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178.

<< la personne la plus sensée, et de la plus insensée d'en « faire une personne très-sage.

4. Conséquences de la vérité précédente.

Tout vient des dieux: il ne faut donc point tirer vanité des talens qu'ils nous ont donnés. C'est ce qu'Agamemnon représente à Achille, que son courage rendoit fier Il. 1, 177. et intraitable. Vous ne respirez, lui dit-il, que querelles, que guerres, et que combats. Si vous êtes si vaillant, d'où vous vient votre valeur? ne sont-ce pas les dieux qui vous l'ont donnée? par où il lui fait assez entendre qu'il n'y a rien de plus ridicule ni de plus injuste que de s'enorgueillir d'un bien qui ne vient pas de nous. Saint Paul 1. Cor. 4, 7. le dit plus clairement: Qu'avez-vous que vous n'ayez pas reçu? et si vous l'avez reçu, pourquoi vous en glorifiezvous comme si vous ne l'aviez point reçu?

Il. xi, 317.

365.

437.

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Tout vient des dieux: il faut donc tout attendre d'eux, et mettre en eux sa confiance. Diomède n'attend rien de son courage, et reconnoît que tous les efforts des Grecs seront inutiles, parce que Jupiter favorise les Troyens, et qu'il a résolu de leur donner la victoire: mais aussi il esIl. xx, 434- père vaincre Hector, si quelque dieu l'assiste. Hector luimême ose tout espérer du secours des dieux. Je sais, dit-il en parlant à Achille, que vous êtes vaillant, et «< que je le suis beaucoup moins que vous: mais c'est de la « seule volonté des dieux que dépend le succès des com« bats. Qui sait si, quoique j'aie moins de valeur, je ne << vous arracherai pas la vie avec ce fer? il sait aussi bien « percer que le vôtre. » Ulysse, voyant son fils effrayé du dessein qu'il avoit d'aller attaquer seul avec lui les princes Ody's. xvi, qui étoient en très-grand nombre: « Croyez-vous, lui dit-il, que la déesse Minerve, et son père Jupiter, soient un assez bon secours, ou si nous en chercherons quelque autre? » Et dans un autre endroit il parle encore avec plus d'assurance. « Si vous daignez m'assister, grande Minerve, fussent-ils trois cents, je les attaquerai seul, et je suis sûr de les vaincre. » On reconnoît ici le

160.

Odys. xIII, 389-391.

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langage de David si consistant adversùm me castra, Ps. 26.
non timebit cor meum; si exurgat adversùm me prælium,
in hoc ego sperabo.

Tout vient des dieux: il faut donc s'adresser à eux par la prière, pour en obtenir les biens dont on a besoin. Il n'y a presque point de page dans Homère qui n'inculque cette vérité. Si un dard lancé à propos porte et frappe, si un voyage réussit, si un discours fait impression sur les esprits, si quelqu'un terrasse son ennemi, en un mot, si l'on réussit en quelque chose que ce puisse être, tout succès heureux est attribué à la prière: et, au contraire, on voit que plusieurs manquent la victoire parce qu'ils ont manqué de prier les dieux.

Qu'il me soit permis de copier ici tout au long ce que dit Homère du pouvoir et de l'efficace des prières sur l'esprit des dieux, et de rapporter l'admirable caractère qu'il leur donne. C'est dans le neuvième livre de l'Iliade, où Phoenix tâche d'apaiser la colère inflexible d'Achille.

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510.

Mon cher Achille, domptez cette impérieuse colère qui Il. ix, 493vous domine. Il ne vous sied pas d'avoir un cœur impitoyable. Les dieux, plus puissans que vous et d'une nature plus excellente, les dieux mêmes se laissent fléchir. L'encens, les humbles voeux, les libations, la douce odeur des sacrifices, les prières des hommes, tout cela détourne leur colère quand on les a offensés, quand on a violé leurs commandemens. Les Prières sont des déesses. Toutes difformes qu'elles paroissent, boitenses, louches, ridées, elles sont filles du grand Jupiter. Elles marchent sur les pas de l'injurieuse Até, et prennent soin de remédier aux maux qu'elle fait. La déesse malfaisante est forte et robuste. Elle a le pied ferme. Elle «les devance toutes de bien loin. Elle court légèrement

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par toute la terre. Elle imprime ses pas sur les têtes

des orgueilleux mortels. Elle prend plaisir à affliger les « hommes. Les Prières viennent après, et réparent ses outrages. Quiconque a reçu avec respect les saintes filles de Jupiter dès le moment qu'il les a vues approcher, elles l'ont toujours récompensé libéralement, elles l'ont

«< exaucé à leur tour dès qu'il les a invoquées. Mais, lors<< qu'on les a rebutées par un dur refus, alors ces déesses «< s'en vont trouver le fils de Saturne; alors elles prient Jupiter leur père de punir celui qui les a méprisees, « et de lui donner pour compagne l'outrageuse Até. 0 « mon cher Achille, ne refusez pas aux filles de Jupiter << un honneur qui leur appartient!

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On sera bien aise de trouver ici les réflexions de madame Dacier sur cet endroit d'Homère, l'un des plus beaux qui se trouvent dans les auteurs anciens.

Dans tout ce que nous avons de plus belle poésie, ditelle, je ne crois pas qu'il y ait rien de plus noble, de plus poétique et de plus heureusement imaginé que cette fiction qui personnifie les prières et l'injure, en leur donnant toutes les qualités, tous les sentimens, et tous les traits de ceux qui font l'injure, et qui ont recours aux prières.

