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tibilité mutuelle; au lieu que la répudiation se fait par la volonté et pour l'avantage d'une des deux parties, indépendamment de la volonté et de l'avantage de l'autre.

Il est quelquefois si nécessaire aux femmes de répudier, et il leur est toujours si fâcheux de le faire, que la loi est dure qui donne ce droit aux hommes sans le donner aux femmes. Un mari est le maître de la maison; il a mille moyens de tenir ou de remettre ses femmes dans le devoir; et il semble que, dans ses mains, la répudiation ne soit qu'un nouvel abus de sa puissance. Mais une femme qui répudie n'exerce qu'un triste remede. C'est toujours un grand malheur pour elle d'être contrainte d'aller chercher un second mari, lorsqu'elle a perdu la plupart de ses agréments chez un autre. C'est un des avantages des charmes de la jeunesse dans les femmes, que, dans un âge avancé, un mari se porte à la bienveillance par le souvenir de ses plaisirs.

C'est donc une regle générale que dans tous les pays où la loi accorde aux hommes la faculté de répudier, elle doit aussi l'accorder aux femmes. Il y a plus: dans les climats où les femmes vivent sous un esclavage domestique, il semble que la loi doive permettre aux femmes la répudiation, et aux maris seulement le divorce.

Lorsque les femmes sont dans un serrail, le mari ne peut répudier pour cause d'incompa

tibilité de moeurs: c'est la faute du mari si les mœurs sont incompatibles.

que

La répudiation pour raison de la stérilité de la femme ne sauroit avoir lieu dans le cas d'une femme unique (1): lorsque l'on a plusieurs femmes, cette raison n'est pour le mari d'aucune importance.

La loi des Maldives (2) permet de reprendre une femme qu'on a répudiée. La loi du Mexique (3) défendoit de se réunir, sous peine de la vie. La loi du Mexique étoit plus sensée que celle des Maldives: dans le temps même de la dissolution, elle songeoit à l'éternité du mariage; au lieu que la loi des Maldives semble se jouer également du mariage et de la répudiation.

La loi du Mexique n'accordoit que le divorce. C'étoit une nouvelle raison pour ne point permettre à des gens qui s'étoient volontairement séparés de se réunir. La répudiation semble plutôt tenir à la promptitude de l'es- ' prit et à quelque passion de l'ame; le divorce semble être une affaire de conseil.

Le divorce a ordinairement une grande utilité politique; et, quant à l'utilité civile, il est

(1) Cela ne signifie pas que la répudiation pour raison de stérilité soit permise dans le christianisme. (2) Voyage de François Pyrard. On la reprend plutôt qu'une autre, parceque, dans ce cas, il faut moins de dépenses.(3) Histoire de sa conquête, par Solis, p. 499.

établi pour le mari et pour la femme, et n'est pas toujours favorable aux enfants.

CHAPITRE XVI.

De la répudiation et du divorce chez les Romains.

ROMULUS permit au mari de répudier sa femme si elle avoit commis un adultere, préparé du poison, ou falsifié les clefs. Il ne donna point aux femmes le droit de répudier leur mari. Plutarque (1) appelle cette loi une loi très dure.

Comme la loi d'Athenes (2) donnoit à la femme aussi bien qu'au mari la faculté de répudier, et que l'on voit que les femmes obtinrent ce droit chez les premiers Romains nonobstant la loi de Romulus, il est clair que cette institution fut une de celles que les députés de Rome rapporterent d'Athenes, et qu'elle fut mise dans les lois des douze tables.

Cicéron (3) dit que les causes de répudiation venoient de la loi des douze tables. On ne peut donc pas douter que cette loi n'eût augmenté le nombre des causes de répudiation établies Romulus.

par

La faculté du divorce fut encore une disposition ou du moins une conséquence de la loi des douze tables: car dès le moment que la

(1) Vie de Romulus.-(2) C'étoit une loi de Solon. -(3) Mimam res suas sibi habere jnssit, ex duodecim tabulis caussam addidit. Philip. II.

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femme ou le mari avoit séparément le droit de répudier, à plus forte raison pouvoient-ils se quitter de concert et par une volonté mutuelle.

La loi né demandoit point qu'on donnât des causes pour le divorce (1). C'est que par la na· ture de la chose il faut des causes pour la répudiation, et qu'il n'en faut point pour le divorce; parceque là où la loi établit des causes qui peuvent rompre le mariage, l'incompatibilité mutuelle est la plus forte de toutes.

Denys d'Halicarnasse (2), Valere-Maxime (3), et Aulu-Gelle (4), rapportent un fait qui ne me paroît pas vraisemblable. Ils disent que, quoiqu'on eût à Rome la faculté de répudier sa femme, on eut tant de respect pour les auspices, que personne, pendant cinq cent vingt ans (5), n'usa de ce droit, jusqu'à Carvilius Ruga, qui répudia la sienne pour cause de stérilité. Mais il suffit de connoître la nature de l'esprit humain pour sentir quel prodige ce seroit que, la loi donnant à tout un peuple un droit pareil, personne n'en usât. Coriolan, partant pour son exil, conseilla (6) à sa femine de se marier à un homme plus heureux que

(1) Justinien changea cela. Novel. 117, ch. X. —(2) Liv. II.—(3) Liv. II, chap. IV.--(4) Liv. IV, chap. III. -(5) Selon Denys d'Halicarnasse et Valere-Maxime; et, 523, selon Aulu-Gelle. Aussi ne mettent-ils pas les mêmes consuls.-(6) Voyez le discours de Veturie, dans Denys d'Halicarnasse, liv. VIII.

lui. Nous venons de voir que la loi des douze tables et les mœurs des Romains étendirent beaucoup la loi de Romulus. Pourquoi ces extensions, si on n'avoit jamais fait usage de la faculté de répudier? De plus, si les citoyens eurent un tel respect pour les auspices qu'ils ne répudierent jamais, pourquoi les législateurs de Rome en eurent-ils moins? Comment la loi corrompit-elle sans cesse les mœurs?

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En rapprochant deux passages de Plutarque, on verra disparoître le merveilleux du fait en question. La loi royale (1) permettoit au mari de répudier dans les trois cas dont nous avons parlé. « Elle vouloit, dit Plutarque (2), que « celui qui répudieroit dans d'autres cas fût obligé de donner la moitié de ses biens à sa << femine, et que l'autre moitié fût consacrée « à Cérès. » On pouvoit donc répudier dans tous les cas, en se soumettant à la peine. Personne ne le fit avant Carvilius Ruga (3), « qui, << comme dit encore Plutarque (4), répudia sa « femme pour cause de stérilité, deux cent << trente ans après Romulus »; c'est-à-dire qu'il la répudia soixante et onze ans avant la loi des douze tables, qui étendit le pouvoir de répudier et les causes de répudiation.

(1) Plutarque, Vie de Romulus.-(2) Plutarque, ibid.-(3) Effectivement, la cause de stérilité n'est point portée par la loi de Romulus. Il y a apparence qu'il ne fut point sujet à la confiscation, puisqu'il suivoit l'ordre des censeurs.-(4) Dans la comparaison de Thésée et de Romulus.

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