Page images
PDF
EPUB
[graphic][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed]

AVIS

Le MUSÉE BELGE, Revue de philologie classique, ne publie que des travaux originaux ayant trait à la philologie ancienne.

Le BULLETIN bibliographique et pédagogique du Musée Belge embrasse un domaine plus étendu que le Musée Belge: une place y est réservée à tous les ouvrages nouveaux qui peuvent intéresser l'enseignement littéraire et historique. Il s'occupe des langues et des littératures anciennes, celtiques, romanes et germaniques, de l'histoire et de la géographie, de l'art et de l'archéologie, ainsi que de la pédagogie.

Pour les abonnements et pour tout ce qui concerne la rédaction et l'administration du Musée Belge et du Bulletin bibliographique, s'adresser au secrétaire, M. J. P. Waltzing, professeur à l'Université de Liége, 11, rue Dartois, Liége.

Les articles destinés à la partie pédagogique doivent être adressés à M. F. Collard, professeur à l'Université de Louvain, 25, rue Léopold, Louvain.

PRIX DE L'ABONNEMENT:

BELGIQUE : Musée et Bulletin, 18 fr. ; l'un des deux, 12 fr.

ETRANGER: Musée et Bulletin, 24 fr. belges.

ELÈVES DES UNIVERSITÉS BELGES: 15 fr.

Le Musée Belge a été brûlé dans l'incendie de Louvain, en août 1914. Nous pouvons encore fournir une seule collection complète au prix de 300 fr. les 36 volumes. S'adresser au Secrétaire.

Virgile et Méléagre de Gadara

Virgile, Buc., VIII, 17 et 50 sq.

Dans l'interprétation des Bucoliques de Virgile, les éditeurs et les critiques, aussitôt qu'ils sont arrêtés par une difficulté de sens, se hâtent de recourir aux «< passages parallèles» de Théocrite. Et le plus souvent la comparaison avec les Idylles fait voir, mieux que toute analyse interne, quelle était, en cet endroit, l'intention du poète latin.

Or, malgré les travaux les plus complets sur la dépendance de Virgile par rapport à Théocrite (1), il reste encore, dans les Bucoliques, bon nombre de passages fort obscurs ce sont ceux où le savant Virgile s'est visiblement inspiré de poèmes entièrement étrangers à ceux du Syracusain.

Car il faut bien se garder de croire que les thèmes et les expressions rares des Eglogues que nous ne parvenons pas à retrouver chez Théocrite appartiennent en propre à Virgile, surtout lorsqu'il s'agit de groupes de vers renfermant de grosses difficultés d'interprétation.

Il est bien peu probable que Virgile ait introduit dans ces passages des complications et des subtilités de son crû. Pénétré de ce principe que la poésie pastorale doit être, avant tout et plus que toute autre, de la poésie savante, Virgile ne devait pas avoir limité son horizon à un seul modèle. Ami de Gallus et du docte Properce, il avait comme eux une connaissance très étendue de la poésie alexandrine, et ses nombreuses lectures lui fournissaient sans doute bien des motifs qui devaient le tenter, et qu'il ne trouvait pas chez Théocrite.

Malheureusement, la poésie alexandrine est presque toute perdue, ou du moins n'a laissé que fort peu de traces. Faut-il donc renoncer à rechercher les sources non encore identifiées de certains thèmes qui apparaissent dans les Eglogues ? On va voir

(1) Cf. P. JAHN, Die Art der Abhängigkeit Vergils von Theokrit. Programm, Berlin, 1897 à 1899.

ΙΟ

qu'il est possible encore, en fouillant bien dans le peu qui nous reste des œuvres qui ont pu composer la bibliothèque de Virgile, de découvrir l'origine de certaines réminiscences curieuses, et même de plusieurs emprunts caractérisés.

I

Le chant de Damon, dans la huitième Bucolique est parmi ceux où se mêlent les imitations les plus hétérogènes, sans que, du reste, l'unité du poème ait le moins du monde à en souffrir. Le pâtre chante, appuyé sur son bâton d'olivier (v. 14-16):

Frigida vix caelo noctis decesserat umbra,
Cum ros in tenera pecori gratissimus herba,
Incumbens tereti Damon sic coepit olivae.

