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pace de temps; mais elles s'occupent du travail des mains pendant que l'une d'elles, chacune à son tour, fait une lecture amusante et agréable, qui donne lieu à des réflexions sur l'ouvrage qu'on lit, dont on porte son jugement avec la modestie et la retenue qui convient au sexe. Je sais qu'il y a de ces sortes de liaisons. Or, je demande de quel côté est le bon esprit, le solide jugement, la justesse du goût; l'emploi raisonnable du temps, la vraie et sincère joie sans mélange d'ennui, de chagrin et dé repentir.

§. V. Travail des mains.

Il n'est pas nécessaire que j'insiste ici beaucoup sur les avantages du travail des mains par rapport aux personnes du sexe. Cette pratique est devenue assez commune parmi nous, et elle ne peut que leur faire beaucoup d'honneur. Dans ces siècles reculés, qui se ressentoient de l'heureuse simplicité du monde encore jeune, les dames les plus qualifiées s'occupoient à des travaux très-pénibles, et qui nous paroîtroient maintenant bas et méprisables. Sara, dans une maison riche et opulente, et avec un trèsnombreux domestique, préparoit de ses mains à manger aux hôtes. On voyoit Rébecca et Rachel, dans un âge encore tendre, revenir de la fontaine les épaules chargées de vaisseaux pesans remplis d'eau. Chez Alcinoüs, roi des Phéaques, qui exerçoit l'hospitalité avec une magnificence vraiment royale, la jeune princesse Nausicaé, sa fille, ne rougissoit point d'aller à la rivière laver elle-même le linge. Le sexe a conservé cette louable coutume du travail des mains dans tous les temps et dans tous les pays. L'histoire remarque qu'Alexandre, le plus grand des conquérans, et l'empereur Auguste, maître de l'univers, portoient des habits travaillés par leurs mères, leurs femmes ou leurs sœurs. Le christianisme nous fourniroit d'autres modèles non moins illustres. L'important est d'appliquer le travail des mains, non à des ouvrages frivoles, mais à des choses utiles et d'usage. On voit plusieurs dames se donner par là des ameublemens en tout ou

en partie; ce qui a son mérite, et doit être estimé. D'autres se font une gloire de préparer des ornemens à de pauvres églises de campagne. Quelques-unes enchérissent encore sur la piété de ces dernières, et tiennent à honneur de revêtir et d'orner les temples vivans du Seigneur, en taillant et préparant des chemises pour les pauvres. Quelle récompense et quelle joie pour elles quand elles entendront un jour Jésus-Christ lui-même leur adresser ces consolantes paroles : « Venez les bénies de mon père, « prendre possession du royaume qui vous a été préparé « dès le commencement du monde. J'étois nu, et vous « m'avez revêtu!» Heureuses les filles à qui leurs mères inspirent de bonne heure, par leur exemple, encore plus que par leurs discours, le désir de sanctifier leurs mains par de si pieux travaux !

§. VI. Etude de ce qui regarde les soins domestiques et le gouvernement intérieur de la maison.

J'entends par ces soins domestiques tout ce qui a rapport au gouvernement intérieur d'une maison, et tout ce qui regarde les dépenses pour les habits, pour les équipages, pour les meubles, pour la table, pour l'éducation et l'entretien des enfans, pour les gages et la nourriture des domestiques. Voilà, à proprement parler, la science des femmes: voilà l'occupation que la Providence leur a assignée comme par préciput, et pour laquelle elle leur a donné plus de talens qu'aux hommes: voilà ce qui les rend véritablement dignes d'estime et de louange, quand elles sont assez heureuses pour remplir tous ces devoirs. Pendaut que leurs maris sont occupés au-dehors dans les différens ministères qui leur sont confiés, il est bien juste et raisonnable qu'elles les déchargent de ces petits soins et de ce menu détail, qui leur emporteroient un temps qu'ils peuvent employer plus utilement pour le bien public et pour le service de l'état. Ce travail économique fait partie du secours que Dieu a prétendu p.ocurer à l'homme en

Gen.2, 18. lui donnant une compagne : « Il n'est pas bon que l'homme « soit seul; faisons-lui un aide semblable à lui. »

Si donc j'ai réservé cet article pour la fin, ce n'est pas que je le croie inférieur aux autres. Je déclare, au contraire, qu'après la religion, c'est celui qui me paroît le plus important. Une femme peut n'être pas fort instruite de tout le reste, et être néanmoins excellente mère de famille; mais elle ne peut ignorer ou négliger les devoirs dont je parle sans manquer à l'une de ses plus essentielles obligations. Le bel-esprit et la science ne couvrent point un tel défaut ; et loin de relever le sexe, ne servent qu'à le déshonorer.

Les mères doivent comprendre, par ce que je viens de dire, combien elles sont obligées de former de bonne heure leurs filles à ces soins domestiques. Elles seules peuvent ici leur tenir lieu de maîtresses: elles seules peuvent leur donner sur cet article les instructions qui leur sont nécessaires.