Les Prières sont filles de Jupiter. Car c'est Dieu qui inspire les prières et qui enseigne aux hommes à prier. Elles sont boiteuses, ridées, etc. Ceux qui prient ont un genou en terre, le visage ride et baigné de pleurs, n'osent lever les yeux, sont tremblans et humiliés.

L'Injure altière, etc. Cette déesse est appelée Até dans le grec, et l'on en voit une belle description dans le dixneuvième livre de l'Iliade, que l'on pourra consulter. Lla jure au pied léger marche la première: car les violens et les emportés sont prompts à commettre le mal. L'humble Prière la suit, et il n'y a que la Prière qui puisse réparer les maux que l'Injure a faits.

Elles l'écoutent à leur tour dans ses besoins, etc. Voilà une grande vérité marquée bien clairement, que, pour être exaucé des dieux et en obtenir le pardon, il faut écouter les prières des hommes qui nous ont offenses. et leur pardonner leurs fautes.

Elles prient leur père de donner pour compagne à celu qui les a méprisées l'outrageuse Até. Que ce retour m paroît beau! Naturellement les Prières suivent l'Injure

pour guérir les maux qu'elle a faits. Mais quand on a méprisé et rejeté les Prières, l'Injure les suit à son tour pour les venger, et elle les suit par l'ordre même de Jupiter, qui s'en sert pour faire exécuter les ordres de sa justice.

Je dois encore, en finissant cet article, avertir que c'est principalement sur la matière qui y est traitée qu'on peut voir à quelles ténèbres l'homme a été livré depuis le péché. Les païens attribuoient à Dieu seul généralement tous les biens, excepté celui qui en dépend davantage, qui est le plus estimable de tous, et qui seul, à proprement parler, mérite ce nom, je veux dire la vertu. C'est pour cela qu'ils s'adressoient à leurs dieux pour en obtenir tous les autres avantages, comme le remarque Cicéron; mais ils n'avoient recours qu'à eux-mêmes pour se procurer la vertu et la sagesse: judicium hoc omnium Lib. 3, de mortalium est, fortunam à Deo petendam, à se ipso na. deor. sumendam esse sapientiam. Ils étoient fort fidèles à leur rendre grâces des autres biens: mais, persuadés qu'ils ne devoient leur vertu qu'à eux-mêmes et à leur propre volonté, il ne leur venoit pas même dans l'esprit d'en remercier les dieux. Num quis, quod bonus vir esset, Nùm gratias diis egit unquàm? On peut consulter l'endroit de Cicéron que j'ai cité, où ce principe est étendu fort au long. Horace l'a abrégé en un seul vers, où il parle de Jupiter:

Det vitam, det opes: animum æquum mî ipse parabo.

Par où il marque clairement, que les biens qui ne dépendent pas de notre liberté sont au pouvoir des dieux, mais que l'homme n'a besoin que de soi-même pour devenir sage et tranquille. Et c'est dans le même sens qu'Homère fait ainsi parler Pélée à Achille: Mon fils, lui ditil, Minerve et Junon vous accorderont la victoire, si elles le jugent à propos; mais c'est à vous de modérer votre fierté et de réprimer votre colère.

86-88.

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Odys. xi, 567, etc.

Τέκνον ἐμὸν, κάρτος μὲν Αθηναίη τε καὶ Ηρη
Δάσκο', ἄικ ἐθέλωσι· σύ δε μεγαλήτορα θυμόν
ἔχειν ἐν τήθεσσι.

5. Immortalité de l'âme. Peines et récompenses après

la mort.

Il faudroit étrangement s'aveugler pour ne pas reconnoître partout dans Homère que l'opinion de l'immortalité de l'âme étoit de son temps une opinion dominante, ancienne, universelle. Sans parler de beaucoup d'autres preuves, il ne faut que lire ce que dit ce poëte de la descente d'Ulysse dans les enfers.

Cette autre vérité, qui est une suite de la première, que les vertus sont récompensées, et les crimes punis dans l'autre vie, n'y est pas marquée moins clairement. Homère nous représente Minos dans les enfers qui, le sceptre à la main, rend justice aux morts assemblés en foule autour de son tribunal, et prononce des jugemens irrévocables qui décident pour toujours de leur sort. 13- Ce que dit Homère des profonds abîmes du Tartare 16, et L., ténébreux, de ces cavernes affreuses de fer et d'airain qui sont sous la terre, où les parjures sont éternellement punis, et où Jupiter menace de précipiter quiconque des dieux même osera désobéir à ses ordres, nous fait assez connoître ce que pensoient les païens des peines qu'on souffre dans l'autre vie.

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279.

Il. xix, 90, etc.

Ce que dit le mênie poëte de la déesse Até, fille di Jupiter, ce démon de discorde et de malédiction, dont l'emploi est de tendre des piéges et de faire du mal à tous les hommes, que le maître des dieux, dans sa juste colère, avoit précipitée du ciel avec serment qu'elle n'y rentreroit jamais; tout cela, dis-je, donne lieu de croire que l'histoire des anges apostats, ennemis des hommes, appliqués à leur nuire, opposés à leur bonheur, et relégués pour toujours dans les enfers, n'étoit pas inconnue aux anciens.

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