Et voici son premier couplet (v. 17-20) :

Nascere, praeque diem veniens age, Lucifer, almum,
Coniugis indigno Nysae deceptus amore

Dum queror, et divos, quamquam nil testibus illis
Profeci, extrema moriens tamen adloquor hora.

<< Le premier couplet, dit M. Cartault (1), appartient à Virgile, qui n'en trouvait pas l'analogue dans Théocrite. Almum, v. 17, forme un beau contraste avec l'infortune du malheureux : le jour se lève, et lui va mourir... » Ainsi, pour M. Cartault, le moment où l'amant malheureux commence à chanter, se place au lever du jour. Et, à première vue, le contexte semble confirmer cette interprétation les vers 14 à 16 sont une charmante description du matin Frigida vix coelo... On est tenté d'en conclure que l'invocation à l'étoile du matin doit se placer quelques instants avant l'aurore.

Mais M. Louis Havet, dans ses Notes critiques sur les Bucoliques de Virgile (2), fait observer fort judicieusement qu'au v. 31 « le berger Damon se plaint qu'Hesperus, descendant du sommet de l'Oeta, brille pour son heureux rival: tibi deserit Hesperus Oetam. Hesperus, c'est l'étoile du soir ».

C'est donc le soir que se chante la chanson du berger? Oui, sans doute, puisque l'amoureux évincé recommande à l'époux d'allumer les torches, novas incide faces, cérémonie qui s'accomplit

(1) A. CARTAULT, Etudes sur les Bucoliques de Virgile (Paris, 1897), p. 301. (2) Rev. de Philologie, 1914, pp. 87-92.

toujours le soir qui précède les noces (1). Donc, ajoute l'éminent critique, «< voilà dans l'églogue deux moments bien déterminés, l'un à la tombée du jour, l'autre avant l'aube ; quel en est le rapport chronologique ?» Poursuivant son étude, avec autant d'érudition que de perspicacité, M. Havet signale une curieuse particularité astronomique: il est impossible que l'étoile Vénus devienne en si peu de temps, de Lucifer, Hesperus, c'est-à-dire passe d'un côté à l'autre du soleil : une telle opération exige un bon nombre de jours. Et M. Havet termine sa pénétrante petite note qu'il intitule Une inadvertance dans la huitième églogue, par cette conclusion: « Les vers 17 et 30 présentent donc une incohérence de fait. Virgile, qui est un grand poète, mais un grand imitateur, se sera inspiré de deux réminiscences incompatibles ».

En effet, c'est bien d'une réminiscence qu'il s'agit ici, comme le conjecture si justement le savant philologue. C'est son constant souci d'imitation qui a amené Virgile à rendre si compliquée la chronologie de son poème. Mais cette complication, on va le voir, est voulue par le poète; elle ne résulte pas d'une inadvertance de sa part.

Tout d'abord, les vers 14 et 15 ne fournissent aucun élément d'appréciation. Le jour se lève, le berger Damon, appuyé sur sa houlette, commence à chanter. Mais ce qu'il chante n'est nullement le récit de ses propres aventures il n'y a rien de commun entre la situation de Damon, paisiblement adonné aux charmes d'un tournoi amébée et celle du personnage imaginaire qu'il met en scène dans sa romance.

Il est évident que l'action de la huitième églogue se situe au matin. Mais il n'en va pas de même pour l'action de la romance du premier interlocuteur. Au contraire, comme l'établissent clairement les observations de M. Havet, il faut que l'amoureux de Nysa chante à la tombée de la nuit. Mais, dès lors, comment peut-il demander à Lucifer d'apparaître et d'annoncer le jour ? Comment surtout peut-il lui demander une sorte de miracle: d'étoile du soir, devenir tout à coup étoile du matin ?

C'est que Virgile fait allusion, en ce vers 17, à un thème qui nous est peu familier, mais qui devait être présent à l'esprit des

(1) M. L. HAVET renvoie à Catulle, 62, 1, 20, sqq. Cf. MARQUARDT, La vie privée des Romains. Trad., t. I, p. 64, n. 1.

« PreviousContinue »