Après qu'on leur aura enseigné de l'arithmétique ce qui convient à leur áge et à leur sexe, ce qui se borne à très-peu de chose, c'est-à-dire à leur bien apprendre les deux premières règles et à leur donner une légère teinture des deux dernières : après ce travail, il faut les mettre tout d'un coup dans la pratique, leur faire composer à elles-mêmes des mémoires, et leur faire régler des comptes. Une mère intelligente les forme par degrés à ces différens exercices, et entre pour cela avec elles dans le dernier détail. Elle les accoutume à connoître le prix et la qualité des toiles, du linge, des étoffes, de la vaisselle et de tous les autres ustensiles. Quand elle fait des achats et des emplettes, elle les mène avec elle chez les marchands : elle leur apprend les temps où il faut faire chaque provision : elle les instruit de la manière dont on doit ordonner un repas, et de ce qui se sert ordinairement dans chaque saison, du prix de tout ce qui convient pour meubler un château, une maison, un appartement. Elle entre avec elles en connoissance de ce qu'il faut faire par rapport aux fermes, qui font le plus solide bien des grandes maisons,

pour tenir les terres en bon état, pour empêcher qu'on ne les dégrade, et, s'il se peut, pour les améliorer.

Elle a soin surtout d'inspirer à une jeune demoiselle destinée pour le monde les principes d'une sage et noble économie, qui s'éloigne également et d'une sordide avarice et d'une ruinense prodigalité. C'est cette vertu qui conserve le bien des grandes maisons, et qui les soutient avec honneur dans le monde; et c'est le défaut opposé qui en est la honte et la ruine, comme on le voit tous les jours par une expérience qui n'est que trop ordinaire, et qui cependant n'instruit point les gens de qualité.

On peut réduire l'instruction qu'une mère doit donner à sa fille sur cet article à cinq ou six principes qui renferment tous les autres.

1.o Régler sa dépense sur ses revenus et sur son état, sans jamais se laisser emporter au-delà des bornes d'une honnête bienséance par la coutume et l'exemple dont le luxe ne manque pas de se prévaloir.

2.o Ne prendre rien à crédit chez les marchands, mais payer argent comptant tout ce qu'on achette. C'est le moyen d'avoir tout ce qu'ils ont de meilleur, et de l'avoir à moindre prix.

3. S'accoutumer à regarder comme une grande injustice de faire attendre les ouvriers et les domestiques pour leur payer ce qui leur est dû. Tobie ne manque pas de donner cet avis à son fils. « Lorsqu'un homme, lui dit-il, Tob. 4, 15. « aura travaillé pour vous, payez-lui aussitôt ce qui lui « est dû pour son travail; et que la récompense du mer« cenaire ne demeure jamais chez vous. » L'Ecriture, en plusieurs endroits, parle de ces délais comme d'une injustice très-criminelle, dont le cri monte jusqu'aux oreilles de Dieu, et en attire la vengeance et la malédiction.

4. Se faire représenter et arrêter les comptes régulièrement tous les mois, les clore sans manquer à la fin de chaque année, et se donner bien de garde d'abandonner la régie des biens et de la maison à des mains subalternes, qui ne sont pas toujours zélées et fidèles. Ce soin n'est

point pénible, et ne coûte presque rie.í quand on y est exact; au lieu que, si on le néglige, il devient un vrai travail qui rebute, et qui fait qu'on laisse accumuler années sur années; ce qui cause un désordre et un chaos affreux dans les affaires, qu'il n'est plus possible de débrouiller, et qui ruine enfin les maisons les plus opulentes.

5. Dans le règlement qu'on fera des dépenses, qui doit toujours être proportionné aux revenus, mettre à la tête de tout la portion destinée et due aux pauvres. Ce n'est pas une grâce qu'on leur accorde, mais une dette dont on s'acquitte à leur égard, ou plutôt à l'égard de Jésus-Christ qui leur a transporté ses droits. Le moyen le plus sûr et le plus aisé de s'acquitter fidèlement de ce devoir, c'est de faire cette séparation dans le moment même que l'on reçoit quelque somme de ses revenus, et de la mettre à part comme un dépôt. La libéralité coûte moins quand on a de l'argent devant soi; et par cette attention, on se ménage toujours un fonds pour les diverses charités qu'on est obligé de faire. Je connois une maison, respectable par bien des endroits, où le père de famille, de concert avec son épouse, payoit régulièrement à Jésus-Christ, dans la personne des pauvres, les prémices et la dixme de tous ses revenus; et qui, outre cela, les mettoit au lieu et place d'un de ses enfans, selon le conseil de S. Augustin. C'est là une magnificence chrétienne qu'il ne faut pas exiger de tout le monde, mais dont une mère de famille doit se tenir heureuse de pouvoir approcher, quoique de loin, persuadée qu'elle fait partie de cette sagesse dont Prov. 14, 1. parle le saint Esprit dans les Proverbes : « La femme sage « bâtit sa maison; l'insensée détruit de ses mains celle <«< même qui étoit déjà bâtie. »

CONCLUSION.

En proposant, comme j'ai fait, une suite de lectures et d'exercices pour les jeunes personnes du sexe, je n'ai eu en vue que celles à qui leur état laisse le temps et fournit les moyens de s'y occuper. Ces sortes de lectures et d'exer

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