Page images
PDF
EPUB

livres; et il nous marque lui-même qu'il avoit expliqué

epist. 8.

à sainte Paule, et à sainte Eustoquie sa fille, l'ancien et le Epist. ad nouveau Testament tout entiers, et que leur zèle avoit été Eustoch,1.5, jusqu'à apprendre l'hébreu pour se rendre plus habiles dans l'intelligence des saints livres. Mais ce qui fait le plus parfait éloge de cette ardeur pour l'étude, c'est qu'elle ne servit qu'à sanctifier ces illustres dames romaines, et à augmenter en elles la piété et l'humilité; de sorte qu'elles se dépouillèrent de tout pour suivre dans une entière pauvreté un Dieu fait pauvre et anéanti

pour elles.

En supposant, comme je le fais, que l'étude de la langue latine ne convient point au commun des filles, à quoi faut-il donc les appliquer quand elles sont dans un âge plus avancé? C'est ce que je vais exposer d'une manière

succincte.

§. II. Lecture. Ecriture. Arithmétique.

Je suppose que dans les années précédentes les jeunes filles ont appris à bien lire et à bien écrire ; c'est une partie de l'éducation des filles qui est trop négligée. Il est honteux, dit M. de Cambrai, mais ordinaire, de voir des femmes qui ont de l'esprit et de la politesse ne savoir pas bien prononcer ce qu'elles lisent. On elles hésitent, ou elles chantent en lisant; au lieu qu'il faut prononcer d'un ton simple et naturel, mais ferme et uni. Elles manquent encore plus grossièrement pour l'orthographe. On ne doit pas leur faire un crime de cette ignorance presque générale dans leur sexe, et qui, par cette raison, semble ne le pas déshonorer. Mais pourquoi ne tâcheroit-on pas de bonne heure à prévenir ce reproche en leur apprenant à écrire correctement ? Ce soin ne demande pas un grand travail. Une légère connoissance de la granimaire françoise pour distinguer les différentes parties du discours, pour savoir décliner et conjuguer, pour connoître les diverses manières de ponctuer : voilà à quoi se borne, par rapport aux filles, la science qui leur est nécessaire pour ce point. Ces règles se trouvent dans toutes les grammaires françoises. Un TRAITÉ DES ÉTUD. TOM. 1.

3

maître habile en fera le choix, et en très-peu de temps et très-peu de leçons mettra une jeune fille en état d'écrire très-correctement.

Il sera bon que les jeunes filles apprennent les quatre opérations de l'arithmétique, qui leur seront fort utiles, et même nécessaires pour remplir des devoirs dont je parlerai dans la suite.

§. III. Lecture des poëtes. Musique. Danse.

La lecture des comédies et des tragédies, même de celles qui paroissent n'avoir rien de contraire à la modestie et aux bonnes mœurs, pent être fort dangereuse pour cet âge. Car, outre que cette lecture conduit presque infaillib'ement au désir de les voir représenter par des acteurs qui y ajoutent de l'âme et de la vie, l'imagination vive des jeunes personnes saisit avidement tout ce qui flatte les sens et qui est favorable à la cupidité; et presque tout la réveille dans ces sortes de poésies. Tout ce qui peut faire sentir l'amour (dit M. de Cambrai), plus il est adouci et enveloppé, plus il me paroît dangereux. Les deux tragédies sacrées de Racine, Esther et Athalie, n'ont point ce danger pour les filles, et on peut leur en faire apprendre des endroits choisis.

La musique, aussi-bien que la poésie, demande de grandes précautions. Les plus sages législateurs du paganisme ont cru que rien n'étoit plus pernicieux à une république bien policée que d'y laisser introduire une musique efféminée. Des mères chrétiennes, pour peu qu'elles soient instruites, doivent comprendre jusqu'où elles sont obligées de porter la délicatesse sur ce point.

Premièrement, soit dans la maison paternelle, soit dans les couvens, on ne doit pas appliquer sitôt les jeunes filles à apprendre à chanter et à jouer des instrumens. Une expérience presque universelle montre que l'étude de la musique les dissipe extraordinairement, et leur inspire du dégoût et de l'aversion pour toutes les autres occupations, qui sont néanmoins infiniment plus importantes et plus essentielles à cet âge.

En second lieu, une mère chrétienne ne doit jamais permettre qu'on mette entre les mains de sa fille ces sortes de pièces de musique qui ne respirent qu'un air mondain, et ne contiennent que des maximes antichrétiennes, où il semble qu'on a pris à tâche de rétablir le paganisme avec toutes ses divinités; où l'amour, l'ambition, la vengeance, en un mot, où toutes les passions règnent et sont mises en honneur. N'est-ce pas rétracter ouvertement les vœux de son baptême que d'approuver et de permettre cet usage, qui y est si directement contraire? Est-il raisonnable que l'autorité des maîtres de musique, souvent peu religieux, l'emporte sur celle des saints pères, qui sont nos maîtres pour la religion? Croit-on n'avoir point de reproche à se faire d'obliger de saintes religieuses, dont la demeure retentit continuellement des cantiques du Seigneur, à souffrir qu'on enseigne en leur présence à de jeunes filles confiées à leurs soins des cantiques qui semblent composés à dessein de contredire ouvertement l'Evangile? Des motets, et il y en a d'excellens; les cœurs d'Esther et d'Athalie, quelques cantiques que l'on peut choisir ailleurs, ne suffiroient-ils pas? Et quand il y manqueroit quelque chose pour ce goût fin et délicat en matière de musique, le dédommagement par rapport aux mœurs ne doit-il être compté pour rien?

