 267. In l'inegia., appresso Gabriel Giolito, 1568. C.

3 Ou mieux, de Phèrcs en Thessalie. PLINE, Nat. Hist. ? Ou plutot Fouquerolles. MARTIN DU BELLAY, Mémoires, VII, 50. J. V. L. liv. II, fol. 83 et 87. C.

4 PLINE, Nat. Hist. XXXV, 10. C. 3 Contrainte de renoncer aus embrassements de son nou- 5 Ne redresse-t-elle pas, etc. E. J.

in tutto

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corrige? Isabelle, royne d’Angleterre, ayant à cruauté des tyrans; ils se coururent sus l'espee repasser de Zelande en son royaume', avecques au poing : elle en dressa les poinctes, et en feit une armee, en faveur de son fils, contre son mary, deux coups egualement mortels; et donna à l'honestoit perdue, si elle feust arrivee au port qu'elle neur d'une si belle amitié, qu'ils eussent iusteavoit proiecté, y estant attendue par ses ennemis : | ment la force de retirer encores des playes leurs mais la fortune la iecta contre son vouloir ailleurs, bras sanglants et armez, pour s'entr'embrasser où elle print terre en toute seureté. Et cet ancien en cet estat d'une si forte estreincte, que les bourqui ruant la pierre à un chien, en assena et tua reaux coupperent ensemble leurs deux testes, laissa marastre, eut il pas raison de prononcer ce sant les corps tousiours prins en ce noble næud, vers,

et les playes ioinctes, humants amoureusement Ταυτόματον ημών καλλίω βουλεύεται και,

le sang et les restes de la vie l'une de l'aultre. La fortune a meilleur advis que nous ?

CHAPITRE XXXIV.
Icetes y avoit practiqué deux soldats pour tuer
Timoleon, seiournant à Adrane en la Sicile. Ils

D'un default de nos polices. priprent heure sur le poinct qu'il feroit quelque sacrifice; et se meslants parmy la multitude, Feu mon pere, homme, pour n'estre aydé que comme ils se guignoient l'un l'aultre que l'oc de l'experience et du naturel, d'un iugement bien casion estoit propre à leur besongne, voycy un net , m'a dict aultrefois qu'il avoit desiré mettre tiers qui d'un grand coup d'espee en assene l'un en train qu'il y eust ez villes certain lieu designé, par la teste et le rue mort par terre, et s'enfuit. auquel ceulx qui auroient besoing de quelque chose Le compaignon se tenant pour descouvert et se peussent rendre, et faire enregistrer leur afperdu, recourut à l'autel, requerant franchise, faire à un officier estably pour cet effect; comme : avecques promesse de dire toute la verité. Ainsi « Je cherche à vendre des perles; le cherche des qu'il faisoit le conte de la coniuration, voycy le perles à vendre; Tel veult compaignie pour aller tiers qui avoit esté attrappé, lequel, comme meur

à Paris; Tel s'enquiert d'un serviteur de telle trier, le peuple poulse et saboules au travers la qualité; Tel, d'un maistre; Tel demande un presse, vers Timoleon et les plus apparents de ouvrier ; qui cecy, qui cela, chascun selon l'assemblee. Là il crie mercy, et dict avoir iuste

son besoing. Et semble que ce moyen de nous ment tué l'assassin de son pere, verifiant sur le entr'advertir apporteroit non legiere commodité champ, par des tesmoings que son bon sort luy au commerce publicque; car à touts coups il y a fournit tout à propos, qu'en la ville des Leontins des conditions qui s'entrecherchent, et pour ne son pere, de vray, avoit esté tué par celui sur s'entr'entendre, laissent les hommes en extreme lequel il s'estoit vengé. On luy ordonna dix mi- necessité. nes attiques pour avoir eu cet heur, prenant l'entens, avecques une grande honte de nos. raison de la mort de son pere, d'avoir retiré de tre siecle, qu'à nostre veue deux tres excellents mort le pere commun des Siciliens. Cette fortune personnages en sçavoir sont morts en estat de n'asurpasse en reiglement les reigles de l'humaine voir pas leur saoul à manger, Lilius Gregorius prudence.

