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ture, et qui par conséquent sont les pre mières lois fondamentales.

CHAPITRE II.

Du gouvernement républicain, et des lois

relatives à la démocratie.

LORSQUE, dans la république, le peuple en corps a la souveraine puissance, c'est une démocratie. Lorsque la souveraine puissance est entre les mains d'une partie du peuple, cela s'appelle une aristocratie.

Le peuple, dans la démocratie, est, à certains égards, le monarque; à certains autres, il est le sujet.

Il ne peut être monarque que par ses suffrages, qui sont ses volontés. La volonté du souverain est le souverain lui-même. Les lois qui établissent le droit de suffrage sont donc fondamentales dans ce gouvernement. En effet, il est aussi important d'y régler comment, par qui, à qui, sur quoi, les suffrages doivent être donnés, qu'il l'est dans une monarchie de savoir quel est le monarque, et de quelle manière il doit gouverner. LIBANUS dit qu'à Athènes un étranger

1 Déclamations XVII et XVHI,

qui se méloit dans l'assemblée du peuple, étoit puni de mort. C'est qu'un tel homme usurpoit le droit de souveraineté.

Il est essentiel de fixer le nombre des citoyens qui doivent former les assemblées; sans cela, on pourroit ignorer si le peuple a parlé, ou seulement une partie du peuple. A Lacédémone, il falloit dix mille citoyens. A Rome, née dans la petitesse pour aller à la grandeur; à Rome, faite pour éprouver toutes les vicissitudes de la fortune; à Rome, qui avoit tantôt presque tous ses citoyens hors de ses murailles, tantôt toute l'Italie et une partie de la terre dans ses murailles, on n'avoit point fixé ce nombre ; et ce fut une des grandes causes de sa ruine.

Le peuple qui a la souveraine puissance doit faire par lui-même tout ce qu'il peut bien faire; et ce qu'il ne peut pas bien faire, il faut qu'il le fasse par ses ministres.

Ses ministres ne sont point à lui, s'il ne les nomme; c'est donc une maxime fondamentale de ce gouvernement, que le peuple nomme ses ministres, c'est-à-dire, ses magistrats.

1 Voyez les Considerations sur les causes de la deur des Romains et de leur décadence, Chap. IX.

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II a besoin, comme les monarques, et emême plus qu'eux, d'être conduit par un conseil ou sénat. Mais, pour qu'il y ait confiance, il faut qu'il en élise les membres; soit qu'il les choisisse lui-même, comme à Athènes, ou par quelque magistrat qu'il a établi pour les élire, comme cela se pratiquoit à Rome dans quelques occasions.

Le peuple est admirable pour choisir ceux à qui il doit confier quelque partie de son autorité. Il n'a à se déterminer que par des choses qu'il ne peut ignorer, et des faits qui tombent sous les sens. Il sait très-bien qu'un homme a été souvent à la guerre, qu'il y a eu tels ou tels succès; il est donc trèscapable d'élire un général. Il sait qu'un juge est assidu, que beaucoup de gens se retirent de son tribunal contents de lui, qu'on ne l'a pas convaincu de corruption; en voilà assez pour qu'il élise un préteur. Il a été frappé de la magnificence ou des richesses d'un citoyen; cela suffit pour qu'il puisse choisir

un édile. Toutes ces choses sont des faits dont il s'instruit mieux dans la place publique qu'un monarque dans son palais. Mais saura-t-il conduire une affaire, connoître les

lieux, les occasions, les moments, en profiter? Non; il ne le saura pas.

Si l'on pouvoit douter de la capacité naturelle qu'a le peuple pour discerner le mórite, il n'y auroit qu'à jeter les yeux sur cette suite continuelle de choix étonnants que firent les Athéniens et les Romains; ce qu'on n'attribuera pas sans doute au hasard.

On sait qu'à Rome, quoique le peuple se fût donné le droit d'élever aux charges les plébéiens, il ne pouvoit se résoudre à les élire; et, quoiqu'à Athènes on pût, par la loi d'Aristidė, tirer les magistrats de toutes les classes, il n'arriva jamais, dit Xénophon que le bas peuple demandât celles qui pouvoient intéresser son salut ou sa gloire.

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Comme la plupart des citoyens, qui ont assez de suffisance pour élire, n'en ont past assez pour être élus; de même le peuple, qui a assez de capacité pour se faire rendre compte de la gestion des autres, n'est раз propre à gérer par lui-même.

Il faut que les affaires aillent, et qu'elles aient un certain mouvement qui ne soit ni

1

Pag. 691 et 692, édition de Wechelins, de l'an 1569.

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trop lent ni trop vite. Mais le peuple a toujours trop d'action, ou trop peu. Quelquelois avec cent mille bras il renverse tout; quelquefois avec cent mille pieds il ́ne va que comme les insectes.

Dans l'état populaire, on divise le peuple' en de certaines classes. C'est dans la manière de faire cette division que les grands législateurs se sont signalés; et c'est de là qu'ont' toujours dépendu la durée de la démocratie' et sa prospérité.

Servius Tullius suivit dans la composition de ses classes l'esprit de l'aristocratie. Nous voyons dans Tite - Live et dans Denys d'Halicarnasse, comment il mit le droit de suffrage entre les mains des principaux citoyens. Il avoit divisé le peuple de Rome en cent quatre-vingt-treize centuries, qui formoient six classes. Et, mettant les riches, mais en plus petit nombre, dans les premières centuries; les moins riches, mais en plus grand nombre, dans les suivantes, il jeta toute la foule des indigents dans la dernière; et chaque centurie n'ayant qu'une

1 Liv. I.

? Liv. IV, art. 15 et suiv.

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