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par une trentaine de manuscrits ; l'autre n'existe plus que dans la collation d'un humaniste belge, mort à Aire en 1597, François de Maulde (Franciscus Modius). La collation de Modius, faite sur un ancien manuscrit de Fulda, actuellement perdu, nous est parvenue dans l'édition de Fr. Dujon (Junius), qui a fait suivre son texte, publié en 1597, des variantes du Fuldensis (F) ; en outre, une copie du tiers à peu près de cette collation a été conservée à Brême.

Négligée jusqu'à Rigault (1634), médiocrement utilisée par Havercamp (1718), et en somme fort défavorablement appréciée jusqu'au début du XXe siècle, parce qu'elle ne s'appuyait que sur un seul témoin dont tous les autres contredisaient le témoignage, la tradition du Fuldensis semblait presque définitivement écartée de la constitution du texte de l'Apologétique, lorsque se dessina en sa faveur un mouvement de réhabilitation totale. L'initiative en revient à la philologie belge ; si c'est un humaniste belge qui, le premier, signala les variantes du Fuldensis, plus de neuf cents, à l'attention du public lettré, ce sont deux savants belges, M.C. Callewaert, à Bruges, et M. Waltzing, à Liége, qui en établissent la valeur, le premier dès 1902, le second dans une série de travaux dont il nous livre aujourd'hui le résultat. Grâce à eux, les lecons du Fuldensis font leur entrée dans les éditions critiques de l'Apologeticum et, depuis celle de Rauschen, parue en 1912, ce ne sont plus les manuscrits de la famille du Parisinus 1623 qui font la base unique ou principale du texte. Mais si la valeur du Fuldensis n'est plus contestée, l'appréciation de ses rapports avec le Parisinus est loin d'être uniformément formulée. Cette recension du Fuldensis nous conserve-t-elle le meilleur texte (Rauschen )? est-ce un remaniement dû aux scribes (F. di Capua) ? ou la première édition de son ouvrage, tandis que la Vulgate, le texte de la famille P, représenterait la recension définitive due, elle aussi, à l'auteur (Schrörs)? Enfin, si Tertullien n'a donné qu'une seule édition de son Apologétique, les deux traditions manuscrites, qui se sont promptement formées et si radicalement dissociées, ont-elles subi la révision d'un ou de plusieurs correcteurs et laquelle des deux recensions est demeurée la plus pure? Peut-on les utiliser simultanément ou faudrait-il commencer par une édition synoptique de toutes les deux (H. von Soden) ? Les divers systèmes ont chacun leurs eprésentants, mais, tandis que Rauschen et Schrörs échangeaient entre eux des aménités, en 1914, qui n'avaient plus rien de commun avec une discussion académique, M. le professeur Waltzing continuait ses recherches durant les loisirs pénibles de la guerre et terminait en 1920 une série de cinq ouvrages qui, au prix d'une somme énorme de travail, font faire à la critique du texte de Tertullien un progrès considérable et apportent à l'intelligence de sa pensée un secours des plus précieux. Disons tout de suite, ce qui n'est pas un mince mérite, que l'auteur atrouvé le moyen d'introduire une très grande clarté dans la présentation même du résultat de ses labeurs, malgré l'infinité des minuties sur lesquelles il a dû éparpiller son attention; la suite des volumes affirme de plus en plus cette qualité.

Reprenant la série des recherches commencées jadis avec ses élèves, et dont cette revue eut la primeur, il y à dix ans ou davantage, M.Waltzing nous donne d'abord un examen très fouillé de la recension du Fuldensis les lacunes, les additions, les transpositions, propres à F ou à P, ou communes aux deux, les leçons fautives et les erreurs paléographiques sont soigneusement passées en revue. Sa conclusion est que F et P présentent des traditions différentes, très tôt séparées et toutes deux maltraitées, celle-ci plus que celle-là, par le temps (p. 129). La réponse à la grosse question que devait résoudre son Etude sur la double tradition manuscrite de l'Apologétique, annoncée dans l'avant-propos, est brièvement énoncée dans la note de la page 130 et incidemment à la page 471 il n'y a eu qu'une seule édition par Tertullien de son Apologétique; des deux traditions, c'est celle de F qui nous a conservé le texte le plus pur et, bien qu'il faille s'en servir avec précaution, c'est sur F que devra être fondée l'édition définitive. Les appendices, qui prennent plus de la moitié du volume, sont consacrés à l'examen minutieux des leçons de F avec annotation critique et exégétique (p. 131-397), aux clausules métriques de l'Apologétique, dont l'étude, prudemment menée, peut aider à fixer des résultats critiques (p. 389-419), et à la collation annotée de Modius, ainsi qu'à quelques fragments de la recension du Fuldensis, retrouvés à Zurich (p. 420-487).