Giraldus' en Italie, et Sebastianus Castalio en Pour la fin, en ce faict icy se descouvre il pas Allemaigne; et croy qu'il y a mille hommes qui une bien expresse application de sa faveur , de les eussent appellez avecques tres advantageuses bonté et pieté singuliere? Ignatius pere et fils, conditions, ou secourus où ils estoient, s'ils l'eusproscripts par les triumvirs à Rome, se resolu- sent sceu. Le monde n'est pas si generalement rent à ce genereux office de rendre leurs vies corrompu, que ie ne sçache tel homme qui souentre les mains l'un de l'aultre, et en frustrer la haitteroit, de bien grande affection, que les moyens 1 En 1326. Voyez FROISSART. C.

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que les siens luy ont mis en main, se peussent emIci Montaigne traduit exactement le vers grec qu'il vient de citer. Ce vers est de Ménandre, et il était passé en pro- Giglio Gregorio Giraldi, né à Ferrare en 1489, y mourut verbe. Voyez les commentateurs sur les lettres de Cicéron à en 1552. Ses ouvrages, dont les principaux sont l'Histoire des Atticus, I, 12. C.

dieux et les Dialogues sur les poëtes, ont été recueillis par 3 Sicilien, né à Syracuse, qui voulait opprimer la liberté Jensius dans la belle édition de Leyde, 2 vol. in-fol. 1696. J. de sa patrie, dont Timoléon était le défenseur. PLUTARQUE, Vie de Timoléon, c. 7. C.

2 Sébastien Chasteillon, Dauphinois, né en 1515, mort en 4 Se faisaient signe du coin de l'ail. E. J.

1563. Il est connu surtout par sa version latine de la Bible, ou 5 Foule aux pieds. Nicot : Sabouler, proculcare.

il affecte de ne parler que la langue cicéronienne. Voyez BAYLB, 6 APPIEN, Guerres civiles, IV, p. 909, éd. de 1670. C. au mot Castalion. J. V. L.

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V.L.

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ployer, tant qu'il plaira à la fortune qu'il en tout ce qui vit, se treuve naturellement equippé iouïsse, à mettre à l'abri de la necessité les per- de suffisante couverture pour se deffendre de l'insonnages rares et remarquables en quelque es

iure du temps, pece de valeur, que le malheur combat quelques

Proptereaque fere res omnes aut corio sunt, fois iusques à l'extremité; et qui les mettroit pour Aut seta, aut conchis, aut callo, aut cortice tectæ, le moins en tel estat, qu'il ne tiendroit qu'à aussi estions nous : mais comme ceulx qui esteifaulte de bon discours, s'ils n'estoient contents.

gnent par artificielle lumiere celle du iour, nous En la police economique, mon pere avoit cet avons esteinct nos propres moyens par les moyens ordre, que ie sçay louer, mais nullement ensuy- empruntez. Et est aysé à veoir que c'est la cousvre : c'est qu'oultre le registre des negoces du mes- tume qui nous faict impossible ce qui ne l'est pas : nage où se logent les menus comptes, payements, car de ces nations qui n'ont aulcune cognoissance marchez qui ne requierent la main du notaire, de vestements, il s'en treuve d'assises environ lequel registre un receveur a en charge; il ordon- soubs mesme ciel que le nostre, et soubs bien plus noit à celuy de ses gents qui luy servoit à escrire, rude ciel que le nostre; et puis la plus delicate un papier iournal à inserer toutes les survenances partie de nous est celle qui se tient tousiours desde quelque remarque, et, iour par iour, les me-couverte, les yeulx, la bouche, le nez, les aumoires de l'histoire de sa maison; tres plaisante reilles; à nos contadins', comme à nos ayeulx, à veoir quand le temps commence à en effacer la partie pectorale et le ventre. Si nous feussions la souvenance, et tres à propos pour nous oster | nayz avecques condition de cotillons et de gre

à souvent de peine : « Quand feut entamee telle be- guesques, il ne fault faire doubte quenature n'eust songne, quand achevee; Quels trains y ont passé, armé d'une peau plus espesse ce qu'elle eust combien arresté; Nos voyages, nos absences, abbandonné à la batterie des saisons, comme elle mariages, morts; La reception des heureuses ou a faict le bout des doigts et plante des pieds. malencontreuses nouvelles ; Changement des ser- Pourquoy semble il difficile à croire? entre ma viteurs principaulx; » telles matieres. Usage an- façon d'estre vestu, et celle d'un passan de mon cien, que ie treuve bon à refreschir , chascun en païs, ie treuve bien plus de distance, qu'il n'y a sa chascuniere : et me treuve un sot d'y avoir de sa façon à celle d'un homme qui n'est vestu failly.

