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N. 15.

bid.

Ibid.

N. 94.

Ibid.

N. 97:

offre une autre idée que celui de gymnasium en latin, où il ne signifie ordinairement qu'un lieu d'exercice corporel.

Hôtel-de-ville. Je sens bien qu'on a rendu ainsi forum, faute d'un autre mot qui eût rapport à nos usages. Forum ne peut-il pas signifier ici un lieu où l'on rendoit la justice; un lieu où se tenoient les assemblées du peuple; et où par conséquent on remarquoit un certain ordre et une certaine subordination?

Pour commander et pour gouverner. Ces deux mots signifient à peu près la même chose. Le latin dit plus: esse aliquem intelligat, qui præsit, et cui pareatur: « qu'il « y a quelqu'un qui gouverne, et qui se fait obéir. » Car on peut commander, et n'être pas obéi.

Depuis un temps infini. J'ai cru, pour conserver à la preuve que j'apporte ici toute sa beauté, pouvoir substituer cette expression à celle dont s'est servi le traducteur, depuis une éternité, d'autant plus que les termes latins paroissent m'en laisser la liberté : immensa et infinita ve

tustas.

Qui n'ont point de sens. Cette expression est ambiguë. Elle peut signifier les sens, comme la vue, l'ouïe, etc., et le jugement. N'auroit-il pas été plus clair de mettre, qui n'ont point de sentiment?

Voltiger témérairement. Je n'aurais pas cru que ce mot en françois pût signifier au hasard, comme temerè en latin.

Et si bien proportionnées. Je ne blâme point cette traduction; mais je ne sais si elle rend bien ici la force du mot original. Car aptus, outre sa signification ordinaire, que le traducteur paroît avoir suivie, en a une autre plus fine et plus délicate, qui est conjunctus, alligatus, comme: fulgentem gladium è lacunari, setá equina aptum, demitti jussit. (Cic.) Non sanè optabilis ista quidem est apla rudentibus fortuna. (Cic.) Or, dans cet endroit, aptus a certainement cette dernière signification. Tamque omnia inter se connexa et apta. Le traduc teur a rapporté ces mots aux deux membres précédens, au lieu qu'ils re:

gardent en général tous les autres mouvemens du ciel. Conduites avec tant de raison, que notre raison s'y perd elle-même. Cette traduction est fort heureuse. Elle rend toute la force du tour latin, et ne lui cède point en beauté : quæ quanto consilio gerantur, nullo consilio assequi pos

sumus.

Rien ne peut être plus utile aux jeunes gens, pour leur apprendre les règles et les beautés de la langue françoise, que de leur faire traduire de pareils endroits d'auteurs, et de comparer ensuite leurs traductions avec celles des habiles maîtres qu'on a en main, en y joignant les réflexions nécessaires. Cet exercice est facile pour ceux qu'on enseigne en particulier, et il n'est pas tout-à-fait impráticable pour ceux-mêmes qui étudient au collége. Car ces sortes de matières de traductions n'étant proposées que rarement, et étant tirées de différens livres, il est difficile que les écoliers aient tous ces livres et d'ailleurs il ne leur est pas toujours aisé de deviner de quel auteur elles sont tirées. On peut aussi dans les classes faire quelquefois traduire sur-le-champ aux écoliers de pareils endroits, soit de vive voix, soit par écrit, et substituer ces jours-là à la correction de leurs thêmes ce travail, qui ne demandera pas beaucoup plus de temps, et qui leur sera infiniment utile.

Il n'y aura pas moins de profit pour eux à leur lire quelques endroits de traductions vicieuses, en les obligeant d'en porter leur jugement, d'en marquer les défauts, et, s'il se peut, de les corriger sur-le-champ.

de clar. orat.

pag. 362.

Je me contenterai d'en apporter ici un exemple. C'est l'endroit du traité de Cicéron intitulé Brutus, où il est parlé des commentaires de César. Tùm Brutus: Orationes In Bruto, seu quidem ejus (Cæsaris) mihi vehementer probantur ; complures autem legi. Atque etiam commentarios quosdam scripsit rerum suarum: valdè quidem, inquam, probandos: nudi enim sunt, recti, et venusti, omni ornatu orationis, tanquam veste, detracto. Sed dum voluit alios habere parata, unde sumerent qui vellent scribere historiam, ineptis gratum fortassè fecit, qui volent illa cala

mistris inurere: sanos quidem homines à scribendo deterruit. Nihil enim est in historia pura et illustri brevitate dulcius.

Voici comment M. d'Ablancourt a traduit ce passage dans sa préface sur les commentaires de César. Il a laissé, dit Brutus, des commentaires qui ne se peuvent assez estimer. Ils sont écrits sans fard et sans artifice, et dépouillés de tout ornement, comme d'un voile. Mais quoiqu'il les ait faits plutôt pour servir de mémoires que pour tenir lieu d'histoire, cela ne peut surprendre que les petits esprits, qui les voudront peigner et ajuster car par là il a fait tomber la plume des mains à tous les honnêtes gens qui voudroient l'entreprendre.

