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pas confédérées, et qui ne se défendirent point en commun. C'est que la nature des petites monarchies n'est pas la confédération.

La république fédérative d'Allemagne est composée de villes libres et de petits états soumis à des princes. L'expérience fait voir qu'elle est plus imparfaite que celles de Hollande et de Suisse.

L'esprit de la monarchie est la guerre et l'agrandissement; l'esprit de la république est la paix et la modération. Ces deux sortes de gouvernements ne peuvent, que d'une maniere forcée, subsister dans une république fédé

rative.

Aussi voyons-nous dans l'histoire romaine que, lorsque les Véiens eurent choisi un roi, toutes les petites républiques de Toscane les abandonnerent. Tout fut perdu en Grece lorsque les rois de Macédoine obtinrent une place parmi les amphictyons.

La république fédérative d'Allemagne, composée de princes et de villes libres, subsiste, parcequ'elle a un chef qui est en quelque façon le magistrat de l'union, et en quelque façon le

monarque.

CHAPITRE III.

Autres choses requises dans la république fédérative.

DANS la république de Hollande, une pro

vince ne peut faire une alliance sans le consentement des autres. Cette loi est très bonne, et

même nécessaire dans la république fédérative. Elle manque dans la constitution germanique, où elle préviendroit les malheurs qui y peuvent arriver à tous les membres par l'imprudence, l'ambition ou l'avarice d'un seul, Une république qui s'est unie par une confédération politique s'est donnée entiere, et n'a plus rien à donner.

Il est difficile que les états qui s'associent soient de même grandeur et aient une puissance égale. La république des Lyciens (1)étoit une association de vingt-trois villes : les grandes avoient trois voix dans le conseil commun; les médiocres, deux; les petites, une. La république de Hollande est composée de sept provinces, grandes ou petites, qui ont chacune

une voix.

Les villes de Lycie (2) payoient les charges. selon la proportion des suffrages. Les provinces de Hollande ne peuvent suivre cette proportion; il faut qu'elles suivent celle de leur puissance.

En Lycie (3), les juges et les magistrats des villes étoient élus par le conseil commun et selon la proportion que nous avons dite. Dans la république de Hollande, ils ne sont point élus par le conseil commun, et chaque ville nomme ses magistrats. S'il falloit donner un modele d'une belle république fédérative, je prendrois la république de Lycie.

(1) Strabon, liv. XIV.—(2) Ibid.—(3) Ibid,

ESPR. DES LOIS. 2.

2

CHAPITRE IV.

Comment les états despotiques pourvoient à leur

sûreté.

COMME M ME les républiques pourvoient à leur sûreté en s'unissant, les états despotiques le font en se séparant et en se tenant, pour ainsi dire, seuls. Ils sacrifient une partie du pays, ravagent les frontieres, et les rendent désertes; le corps de l'empire devient inaccessible.

Il est reçu en géométrie que plus les corps ont d'étendue, plus leur circonférence est relativement petite. Cette pratique de dévaster les frontieres est donc plus tolérable dans les grands états que dans les médiocres.

Cet état fait contre lui-même tout le mal que pourroit faire un cruel ennemi, mais un ennemi qu'on ne pourroit arrêter.

L'état despotique se conserve par une autre sorte de séparation, qui se fait en mettant les provinces éloignées entre les mains d'un prince qui en soit feudataire. Le Mogol, la Perse, les empereurs de la Chine, ont leurs feudataires; et les Turcs se sont très bien trouvés d'avoir mis entre leurs ennemis et eux les Tartares, les Moldaves, les Valaques, et autrefois les Transylvains.

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CHAPITRE V.

Comment la monarchie pourvoit à sa sûreté.

LA monarchie ne se détruit pas elle-même comme l'état despotique: mais un état d'une grandeur médiocre pourroit être d'abord envahi. Elle a donc des places fortes qui défendent ses frontieres, et des armées pour défendre ses places fortes. Le plus petit terrain s'y dispute avec art, avec courage, avec opiniâtreté. Les états despotiques font entre eux des invasions; il n'y a que les monarchies qui fassent la guerre.

Les places fortes appartiennent aux monarchies; les états despoticnes craignent d'en avoir. Ils n'osent les confier à personne; car personne n'y aime l'état et le prince.

CHAPITRE VI.

De la force défensive des états en général.

POUR

OUR qu'un état soit dans sa force, il faut que sa grandeur soit telle qu'il y ait un rapport de la vitesse avec laquelle on peut exécuter contre lui quelque entreprise, et la promptitude qu'il peut employer pour la rendre vaine. Comme celui qui attaque peut d'abord paroitre par tout, il faut que celui qui défend puisse se montrer par-tout aussi; et par conséquent que l'étendue de l'état soit médiocre, afin qu'elle soit proportionnée au degré de vitesse

la nature a donnée aux hommes pour se que transporter d'un lieu à un autre.

La France et l'Espagne sont précisément de la grandeur requise. Les forces se communiquent si bien qu'elles se portent d'abord là où l'on veut; les armées s'y joignent et passent rapidement d'une frontiere à l'autre ; et l'on n'y craint aucune des choses qui ont besoin d'un certain temps pour être exécutées.

En France, par un bonheur admirable, la capitale se trouve plus près des différentes frontieres justement à proportion de leur foi→ blesse; et le prince y voit mieux chaque partie de son pays à mesure qu'elle est plus exposée.

Mais lorsqu'un vaste état, tel que la Perse, est attaqué, il faut plusieurs mois pour que les troupes dispersées puissent s'assembler; et on ne force pas leur marche pendant tant de temps, comme on fait pendant quinze jours. Si l'armée qui est sur la frontiere est battue, elle est sûrement dispersée, parceque ses retraites ne sont pas prochaines. L'armée victorieuse, qui ne trouve pas de résistance, s'avance à grandes journées, paroît devant la capitale, et en forme le siege, lorsqu'à peine les gouverneurs des provinces peuvent être avertis d'envoyer du secours. Ceux qui jugent la révolution prochaine, la hâtent en n'obéissant pas; car des gens fideles uniquement parceque la punition est proche, ne le sont plus dès qu'elle est éloignée; ils travaillent à leurs intérêts particuliers. L'empire se dissout, la

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