que de sa peau. Combien d'hommes, et en Turquie

sur tout, vont nuds par devotion! Ie ne sçay qui CHAPITRE XXXV.

demandoit à un de nos gueux, qu'il veoyoit en cheDe l'usage de se vestir.

mise en plein hyver, aussi scarbillatque tel qui

se tient emmitonné dans les martes iusques aux Où que ie vueille donner, il me fault forcer aureilles, comme il pouvoit avoir patience : « Et quelque barriere de la coustume : tant elle a soi

« vous, monsieur, respondit il, vous avez bien gneusement bridé toutes nos advenues ! Ie de

« la face descouverte : or moy, ie suis tout face. visois en cette saison frilleuse, si la façon d'aller Les Italiens content du fol du duc de Florence, tout nud de ces nations dernierement trouvees,

ce me semble, que son maistre s'enquerant comest une façon forcee par la chaulde temperament ainsi mal vestu il pouvoit porter le froid , ture de l'air, comme nous disons des Indiens et

à quoy il estoit bien empesché luy mesme : « Suydes Mores, ou si c'est l'originelle des hommes.

dict il, ma recepte, de charger sur vous Les gents d'entendement, d'autant que tout ce

« touts vos accoustrements, comme ie fois les qui est soubs le ciel, comme dict la saincte pa- miens, vous n'en souffrirez non plus que moy. » role, est subiect à mesmes loix, ont accoustumé Le roy Massinissa“, iusques à l'extreme vieillesse, en pareilles considerations à celles icy, où il fault

ne peut estre induict à aller la teste couverte, par distinguer les loix naturelles des controuvees, froid, orage et pluye qu'il feist; ce qu'on dict aussi de recourir à la generale police du monde, où de l'empereur Severus. Aux battailles donnees il n'y peult avoir rien de contrefaict. Or tout estant exactement fourny ailleurs de filet et

' Et que, pour cette raison, presque tous les étres sont d'aiguille, pour maintenir son estre, il est mes- couverts ou de cuir, ou de poil, ou de coquilles, ou d'écorce, creable que nous soyons seuls produicts en estat

ou de callosités. LUCRÈCE, IV, 936.

2 Paysans, de l'italien contadino, qui a la même significadefectueux et indigent, et en estat qui ne se puisse tion. C. maintenir sans secours estrangier. Ainsi ie tiens

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« vez,

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3 Ou escarbillat, c'est-à-dire éveillé, gai, de bonne kuque comme les plantes, arbres, animaulx, et 4 Cic. de Senectute, c. 10. C.

meur. C.

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entre les Aegyptiens et les Perses, Herodote' dict| congnee, se debitoit aux soldats par poids, et avoir esté remarqué, et par d'aultres et par luy, qu'ils l'emportoient dans des panniers: et Ovide, que de ceulx qui y demeuroient morts, le test es

Nudaque consistunt, formam servantia testæ, toit sans comparaison plus dur aux Aegyptiens

Vina; nec hausta meri, sed data frusta, bibunt'. qu'aux Persiens ; à raison que ceulx icy portent Les gelees sont si aspres en l'emboucheure des leurs testes tousiours couvertes de beguins et puis Palus Maeotides, qu'en la mesme place où le de turbans; ceulx là razes dez l'enfance et descou

lieutenant de Mithridates avoit livré battaille aux vertes. Et le roy Agesilaus observa iusques à sa

ennemis à pied sec et les y avoit desfaicts , l'esté decrepitude de porter pareille vesture en hyver

venu il y gaigna contre eulx encores une battaille qu'en estéCesar, dict Suetone, marchoit tousjours devant sa trouppe, et le plus souvent à pied, vantage au combat qu'ils eurent contre les Car

navale’. Les Romains souffrirent grand desadla teste descouverte, soit qu'il feist soleil ou qu'il thaginois prez de Plaisance , de ce qu'ils allerent pleust; et autant en dict on de Hannibal,

