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« étoient presque les seuls (1) de tous les bar« bares qui se contentassent d'une seule femsi l'on en excepte (2), dit Tacite, quel« ques personnes qui, non par dissolution, « mais à cause de leur noblesse, en avoient plu<< sieurs. >>

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Cela explique comment les rois de la pre-miere race eurent un si grand nombre de femmes. Ces mariages étoient moins un témoignage d'incontinence qu'un attribut de dignité: c'eût été les blesser dans un endroit bien tendre que de leur faire perdre une telle prérogative (3). Cela explique comment l'exemple des rois ne fut pas suivi par les sujets.

CHAPITRE XXV.

Childéric.

« Les mariages chez les Germains sont séve<< res (4), dit Tacite; les vices n'y sont point un sujet de ridicule : corrompre ou être corrompu ne s'appelle point un usage ou une maniere <«< de vivre : il y a peu d'exemples (5), dans une

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(1) Propè soli barbarorum singulis uxoribus contenti sunt. De moribus Germ.· -(2) Exceptis admodum paucis qui, non libidine, sed ob nobilitatem, plurimis nuptiis ambiuntur. Ibid.-(3) Voyez la chronique de Frédégaire sur l'an 628.-(4) Severa matrimonia..... Nemo illic vitia ridet; nec corrumpere et corrumpi sæculum vocatur. De moribus Germ.-(5) Paucissima in tam numerosa gente adulteria. Ibid.

ESPR. DES LOIS. 2.

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nation si nombreuse, de la violation de la foi << conjugale. >>

Cela explique l'expulsion de Childéric : il choquoit des mœurs rigides que la conquête n'avoit pas eu le temps de changer.

CHAPITRE XXV I.

De la majorité des rois francs.

Les peuples barbares qui ne cultivent point les terres n'ont point proprement de territoire, et sont, comme nous avons dit, plutôt gouvernés par le droit des gens que par le droit civil. Ils sont donc presque toujours armés. Aussi Tacite dit-il « que les Germains (1) ne <«< faisoient aucune affaire publique ni particu«liere sans être armés. Ils donnoient leur « avis (2) par un signe qu'ils faisoient avec « leurs armes. Sitôt qu'ils pouvoient (3) les « porter, ils étoient présentés à l'assemblée; << on leur mettoit dans les mains un javelot (4): << dès ce moment ils sortoient de l'enfance (5);

(1) Nihil, neque publicæ neque privatæ rei, nisi armati agunt. Tacite, de moribus Germ.—(2) Si displicuit sententia, fremitu aspernantur; sin placuit, frameas concutiunt. Ib.-(3) Sed arma sumere, non ante cuiquam moris quàm civitas suffecturum probaverit. (4) Tum in ipso concilio, vel principum aliquis, vel pater, vel propinquus, scuto frameâque juvenem ornant.-(5) Hæc apud illos toga, hic primus juventæ honos: ante boc domùs pars videntur, mox reipublicæ.

« ils étoient une partie de la famille, ils en de<< venoient une de la république.

« Les aigles (1), disoit le roi des Ostrogoths, << cessent de donner la nourriture à leurs petits << sitôt que leurs plumes et leurs ongles sont «< formés; ceux-ci n'ont plus besoin du secours << d'autrui quand ils vont eux-mêmes chercher <«< une proie. Il seroit indigne que nos jeunes << gens qui sont dans nos armées fussent censés << être dans un âge trop foible pour régir leur « bien et pour régler la conduite de leur vie. « C'est la vertu qui fait la majorité chez les « Goths. >>

Childebert II avoit quinze (2) ans lorsque Gontran son oncle le déclara majeur et capable de gouverner par lui-même. On voit, dans la loi des Ripuaires cet âge de quinze ans, la capacité de porter les armes, et la majorité, marcher ensemble. « Si un Ripuaire est mort « ou a été tué, y est-il dit (3), et qu'il ait laissé << un fils, il ne pourra poursuivre ni être pour<< suivien jugement qu'il n'ait quinze ans complets; pour lors il répondra lui-même, ou <«< choisira un champion. » Il falloit que l'esprit fût assez formé pour se défendre dans le jugement, et que le corps le fût assez pour se

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(1) Théodoric, dans Cassiodore, liv. I, lettre 38. (2) Il avoit à peine cinq ans, dit Grégoire de Tours, liv. V, chap. I, lorsqu'il succéda à son pere, en l'an 575; c'est-à-dire qu'il avoit cinq ans. Gontran le déclara majeur en l'an 585: il avoit donc quinze ans. (3) Tit. LXXXI.

défendre dans le combat. Chez les Bourguignons (1), qui avoient aussi l'usage du combat dans les actions judiciaires, la majorité étoit encore à quinze ans.

Agathias nous dit que les armes des Francs étoient légeres: ils pouvoient donc être majeurs à quinze ans. Dans la suite; les armes devinrent pesantes, et elles l'étoient déja beaucoup du temps de Charlemagne, comme il раroît par nos capitulaires et par nos romans. Ceux qui (2) avoient des fiefs, et qui par conséquent devoient faire le service militaire, ne furent plus majeurs qu'à vingt-un ans (3).

ON

CHAPITRE XXVII.

Continuation du même sujet.

Na vu que chez les Germains on n'alloit point à l'assemblée avant la majorité; on étoit partie de la famille, et non pas de la république. Cela fit que les enfants de Clodomir, roi d'Orléans et conquérant de la Bourgogne, ne furent point déclarés rois, parceque, dans l'âge tendre où ils étoient, ils ne pouvoient pas être présentés à l'assemblée. Ils n'étoient pas rois encore, mais ils devoient l'être lorsqu'ils seroient capables de porter les armes;

(1) Tit. LXXXVII.—(2) Il n'y eut point de changement pour les roturiers.-(3) Saint Louis ne fut majeur qu'à cet âge. Cela changea par un édit de Charies V, de l'an 1374.

et cependant Clotilde leur aïeule gouvernoit l'état (1). Leurs oncles Clotaire et Childebert les égorgerent et partagerent leur royaume. Cet exemple fut cause que dans la suite les princes pupilles furent déclarés rois, d'abord après la mort de leurs peres. Ainsi le duc Gondovalde sauva Childebert II de la cruauté de Chilpéric, et le fit déclarer roi (2) à l'âge de cinq ans.

Mais, dans ce changement même, on suivit le premier esprit de la nation, de sorte que les actes e se passoient pas même au nom des rois pupilles. Aussi y eut-il chez les Francs une double administration, l'une qui regardoit la personne du roi pupille, et l'autre qui regardoit le royaume; et, dans les fiefs, il y eut une différence entre la tutele et la baillie.

CHAPITRE XXVIII.

De l'adoption chez les Germains.

COMME chez les Germains on devenoit majeur en recevant les armes, on étoit adopté par le même signe. Ainsi Gontran voulant déclarer majeur son neveu Childebert, et de

(1) Il paroît par Grégoire de Tours, 1. III, qu'elle choisit deux hommes de Bourgogne, qui étoit une conquête de Clodomir, pour les élever au siege de Tours, qui étoit aussi du royaume de Clodomir.(2) Grégoire de Tours, liv. V, chap. I. Vix lustro ætatis uno jam peracto, qui die dominicæ natalis, regnare cœpit

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