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Après ce que nous venons de dire, on ne croiroit pas que la succession perpétuelle dest mâles à la couronne de France pût venir de la loi salique. Il est pourtant indubitable qu'elle en vient. Je le prouve par les divers codes des peuples barbares. La loi salique (1) et la loi des Bourguignons (2) ne donnèrent point aux filles le droit de succéder à la terre avec leurs frères; elles ne succédèrent pas non plus à la couronne. La loi des Wisigoths (3), au contraire, admit les filles (4) à succéder aux terres avec leurs frères; les femmes furent capables de succéder à la couronne. Chez ces peuples, la disposition de la loi civile força (5) la loi politique.

Ce ne fut pas le seul cas où la loi politique, chez les Francs, céda à la loi civile. Par la disposition de la loi salique, tous les frères succédoient également à la terre; et c'étoit

3. (1) Tit. 62.

(2) Tit. 1, §. 3; tit. 14, §. 1; et tit. 51. (3) Liv. IV, tit. 2., §. 1.

(4) Les nations germaines, dit Tacite, avoient des usages communs : elles en avoient aussi de particuliers. (5) La couronne, chez les Ostrogoths, passa deux fois par les femmes aux mâles; l'une, par Amalasunthe, dans la personne d'Athalaric; et l'autre, par Amalafrède, dans la personne de Théodat. Ce n'est pas que, chez eux, les femmes ne pussent régner par elles-mêmes: Amalasunthe, après la mort d'Athalaric, régna, et régna même après l'élection de Théodat, et concurremment avec lui. Voyez les lettres d'Amalasunthe et de Théodat, dans Cassiodore, liv. X.

aussi la disposition de la loi des Bourguignons. Aussi, dans la monarchie des Francs, et dans celle des Bourguignons, tous les frères succédèrent-ils à la couronne, à quelques violences, meurtres et usurpations près, chez les Bourguignons.

CHAPITRE XXIII.

LES

De la longue chevelure des rois francs.

Es peuples qui ne cultivent point les terres, n'ont pas même l'idée du luxe. Il faut voir dans Tacite, l'admirable simplicité des peuples germains; les arts ne travailloient point à leurs ornemens, ils les trouvoient dans la nature. Si la famille de leur chef devoit être remarquée par quelque signe, c'étoit dans cette même nature qu'ils devoient le chercher : les rois des Francs, des Bourguignons et des Wisigoths, avoient pour diadême leur longue chevelure.

CHAPITRE

XXI V.

Des mariages des rois francs. J'AI dit ci-dessus que, chez les peuples qui ne cultivent point les terres, les mariages étoient beaucoup moins fixes, et qu'on y prenoit ordinairement plusieurs femmes. « Les

» Germains étoient presque les seuls (1) de » tous les barbares qui se contentassent d'une » seule femme, si l'on en excepte (2), dit » Tacite, quelques personnes qui, non par » dissolution, mais à cause de leur noblesse, » en avoient plusieurs ».

Cela explique comment les rois de la première race eurent un si grand nombre de femmes. Ces mariages étoient moins un témoignage d'incontinence, qu'un attribut de dignité: c'eût été les blesser dans un endroit bien tendre, que de leur faire perdre une telle prérogative (3). Cela explique comment l'exemple des rois ne fut pas suivi par les sujets.

CHAPITRE X X V.

LES

CHILDERIC.

ES mariages chez les Germains sont sé» vères (4), dit Tacite : les vices n'y sont point » un sujet de ridicule : corrompre, ou être » corrompu, ne s'appelle point un usage ou

(1) Propè soli barbarorum singulis uxoribus contenti sunt. De moribus Germ.

(2) Exceptis admodùm paucis qui, non libidine, sed ob nobilitatem, plurimis nuptiis ambiuntur. Ibid.

(3) Voyez la chronique de Frédégaire, sur l'an 628, (4) Severa matrimonia...... Nemo illic vitia ridet; nec corrumpere et corrumpi sæculum vocatur. De moribus Germ

» une manière de vivre: il y a peu d'exem» ples (1), dans une nation sì nombreuse,' de la violation de la foi conjugale ».

Cela explique l'expulsion de Childéric il choquoit des moeurs rigides, que la conquête n'avoit pas eu le temps de changer.

CHAPITRE XXV I..

ES

De la majorité des rois francs.

Les peuples barbares qui ne cultivent point les terres, n'ont point proprement de territoire, et sont, comme nous avons dit, plutôt gouvernés par le droit des gens que par le droit civil. Ils sont donc presque toujours armés. Aussi Tacite. dit-il que les Germains (2) ne faisoient au»cune affaire publique ni particulière sans être » armés. Ils donnoient leur avis (3) par un

signe qu'ils faisoient avec leurs armes. Si-tôt. » qu'ils pouvoient (4) les porter, ils étoient présentés à l'assemblée; on leur mettoit dans

:(1) Paucissima in tàm numerosâ gente adulteria. Ibid. (2) Nihil, neque publica, neque privata rei, nisi armati aguni. Tacite, de moribus Germ.

(3) Si displicuit sententia, aspernantur; sin placuit, frameas concutiunt. Ibid.

(4) Sed arma sumere non ante cuiquam mori; quàm civitas suffecturum probaverit.

» les mains un javelot (1): dès ce moment» ils sortoient de l'enfance (2); ils étoient une » partie de la famille, ils en devenoient une » de la république.

Les aigles, disoit (3) le roi des Ostrogoths, cessent de donner la nourriture à » leurs petits, si-tôt que leurs plumes et leurs » ongles sont formés; ceux-ci n'ont plus besoin » du secours d'autrui, quand ils vont eux» mêmes chercher une proie. Il seroit indigne » que nos jeunes gens qui sont dans nos armées » fussent censés être dans un âge trop foible » pour régir leur bien, et pour régler la con≫ duite de leur vie. C'est la vertu qui fait la » majorité chez les Goths ».

wet

Childebert II avoit quinze (4) ans, lorsque Gontrand son oncle le déclara majeur et capable de gouverner par lui-même. On voit, dans la loi des Ripuaires, cet âge de quinze ans, la capacité de porter les armes, et la minorité marcher ensemble. «Si un Ripuaire est mort, » ou a été tué, y est-il dit (5), et qu'il ait

(1) Tùm in ipso concilio, vel principum aliquis, vel· pater, vel propinquus, scuto fameâque juvenem ornant.

(2) Hac apud illos toga, hie primus juventæ › honos : ante hoc domus pars videntur, mox reipublica.

(3) Théodoric, dans Cassiodore, liv. I, lett. 38.

(4) Il avoit à peine cinq ans, dit Grégoire de Tours, liv. V, chap. I, lorsqu'il succéda à son père, en l'an 575; c'est-à-dire, qu'il avoit cinq ans. Gontrand le déclara majeur en l'an 585: il avoit donc quinze ans. (5) Tit. 81.

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