à la charge, le sang figé et les membres conTum vertice nudo

traincts de froid : là où Hannibal avoit faict esExcipere insanos imbres, cælique ruinam 4.

pandre du feu par tout son ost pour eschauffer Un Venitien qui s'y est tenu long temps, et qui ses soldats, et distribuer de l'huyle par les banne faict que d'en venir, escrit qu'au royaume du des, à fin que s'oignants ils rendissent leurs nerfs Pegu, les aultres parties du corps vestues, les plus soupples et desgourdis, et encroustassent hommes et les femmes vont tousiours les pieds les pores contre les coups de l'air et du vent gelé nuds, mesme à cheval. Et Platon conseille mer- qui tiroit lors 3. veilleusement, pour la santé de tout le corps, de La retraicte des Grecs, de Babylone en leur ne donner aux pieds et à la teste aultre couverture païs , est fameuse des difficultez et mesayses qu'ils que celle que la nature y a mise. Celuy que les eurent à surmonter : cette cy en feut, qu'acPolonnois ont choisy pour leur roy aprez le nos

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cueillis aux montaignes d'Armenie d'un horrible tre, qui est à la verité l'un des plus grands prin- ravage de neiges, ils en perdirent la cognoissance ces de nostre siecle, ne porte iamais gants, ny du pais et des chemins; et en estants assiegez ne change, pour hyver et temps qu'il face, le tout court, feurent un iour et une nuict sans boire mesme bonnet qu'il porte au couvert. Comme ie et sans manger, la pluspart de leurs bestes morne puis souffrir d'aller desboutonné et destaché, tes, d'entre eulx plusieurs morts, plusieurs aveules laboureurs de mon voysinage se sentiroient gles du coup du gresil et lueur de la neige, entravez de l'estre. Varro6 tient que quand on plusieurs stropiez par les extremitez, plusieurs ordonna que nous teinssions la teste descouverteroides, transis et immobiles de froid, ayants en presence des dieux ou du magistrat, on le encores le sens entier 4. feit plus pour nostre santé et nous fermir contre Alexandre veid une nation en laquelle on enles iniures du temps, que pour compte de la re

terre les arbres fruictiers en hyver pour les defverence. Et puisque nous sommes sur le froid, fendre de la gelee"; et nous en pouvons aussi et François accoustumez à nous bigarrer (non veoir. pas moy, car ie ne m'habille gueres que de noir Sur le subiect de vestir, le roy de la Mexique ou de blanc, à l'imitation de mon pere), adious changeoit quatre fois par iour d'accoustrements, tons d'une aultre piece, que le capitaine Martin iamais ne les reïteroit, employant sa desferre à du Bellay recite, au voyage de Luxembourg, ses continuelles liberalitez et recompenses; comme avoir veu les gelees si aspres, que le vin de la aussi ny pot, ny plat, ny ustensile de sa cuisine munition se couppoit à coups de hache et de et de sa table, ne luy estoient servis à deux fois. " Liv. III, c. 12. J. V. L.

Le vin glacé retient la forme du vase qui le renfermait; PLUTARQUE, Vie d'Agesilas. J. V. L.

on ne boit pas le vin liquide, mais on le partage en morceaux. 3 Vie de César, c. 58. C.

OVID. Trist. III, 10, 23. 4 Qui, tête nue, bravait les torrents du ciel. SILIUS ITALICUS, 2 STRABON, liv. VII, p. 307, éd. de Paris; p. 472, éd. d'Ams. 1, 250.

terdam. C. 5 Étienne Bathory. Et c'est à lui, et non pas à Henri III, 3 TITE-LIVE, XX, 54. On lit aussi, qui courait lors. qu'il faut rapporter ces paroles, qui est à la verité l'un des 4 XÉNOPHON, Expédition de Cyrus, IV, 5. C. plus grands princes de nostre siecle. C.

5 QUINTE-CURCE, VII, 3. C. 6 PLINE, Nat. Hist. XXVIII, 6. C.

6 C'est-à-dire sa défroque ou sa dépouille. E. J. 7 En 1543. Mémoires de MARTIN DU BELLAY, liv. X, fol. 478. Philippe de Comines, liv. II, c. 14, parle d'un pareil froid arrivé de son temps (en 1469) dans le pays de Liége. C.

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