Il y a dans cette traduction des endroits faibles, et même quelques fautes contre le sens, que des écoliers un peu forts, et déjà versés dans le latin, apercevront facile

ment.

Nudi sunt, recti, et venusti, ne me paroît pas assez fidèlement rendu par ces mots : ils sont écrits sans fard et sans artifice, qui ne font pas sentir que cette simplicité, exprimée par les premiers mots, nudi, recti, a beaucoup de grâce et d'élégance, venusli.

Mais le traducteur n'a point du tout entendu ces mots, omni ornatu orationis, tanquam veste, detracto, qui font pourtant une des grandes beautés de ce passage: dépouillés de tout ornement, comme d'un voile. L'ornement fut-il jamais comparé à un voile? Le propre de ce dernier est de cacher, de couvrir, de voiler et l'ornement, qui est comme le vêtement du discours, sert, au contraire, à en relever et à en faire valoir la beauté. Le sens de cet endroit est donc que les commentaires de César sont d'un style simple, naturel, et en même temps pleins de grâce et d'élégance, quoique dénués de tout ornement et de toute parure.

Cela ne peut surprendre que les petits esprits, etc. Le latin n'est point encore ici rendu, ineptis gratum fortasse fecit. Le dessein de César, en écrivant ses commentaires, n'avoit été que de fournir des mémoires, des matériaux à

ceux qui voudroient en composer une histoire en forme. En cela, dit Brutus, il peut avoir fait plaisir à de petits esprits, qui ne craindront point d'en défigurer les grâces naturelles par le fard et l'ajustement qu'ils y ajouteront.

Je ne sais si cette expression, à tous les honnêtes gens, convient ici: sanos quidem homines à scribendo deterruit. Quand on parle de composition et d'ouvrage d'esprit, il ne s'agit point d'honnêtes gens, mais de gens de bon sens, d'écrivains sensés.

Une critique de cette sorte, faite avec modestie, et de manière qu'on commençât par faire dire aux jeunes gens ce qu'ils pensent, seroit ce me semble fort propre, nonseulement à leur apprendre la langue, mais encore plus à leur former le jugement.

ARTICLE QUATRIÈME.

De la composition.

Quand les jeunes gens seront en état de produire quelque chose d'eux-mêmes, il faudra les exercer dans la composition françoise, en les faisant commencer par ce qu'il y a de plus facile et de plus à leur portée, comme sont des fables et des récits historiques. Ils doivent être aussi formés de bonne heure au style épistolaire, qui est d'un usage universel pour tous les âges et pour toutes les conditions, et où cependant l'on voit peu de personnes réussir, quoiqu'un air simple et naturel, qui paroît une chose assez facile, en doive faire le principal ornement. Il ne faut pas leur laisser ignorer les bienséances qui doivent être gardées selon la qualité et le rang des personnes à qui l'on écrit ; et l'on peut facilement s'en faire instruire, quand on n'en n'a pas l'expérience par soi-même.

A ces premières compositions l'on fera succéder des lieux communs, des descriptions, de petites dissertations, de courtes harangues et d'autres choses pareilles. L'important seroit de les tirer toujours de quelque bon auteur, dont on leur feroit ensuite la lecture, et qui leur serviroit de modèle. J'en apporterai quelques exemples.

Mais un des exercices les plus utiles pour les jeunes gens, et qui tient quelque chose des deux genres d'écrire dont j'ai parlé, savoir la traduction et la composition, c'est de leur proposer quelques endroits choisis des auteurs grecs ou latins, non pour en faire de simples traductions où l'on est assujetti aux pensées de son auteur, mais pour les tourner à leur manière, en leur laissant la liberté d'y ajouter ou d'en retrancher ce qu'ils jugeront à propos. Par exemple, la vie d'Agricola par Tacite, son gendre, est un des plus beaux morceaux de l'antiquité pour la vivacité de l'expression, pour la beauté des pensées, pour la noblesse des sentimens; et je ne sais s'il y a aucun autre ouvrage plus capable de former un sage magistrat, un intendant de province, un habile politique. J'y joindrois volontiers l'admirable lettre de Cicéron à son frère Quintus. J'avois coutume d'engager les bons écoliers, au sortir de la rhétorique, à composer en françois, pendant les vacances, la vie d'Agricola, et je les exhortois à y faire entrer toutes les beautés de l'original, mais en se les rendant propres par le tour qu'ils y donneroient, et tâchant même, si cela étoit possible, d'enchérir quelquefois sur Tacite. J'en ai vu plusieurs y réussir d'une manière qui m'étonnoit, et je crois que les plus habiles maîtres dans la langue n'en auroient pas été mal contens.

CHAPITRE SECOND.

DE L'ÉTUDE DE LA LANGUE GRECQUE.

JE réduis à deux articles ce que j'ai à dire sur l'étude de la langue grecque. Le premier en montrera l'utilite et la nécessité : le second traitera de la méthode qu'il fau observer pour enseigner ou pour apprendre cette langue J'avois dessein d'y en ajouter un troisième, sur la lectur d'Homère. Mais, comme cet article aura quelque étendue j'ai jugé plus à propos de le rejeter à la fin de ce que j dirai sur la poésie.

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