Je ne sais pas comment la coutume de faire apprendre à grands frais aux jeunes filles à chanter et à jouer des instrumens est devenue si commune, et est regardée comme une partie essentielle de leur éducation. J'entends dire que, dès qu'elles sont établies dans le monde, elles n'en font plus aucun usage. Pourquoi donc y donner pendant la jeunesse un temps si considérable, qui pourroit être employé à des choses plus utiles, et non moins agréables, comme seroit, entre autres, le dessin, qui peut beaucoup servir aux ouvrages dont les dames ont coutume de s'occuper.

La danse aussi fait ordinairement une des parties les plus essentielles de l'éducation des filles, et l'on y consacre sans peine beaucoup de temps et beaucoup d'argent. On

ne s'attend pas que j'entreprenne ici d'en faire l'éloge ou l'apologie. Je me borne à examiner simplement et sans prévention quel est, sur cet article, le devoir d'une mère chrétienne et raisonnable. Comme il y a des études destinées à cultiver et à orner l'esprit, il y a aussi des exercices propres à former le corps; et l'on ne doit pas les négliger. Ils contribuent à régler la démarche, à donner un air aisé et naturel, à inspirer une sorte d'honnêteté et de politesse extérieure qui n'est pas indifférente dans le commerce de la vie, et à faire éviter des défauts de grossièrete et de rusticité qui sont choquans, et qui marquent peu d'éducation. Mais il suffit pour cela d'apprendre à de jeunes personnes à ne point s'abandonner à une molle nonchalance qui gâte et corrompt toute l'attitude du corps, à se tenir droites, à marcher d'un pas uni et ferme, entrer décemment dans une chambre ou dans une compagnie, à se présenter de bonne grâce, à faire une révérence à propos, en un mot, à garder toutes les bienséances qui font partie de la science du monde, et auxquelles on ne peut manquer sans se rendre méprisable. Voilà, ce me semble, à quoi naturellement doit tendre l'exercice dont je parle; et j'ai vu avec joie des maîtres à danser de la première réputation se renfermer dans ces bornes pour satisfaire aux désirs de mères chrétiennes, qui joignent à une grande naissance une piété encore plus grande.

Il n'est pas nécessaire que je m'arrête ici à montrer combien tout ce qui est au-delà de ce que je viens de marquer peut devenir dangereux pour de jeunes demoiselles, et combien les suites en peuvent être funestes. Une dame un peu jalouse de sa réputation ne seroit pas contente qu'on lui fit un mérite d'exceller dans le chant In bello ca- et dans la danse. C'est la remarque que fait Salluste, en disant de Sempronia, dame de naissance, mais absolument décriée pour les mœurs, « qu'elle chantoit et dansoit << avec plus d'art et de grâce qu'il ne convenoit à une hon<< nête femme : psallere, saltare elegantiùs quàm necess « est proba.

tilin.

[ocr errors]

§. IV. Etude de l'histoire.

L'étude la plus propre à orner l'esprit des jeunes demoiselles, et même à leur former le cœur, est celle de l'histoire. Elle leur ouvre un vaste champ, qui peut les occuper utilement et agréablement pendant plusieurs années. On trouvera dans la suite de cet ouvrage quelques réflexions plus étendues sur la manière dont il faut s'appliquer à cette étude.

1. Histoire sainte.

L'ordre des temps demande qu'on commence par l'histoire sainte. Comme elle est le fondement de la religion, il faut s'y arrêter plus que sur toutes les autres, et faire en sorte qu'une jeune fille la possède en perfection. Elle lui sera d'un grand usage tout le reste de sa vie, soit pour entendre les instructions publiques, soit pour lire en particulier avec fruit les livres de piété. Car, dans les unes et dans les autres, on suppose que l'auditeur et le lecteur sont instruits des faits de l'histoire sainte, et par cette raison on se contente de les leur indiquer en un mot: mais c'est un langage étranger pour ceux à qui cette histoire est inconnue, et le nombre en est grand.

Outre cet avantage, qui est certainement bien considérable, mais qui ne regarde que les années suivantes, il y en a un autre actuel et présent, qui est encore d'une plus grande importance. M. Fleury et M. de Fénélon ont tous deux remarqué que l'étude de l'histoire sainte, sans parler de l'agrément qui s'y trouve par la beauté et la grandeur des événemens, et qui la rend par cette raison bien plus utile à la jeunesse, est la manière la plus sûre et la plus solide de l'instruire à fond et pour toujours de la religion. Ces histoires paroissent allonger l'instruction; mais véritablement elles l'abrégent, et lui ôtent la sécheresse des catéchismes, où les mystères sont détachés des faits. Aussi voyons-nous que saint Augustin, dans l'ad

« PreviousContinue »