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CHAPITRE XX V.

Des bornes que l'on mettoit à l'usage du combat judiciaire.

QUAND

UAND les gages de bataille avoient été reçus sur une affaire civile de peu d'importance, le seigneur obligeoit les parties à les

retirer.

Si un fait étoit notoire (1); par exemple, si un homme avoit été assassiné en plein marché, on n'ordonnoit ni la preuve par témoins, ni la preuve par le combat; le juge prononçoit sur la publicité.

Quand, dans la cour du seigneur, on avoit souvent jugé de la même manière, et qu'ainsi l'usage étoit connu (2), le seigneur refusoit le combat aux parties, afin que les coutumes ne fussent pas changées par les divers événemens des combats.

On ne pouvoit demander le combat que pour (3) soi, ou pour quelqu'un de son lignage, ou pour son seigneur-lige.

Quand un accusé avoit été absous (4), un

(1) Beaum. ch. LXI, p. 308. Ibid. ch. LXIII, p. 239(2) Ibid. ch. LXI, p. 314. Voyez aussi Défontaines, ch. XXII, art. 24.

(3) Ibid. ch. LXIII, p. 322.

autre parent ne pouvoit demander le combat, autrement les affaires n'auroient point eu de fin.

Si celui dont les parens vouloient venger la mort venoit à reparoître, il n'étoit plus question de combat: il en étoit de même (1) si, par une absence notoire, le fait se trouvoit impossible.

Si un homme qui avoit été tué (2), avoit, avant de mourir, disculpé celui qui étoit accusé, et qu'il eût nommé un autre, on ne procédoit point au combat; mais s'il n'avoit nommé personne, on ne regardoit sa déclaration que comme un pardon de sa mort: on continuoit la poursuite; et même, entre gentilshommes, on pouvoit faire la guerre.

Quand il y avoit une guerre, et qu'un des parens donnoit ou recevoit les gages de bataille, le droit de la guerre cessoit; on pensoit que les parties vouloient suivre le cours ordinaire de la justice; et celle qui auroit continué la guerre, auroit été condamnée à réparer les dommages.

Ainsi la pratique du combat judiciaire avoit cet avantage, qu'elle pouvoit changer une querelle générale en une querelle particulière, rendre la force aux tribunaux, et remettre dans l'état civil ceux qui n'étoient plus gouvernés que par le droit des gens.

(1) Beaum. ch. LXIII, p. 322, (2) Ibid. p. 323.

Comme

Commé y a une infinité de choses sages qui sont menées d'une manière très-folle, il y a aussi des folies qui sont conduites d'une manière très-sage.

Quand (1) un homme appellé pour un crime, montroit visiblement que c'étoit l'appellant même qui l'avoit commis, il n'y avoit plus de gages de bataille; car il n'y a point de coupable qui n'eût préféré un combat douteux à une punition certaine.

Il n'y avoit (2) point de combat dans les affaires qui se décidoient par des arbitres ou par les cours ecclésiastiques; il n'y en avoit pas non plus, lorsqu'il s'agissoit du douaire des femmes.

Femme, dit BEAUMANOIR, ne se peut combattre. Si une femme appelloit quelqu'un sans nommer son champion, on ne recevoit point les gages de bataille. Il falloit encore qu'une femme fût autorisée par son baron (3), c'està-dire, son mari, pour appeller; mais sans cette autorité elle pouvoit être appellée.

Si l'appellant (4) ou l'appellé avoient moins de quinze ans, il n'y avoit point de combat. On pouvoit pourtant l'ordonner dans les affaires de pupiles, lorsque le tuteur ou celui

(1) Beaum. ch. LXIII, p. 324.

(2) Ibid. p. 321.

(3) Ibid.

(4) Ibid. page 323, Voyez aussi ce que j'ai dit au liv. XVIII.

qui avoit la baillie, vouloit courir les risques de cette procédure.

Il me semble que voici les cas où il étoit permis au serf de combattre. Il combattoit contre un autre serf, il combattoit contre une personne franche, et même contre un gentilhomme, s'il étoit appellé; mais s'il l'appelloit (1), celui-ci pouvoit refuser le combat; et même le seigneur du serf étoit en droit de le retirer de la cour. Le serf pouvoit, par une chartre du seigneur (2), ou par usage, combattre contre toutes personnes franches; et l'église (3) prétendoit ce même droit pour ses serfs, comme une marque de respect pour elle (4).

(1) Beaum. ch. LXIII, p. 327.

(2) Défont. ch. XXII, art. 7.

(3) Habeant bellandi et testificandi licentiam, chartre de Louis-le-Gros, de l'an 1118.

(4) Ibid.

CHAPITRE

XX V I.

Du combat judiciaire entre une des parties et un des témoins.

BEAUMANOIR EAUMANOIR (1) dit qu'un homme qui voyoit qu'un témoin alloit déposer contre lui, pouvoit éluder le second, en disant (2) aux juges que sa partie produisoit un témoin faux et calomniateur; et si le témoin vouloit soutenir la querelle, il donnoit les gages de bataille. Il n'étoit plus question de l'enquête : si le témoin étoit vaincu, il étoit décidé que la partie avoit produit un faux témoin, et elle perdoit son procès.

car,

Il ne falloit pas laisser jurer le second témoin; car il auroit prononcé son témoignage, et l'affaire auroit été finie par la déposition des deux témoins. Mais en arrêtant le second, la déposition du premier devenoit inutile.

Le second témoin étant ainsi rejetté, la partie n'en pouvoit faire ouir d'autres, et elle perdoit son procès : mais, dans le cas où il n'y avoit point de gages de bataille (3), on pouvoit produire d'autres témoins.

(1) Ch. LXI, p. 315.

(2) Leur doit-on demander, avant qu'ils fassent nul serment, pour qui ils veulent témoigner; car l'enques gist li point d'aus lever de faux témoignage. Beauman, ch. XXXIX, p. 218.

(3) Beaum, ch. LXI, p. 316.

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