Geor. 3, 498. Geor.4, 91. En. 1, 64. Ibid. 93. Ibid. 742. En. 2, 210. Ibid. 509. En. 5, 137. En. 6, 222. Ibid. 597. remplis. J'en rapporterai ici quelques-unes, sans garder d'autre ordre que celui des livres de Virgile dont elles sont tirées. Labitur infelix studiorum, atque immemor herbæ Alter erit maculis auro squalentibus ardens, Ponto nox incubat atra. Ces deux derniers exemples montrent quelle force a l'épithète placée après le substantif. En. 11,578. Ille impiger hausit Spumantem pateram, et pleno se proluit auro. Intenti expectant signum, exultantiaque haurit Rostroque immanis vultur obunco V. Descriptions et narrations. C'est principalement dans les descriptions et dans les narrations que paroît l'élégance et la vivacité du style poétique. Il y en a de plus courtes, d'autres plus longues. J'apporterai quelques exemples de l'un et de l'autre genre. 1. Descriptions courtes. Virgile peint merveilleusement en peu de vers la tristesse d'un laboureur qui venoit de perdre par la peste l'un de ses bœufs. It tristis arator, Mærentem abjungens fraternà morte juvencum, On croit voir dans les vers suivans ces pauvres malheureux qui demandoient avec instance à passer l'Achéron. Stabant orantes primi transmittere cursum, Enée, dans les enfers, avoit tâché par un discours humble et touchant d'apaiser Didon. Cette princesse, après avoir lancé contre lui des regards pleins de dépit et de fureur, détourna le visage, tint ses yeux fixement attachés à terre, et enfin le quitta brusquement sans lui avoir répondu un seul mot. Tout cela est décrit en très-peu de mots. Mais le silence que le poëte fait ici garder à Didon efface toutes les autres beautés. Talibus Æneas ardentem et torva tuentem Geor. 3, 517. En. 6, 513. Ibid. 467. Geor. 4, 464. 1bid. 467. 2. Narrations plus étendues. J'en choisirai une seule, tirée du quatrième livre des Géorgiques, où Virgile décrit l'histoire d'Eurydice et d'Orphée; et je n'en rapporterai que quelques morceaux les plus remarquables, dont je tâcherai de faire sentir la beauté. Ipse cava solans ægrum testudine amorem, Cela signifie simplement: Orpheus cithará dolorem leniens, die ac nocte conjugem canebat ; et c'est ainsi qu'on donneroit aux jeunes gens une matière de vers à composer. L'habileté consiste à donner à ces pensées et à ces expressions très-simples un tour poétique. Cavá testudine est bien plus élégant que citharâ. Ægrum amorem marque bien mieux la vive douleur d'Orphée que toute autre expression. Mais la principale beauté paroît dans les deux vers suivans. L'apostrophe a quelque chose de tendre et de touchant, et semble en quelque sorte rendre Eurydice présente: Te dulcis conjux. Et que ne dit point cette épithète dulcis! Le même mot répété quatre fois en deux vers, te, dulcis conjux, te, etc. marque bien qu'Eurydice étoit le seul objet dont Orphée s'occupât. Solo in littore secum n'est pas indifférent. On sait que la solitude et les lieux déserts sont fort propres à entretenir la douleur. Tænarias etiam fauces, alta ostia Ditis, Et caligantem nigrå formidine lucum Ingressus, manesque adiit, regemque tremendum, Ces quatre vers se réduisent à cette seule pensée: quin etiam Orpheus inferas sedes penetravit. Le poëte, pour étendre cette pensée, fait un petit dénombrement de ce qui se trouve dans les enfers, et choisit ce qu'il y avoit de plus capable d'intimider Orphée. Le dernier vers marque Quin ipsæ stupuêre domus, atque intima lethi Rien n'est plus poétique que ce petit dénombrement. Jamque pedem referens casus evaserat omnes, On ne peut rien imaginer de plus beau ni de plus achevé que ce récit. Le commencement peut se réduire à cette proposition simple: jamque Eurydice ponè sequens conjugem, superas ad oras veniebat, cùm illam Orpheus respexit. On sent bien que des deux parties qui composent cette proposition, la plus intéressante est le regard que jette Orphée sur Eurydice. Aussi c'est à quoi Virgile s'est le plus arrêté. Tous les mots portent dans ce vers: Cùm subita incautum dementia cepit amantem; et la pensée est infiniment relevée par le vers suivant: Ignoscenda Ibid. 481. Ibid. 485. quidem, scirent si ignoscere manes. Mais ce qui est peint avec les couleurs les plus vives, est ce mot, Eurydicen respexit. L'épithète qu'il donne à Eurydice dit tout: Eurydicem suam, sa chère Eurydice. Outre ce sens, qui se présente d'abord à l'esprit, et qui paroît le plus naturel, il y en a peut-être un autre plus secret et plus délicat: Eurydice, qu'il croyoit lui être rendue, être à lui, lui appartenir pour toujours. Jam luce sub ipsa. Il touchoit au moment heureux où effectivement il en alloit être le maître. Immemor, heu! victusque animi. Il avoit longtemps combattu contre lui-même, long-temps résisté au désir de jeter un regard sur Eurydice: mais, enfin vaincu par la passion, il oublia les conditions qu'on lui avoit prescrites; le mot victus laisse entendre tout cela. Respexit. Afin que l'esprit du lecteur demeurât tonjours suspendu jusque-là, ce mot, qui est décisif, et qui seul détermine le sens, devoit être réservé jusqu'à la fin; et l'on peut dire que c'est comme le dernier trait et le dernier coup de pinceau qui achève cette peinture inimitable. Le petit discours d'Eurydice est d'une beauté et d'une délicatesse qu'on ne peut assez admirer. Rien n'auroit été plus froid que cette transition ordinaire: illa sic loquitur: Quis, etc. Ce tour est bien plus vif: Illa, quis et me, inquit, miseram, et te perdidit Orpheu? Y a-t-il rien de plus poétique que cette phrase: En iterùm crudelia retrò Fata vocant, conditque natantia lumina somnus? pour dire : Voilà que je meurs une seconde fois. La fin de ce petit discours efface, ce me semble, tout le reste. Tout ce que peut faire Eurydice dans ce dernier moment de vie qui lui reste, est de tendre vers son cher Orphée des mains foibles et mourantes, maintenant seules interprètes des sentimens de son cœur: Invalidasque tibi tendens, heu! non tua, palmas. Je n'entreprends point de faire valoir la délicatesse de ce mot heu! non tua: il est plus facile de la sentir que de l'expliquer. |