Ces opérations préliminaires terminées, l'auteur établit le texte de l'Apologétique d'après le Codex Fuldensis seul; ce qui achève de déblayer le terrain. Puis, dans les deux volumes suivants, il nous donne le texte établi d'après la double tradition manuscrite de F et de P; l'apparat critique, avec la traduction littérale placée en regard du texte, sur le recto de chaque page, forment la matière d'un volume; l'autre volume comprend le commentaire analytique, grammatical et historique. Enfin, le texte critique, coupé par des sommaires analytiques, est reproduit dans le cinquième ouvrage, destiné aux classes. Pour les leçons propres à F, le commentaire utilise l'annotation critique et exégétique du fascicule XXI, qu'il condense habituellement. L'établissement du texte résout pratiquement le problème posé plus haut, sur l'origine des deux recensions. Une étude très attentive qu'il n'y a pas moyen de pousser par le menu dans les pages d'un compte rendu, pourra nous dire jusqu'où l'édition est définitive. L'appréciation que l'auteur porte sur son œuvre au début du fascicule XXIII sera jugée trop modeste, croyonsnous, par tous ceux qui utilisent son texte et son commentaire. Le progrès qu'il a réalisé dans la critique textuelle de l'Apologétique, en entrant résolument dans cette voie nouvelle, est considérable : le fameux passage 11, 20, p. 12, sur l'accusation dont est victime le nom de « chrétien »>, en constitue un des nombreux exemples. En même temps, le lecteur est mis à même de formuler son jugement, car il a sous les yeux le relevé complet et très clair des variantes des deux traditions. Le fameux fragment de Fulda, au chapitre XIX, n'est pas présenté comme faisant partie de l'original (p. 58), et n'est pas repris dans le commentaire p. 85-88).

P.

La traduction, qui est une révision de celle publiée en 1910 et que M. Waltzing intitule « littérale », se lit néanmoins facilement et réussit habituellement à rendre avec force la pensée de l'apologiste. Nous ne pouvons songer à passer ici en revue un grand nombre de détails, mais quelques coups de sonde donnés au hasard ont fourni bon résultat : un des mots à sens si fuyant sous la plume de Tertullien, sacramentum (1), a été bien étudié et est bien rendu. Toutefois, au chapitre XLVII, 14, nous préfèrerions au mot de mystères (croyances). qui lui sert de traduction, celui de doctrines, croyances, qui est moins amphibologique ; ajoutons, en guise de remarques, que l'index n'aurait pas dû omettre les trois exemples de l'emploi du mot contenu dans ce passage et qu'au lieu de XVIII il faudrait lire au même endroit (p. 230) de l'index : XIX, 2. Les ressources qu'offre le commentaire, très nourri, mais précis et fort clair malgré sa richesse, seront hautement appréciés par tous ceux qui prennent goût à ce chef-d'œuvre de la littérature chrétienne anténicéenne ; ils féliciteront M. Waltzing de n'avoir pas attendu la publication depuis longtemps promise par le Corpus de Vienne, — elle risque de subir encore bien des délais, — et de nous avoir fourni, avec sa belle édition critique, une si précieuse contribution à l'étude de la pensée et du style de Tertullien.

J. DE GHELLINCK, S. J.

(1) Le relevé complet des sens du mot chez les Anténicéens latins ne tardera pas à paraître dans un des premiers fascicules du Spicilegium Sacrum Loca

niense.

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