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CHAPITRE

XXVIII

De l'appel de défaute de droit. ON appelloit de défaute de droit, quand,

dans la cour d'un seigneur, on différoit, on évitoit, ou l'on refusoit de rendre justice aux parties.

Dans la seconde race, quoique le comte eût plusieurs officiers sous lui, la personne de ceuxci étoit subordonnée, mais la jurisdiction ne l'étoit pas. Ces officiers, dans leurs plaids, assises ou placites, jugeoient en dernier ressort comme le comte même; toute la différence étoit dans le partage de la jurisdiction par exemple, le comte (1) pouvoit condamner à mort, juger de la liberté et de la restitution des biens; et le centenier ne le pouvoit pas.

Par la même raison il y avoit des causes majeures (2) qui étoient réservées au roi; c'étoient celles qui intéressoient directement l'ordre politique. Telles étoient les discussions qui étoient entre les évêques, les abbés, les comtes et autres grands, que les rois jugeoient avec les grands vassaux (3).

(1) Capitulaire III, de l'an 812, art. 3, édition de Baluze, p. 497, et de Charles-le-Chauve, ajouté à la loi des Lombards, liv. II, art. 3.

(2) Ibid. art. 2.

(3) Cum fidelibus; capitulaire de Louis-le-Débonnaire, édit. de Baluze, p. 667.

Ce qu'ont dit quelques auteurs, qu'on appelloit du comte à l'envoyé du roi, ou missus dominicus, n'est pas fondé. Le comte et le missus avoient un jurisdiction égale et indépendante l'une de l'autre (1): toute la différence (2) étoit que le missus tenoit ses placites quatre mois de l'année, et le comte les huit autres.

Si quelqu'un, (3) condamné dans une assise (4), y demandoit qu'on le rejugeât, et succomboit encore, il payoit une amende de quinze sols, ou recevoit quinze coups de la main des juges qui avoient décidé l'affaire.

Lorsque les comtes ou les envoyés du roi ne se sentoient pas assez de force pour réduire les grands à la raison, ils leur faisoient donner caution (5) qu'ils se présenteroient devant le tribunal du roi : c'étoit pour juger l'affaire, et non pour la rejuger. Je trouve dans le capitulaire de Metz (6) l'appel de faux jugement à la cour du roi, établi, et toutes autres sortes d'appels proscrits et punis.

(1) Voyez le capitulaire de Charles-le-Chauve, ajouté à la loi des Lombards, liv. II, art. 3.

(2) Capitulaire III, de l'an 812, art. 8.

(3) Capitulaire ajouté à la loi des Lombards, liv. II; git. 59

(4) Placitum..

(5) Cela paroît par les formules, les chartres et les capitulaires.

(6) De l'an 757, édit. de Baluze, p. 180, art. 9 et 10; et le synode apud Vernas, de l'an 755, art. 29, édit. de Baluze, p. 175. Ces deux capitulaires furent faits sous

Si l'on n'acquiesçoit (1) pas au jugement des échevins (2), et qu'on ne réclamât pas, on étoit mis en prison jusqu'à ce qu'on eût acquiescé; et si l'on réclamoit, on étoit conduit sous une sûre garde devant le roi, et l'affaire se discutoit à sa cour.

Il ne pouvoit guère être question de l'appel de défaute de droit. Car bien loin que dans ces temps-là on eût coutume de se plaindre que les comtes et autres gens qui avoient droit de tenir des assises, ne fussent pas exacts à tenir leur cour, on se plaignoit (3) au contraire qu'ils l'étoient trop; et tout est plein d'ordonnances qui défendent aux comtes et autres officiers de justice quelconques, de tenir plus de trois assises par an. Il falloit moins corriger leur négligence, qu'arrêter leur activité.

Mais lorsqu'un nombre innombrable de petites seigneuries se formèrent, que différens degrés de vasselage furent établis, la négligence de certains vassaux à tenir leur cour, donna naissance à ces sortes d'appels (4); d'autant plus qu'il en revenoit au seigneur suzerain des amendes considérables.

L'usage du combat judiciaire s'étendant de

(1) Capitul. XI de Charlemagne, de l'an 805, édit. de Baluze, p. 423; et loi de Lothaire, dans la loi des Lom bards, liv. II, tit. 52, art. 23.

(2) Officiers sous le comte : scabini.

(3) Voyez la loi des Lombards, liv. II, tit. 52, art. 22. (4) On voit des appels de défaute de droit dès le temps de Philippe Auguste.

plus

plus en plus, il y eut des lieux, des cas, des temps, où il fut difficile d'assembler des pairs, et où, par conséquent, on négligea de rendre la justice. L'appel de défaute de droit s'introduisit; et ces sortes d'appels ont été souvent des points remarquables de notre histoire parce que la plupart des guerres de ces tempsdà avoient pour motif la violation du droit politique, comme nos guerres d'aujourd'hui ont ordinairement pour cause, ou pour prétexte, celle du droit des gens.

Beaumanoir (1) dit que, dans le cas de dé faute de droit, il n'y avoit jamais de bataille; en voici les raisons. On ne pouvoit pas appeller au combat un seigneur lui-même, à cause du respect dû à sa personne: on ne pouvoit pas appeller les pairs du seigneur, parce que la chose étoit claire, et qu'il n'y avoit qu'à compter les jours des ajournemens ou des autres délais: il n'y avoit point de jugement, et on ne faussoit que sur un jugement: enfin le délit des pairs offensoit le seigneur comme la partie : et il étoit contre l'ordre qu'il y eût un combat entre le seigneur et ses pairs.

Mais (2) comme devant le tribunal suzerain on prouvoit la défaute par témoins, on pouvoit appeller au combat les témoins; et par-là on n'offensoit ni le seigneur, ni son tribunal. Dans les cas où la défaute venoit de la

(1) Ch. LXI, p. 315.

(2) Beaum. ibid.

part

des hommes ou pairs du seigneur qui avoient différé de rendre la justice, où évité de faire le jugement après les délais passés, c'étoient les pairs du seigneur qu'on appelloit de défaute de droit devant le suzerain; et s'ils succomboient, ils (1) payoient une amende à leur seigneur. Celui-ci ne pouvoit porter aucun secours à ses hommes; au contraire, il saisissoit leur fief, jusqu'à ce qu'ils lui eussent payé chacun une amende de soixante livres.

2o. Lorsque la défaute venoit de la part du seigneur, ce qui arrivoit lorsqu'il n'y avoit pas assez d'hommes à sa cour pour faire le jugement, ou lorsqu'il n'avoit pas assemblé ses hommes ou mis quelqu'un à sa place pour les assembler, on demandoit la défaute devant le seigneur suzerain: mais à cause du respect dû au seigneur, on faisoit ajourner la partie (2), et non pas le seigneur.

Le seigneur demandoit sa cour devant le tribunal suzerain; s'il gagnoit la défaute, on lui renvoyoit l'affaire, et on lui payoit une amende de soixante livres (3): mais si la défaute étoit prouvée, la peine (4) contre lui étoit de perdre le jugement de la chose contestée, le fond étoit jugé dans le tribunal suzerain; en effet, on n'avoit demandé la défaute que pour cela. 3o. Si l'on plaidoit (5) à la cour de son sei

(1) Defont. ch. XXI, art. 24.

Ibid. ch. XXI, art. 32.

(3) Beaum. ch. LXI, p. 312..

(4) Défont. ch. XXI, art. 1, 29...

(5) Sous le regne de Louis VIII, le sire de Néle plai

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