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fît moins sentir, il ôta la chose, et laissa subsister les termes.

Ceci ne fut pas universellement reçu dans les cours des seigneurs. Beaumanoir (1) dit que, de son temps, il y avoit deux manières, de juger, l'une suivant l'établissement-le-roi,bet l'autre suivant la pratique ancienne: que les seigneurs avoient droit de suivre l'une ou l'autre de ces pratiques; mais que quand, dans: une affaire, on en avoit choisi une, on ne pou voit plus revenir à l'autre. Il ajoute (2) que le comte de Clermont suivoit la nouvelle pratique, tandis que ses vassaux se tenoient à l'ancienne: mais qu'il pourroit, quand il voudroit, rétablir l'ancienne; sans quoi, il auroit moins d'autorité que ses vassaux.”

Il faut savoir que la France étoit pour lors (3) divisée en pays du domaine du roi, et en ce qu'on appelloit pays des barons, ou en baronnies; et, pour me servir des termes des établis semens de S. Louis, en pays de l'obéissance-leroi, et en pays hors l'obéissance-le-roi. Quand les rois faisoient des ordonnances pour les pays de leurs domaines, ils n'employoient que leur seule autorité: mais, quand ils en faisoient qui regardoient aussi les pays de leurs barons elles étoient faites (4) de concert avec eux, où

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(3) Voyez Beaumanoir, Défontaines, et les établissemens, liv. II, ch. X, XI, XV et autres.

(4) Voyez les ordonnances du commencement de la

scellées, ou souscrites d'eux: sans cela, les barons les recevoient, ou ne les recevoient pas, suivant qu'elles leur paroissoient convenir ou non au bien de leurs seigneuries. Les arrièrevassaux étoient dans les mêmes termes avec les grands vassaux. Or, les établissemens ne furent pas donnés du consentement des seigneurs, quoiqu'ils statuassent sur des choses qui étoient pour eux d'une grande importance: ainsi ils ne furent reçus que par ceux qui crurent qu'il leur étoit avantageux de les recevoir. Robert, fils de S. Louis, les admit dans sa comté de Clermont; et ses vassaux ne crurent pas qu'il leur convînt de les faire pratiquer chez

eux.

troisième race, dans le recueil de Laurière, sur-tout celles de Philippe-Auguste sur la jurisdiction ecclésiastique, et celle de Louis VIII sur les Juifs; et les chartres rapportées par M. Brussel, notamment celle de saint Louis sur le bail et le rachat des terres, et la majorité féodale des filles, tome II, liv. III, p. 35; et ibid. ordonnance de Philippe-Auguste, p. 7.

CHAPITRE X X X.

Observations sur les appels.

ON N conçoit que des appels, qui étoient des provocations à un combat, devoient se faire sur le champ. « S'il se part de court sans appeller, dit Beaumanoir (1), il perd son appel, et » tient le jugement pour bon ». Ceci subsista, même après qu'on eut restreint l'usage (2) du combat judiciaire.

CHAPITRE X X X I.

Continuation du même sujet.

LE villain ne pouvoit pas fausser la cour de

son seigneur nous l'apprenons de Défontaines (3); et cela est confirmé par les établissemens (4). « Aussi, dit encore Défontaines (5), » n'y a-t-il entre toi seigneur et ton villain » autre juge fors Dieu ».

C'étoit l'usage du combat judiciaire qui

(1) Ch. LXIII, p. 327; ibid. ch. LXI, p. 312. (2) Voyez les établissemens de saint Louis, liv. II, ch. XV; l'ordonnance de Charles VIII, de 1453. (3) Ch. XXI, art. 21 et 22.

(4) Liv. I, ch. CXXXVI. (5) Ch. II, art. 8.

avoit exclu les villains de pouvoir fausser la cour de leur seigneur; et cela est si vrai, que les villains qui, par chartre ou par usage (1), avoient droit de combattre, avoient aussi droit de fausser la cour de leur seigneur, quand même les hommes qui avoient jugé, auroient été chevaliers (2); et Défontaines (3) donne des expédiens pour que ce scandale du villain, qui en faussant le jugement, combattroit contre un chevalier, n'arrivât

pas.

La pratique des combats judiciaires commençant à s'abolir, et l'usage des nouveaux appels à s'introduire, on pensa qu'il étoit déraisonable que les personnes franches eussent un remède contre l'injustice de la cour de leurs seigneurs, et que les villains ne l'eussent pas; et le parlement reçut leurs appels comme ceux des personnes franches.

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(1) Défont. ch. XXII, art. 7. Cet article et le 21 du ch. XXII du même auteur, ont été jusqu'ici très-mal expliqués. Défontaines ne met point en opposition le jugement du seigneur avec celui du chevalier, puisque c'étoit le même; mais il oppose le villain ordinaire à celui qui avoit le privilège de combattre.

(2) Les chevaliers peuvent toujours être du nombre des juges. Défont. ch. XXI, art. 48.

(3) Ch. XXII, art. 14.

CHAPITRE X X X II.

Continuation du même sujet.

LORSQU'ON faussoit la cour de son seigneur, il venoit en personne devant le seigneur suzerain, pour défendre le jugement de sa cour. De même (1), dans le cas d'appel de défaute de droit, la partie ajournée devant le seigneur suzerain menoit son seigneur avec elle, afin que, si la défaute n'étoit pas prouvée, il pût ravoir sa

cour.

Dans la suite, ce qui n'étoit que deux cas particuliers étant devenu général pour toutes les affaires, par l'introduction de toutes sortes d'appels, il parut extraordinaire que le seigneur fût obligé de passer sa vie dans d'autres tribunaux que les siens, et pour d'autres affaires que les siennes. Philippe-de-Valois (2) ordonna que les baillifs seuls seroient ajournés. Et, quand l'usage des appels devint encore plus fréquent, ce fut aux parties à défendre à l'appel; le fait du juge devint le fait de la partie (3). J'ai dit (4) que, dans l'appel de défaute de droit, le seigneur ne perdoit que le droit de

(1) Défont. ch. XXI, art. 33.

(2) En 1332.

(3) Voyez quel étoit l'état des choses du temps de 'Boutillier, qui vivoit en l'an 1402. Somme rurale, liv. I P. 19 et 20.

(4) Ci-dessus, ch. XXX.

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