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Ainsi naquit la galanterie, lorsqu'on imagina des hommes extraordinaires, qui, voyant la vertu jointe à la beauté et à la foiblesse, furent portés à s'exposer pour elle dans les dangers, et à lui plaire dans les actions ordinaires de la vie.

Nos romans de chevalerie flattèrent ce desir de plaire, et donnèrent à une partie de l'Europe cet esprit de galanterie, que l'on peut dire avoir été peu connu par les anciens.

Le luxe prodigieux de cette immense ville de Rome, flatta l'idée des plaisirs des sens. Une certaine idée de tranquillité dans les campagnes de la Grèce, fit décrire les sentimens de l'amour (*). L'idée des paladins, protecteurs de la vertu et de la beauté des femmes, conduisit à celle de la galanterie.

Cet esprit se perpétua par l'usage des tournois, qui, unissant ensemble les droits de la valeur et de l'amour, donnèrent encore à la galanterie une grande importance.

; (*) On peut voir les romans Grecs du moyen âge.

CHAPITRE XXIII.

De la jurisprudence du combat judiciaire. ON aura peut-être de la curiosité à voir cet usage monstrueux du combat judiciaire réduit en principes, et à trouver le corps d'une jurisprudence si singulière. Les hommes, dans le fond raisonnables, mettent sous des règles leurs préjugés même. Rien n'étoit plus contraire au bon sens que le combat judiciaire; mais, ce point une fois posé, l'exécution s'en fit avec une certaine prudence.

Pour se mettre bien au fait de la jurisprudence de ces temps-là, il faut lire avec attention les réglemens de saint Louis, qui fit de si grands changemens dans l'ordre judiciaire. Défontaines étoit contemporain de ce prince; Beaumanoir écrivoit après lui (*); les autres ont vécu depuis lui. Il faut donc chercher l'ancienne pratique dans les corrections qu'on en a faites.

(*) En l'an 1283.

CHAPITRE XXI V.

Régles établies dans le combat judiciaire. LORSQU'IL (1) y avoit plusieurs accusateurs, il falloit qu'ils s'accordassent pour que l'affaire fût poursuivie par un seul; et s'ils ne pouvoient convenir, celui devant qui se faisoit le plaid, nommoit un d'entre eux qui poursuivoit la querelle.

Quand (2) un gentilhomme appelloit un villain, il devoit se présenter à pied, et avec l'écu et le bâton; et s'il venoit à cheval et avec les armes d'un gentilhomme, on lui ôtoit son cheval et ses armes ; il restoit en chemise, et étoit obligé de combattre en cet état comme le villain.

Avant le combat, la justice (3) faisoit publier trois bans. Par l'un, il étoit ordonné aux parens des parties de se retirer; par l'autre, on avertissoit le peuple de garder le silence; par le troisième, il étoit défendu de donner du secours à une des parties, sous de grosses peines, et même celle de mort, si, par ce secours, un des combattans avoit été vaincu. Les gens de justice gardoient (4) le parc;

(1) Beaum. ch. VI, p. 40 et 41.

(2) Ibid. ch. LXIV, p. 328.

(3) Ibid. p. 330.

(4) Ibid.

et dans le cas où une des parties auroit parlé de paix, ils avoient grande attention à l'état où elles se trouvoient toutes les deux dans ce

moment, pour qu'elles fussent remises (1) dans la même situation, si la paix ne se faisoit pas.

Quand les gages étoient reçus pour crime ou pour faux jugement, la paix ne pouvoit se faire sans le consentement du seigneur; et quand une des parties avoit été vaincue il ne pouvoit plus y avoir de paix que de l'aveu du comte (2); ce qui avoit du rapport à nos lettres de grace.

Mais si le crime étoit capital, et que le seigneur, corrompu par des présens, consentît à la paix, il payoit une amende de soixante livres, et le droit (3) qu'il avoit de faire punir le malfaiteur, étoit dévolu au comte.

Il y avoit bien des gens qui n'étoient en état d'offrir le combat, ni de le recevoir. On permettoit, en connoissance de cause, de prendre un champion; et pour qu'il eût le plus grand intérêt à défendre sa partie, il avoit le poing coupé, s'il étoit vaincu (4).

1) Beaum. ch. LXIV, p. 330,

(2) Les grands vassaux avoient des droits particuliers: Beaumanoir, ch. LXIV, p. 330, dit : il perdroit sa justice. Ces paroles, dans les auteurs de ces temps-là, n'ont pas une signification générale, mais restreinte à l'affaire dont il s'agit. Défont. ch. XXI, art. 29.

(4) Cet usage, que l'on trouve dans les capitulaires, subsistoit du temps de Beaumanoir. Voyez le ch. LXI,

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Quand on a fait, dans le siècle passé, des loix capitales contre les duels, peut-être auroit-il suffi d'ôter à un guerrier sa qualité de guerrier par la perte de la main, n'y ayant rien ordinairement de plus triste pour les hommes, que de survivre à la perte de leur

caractère.

Lorsque, dans un crime capital (1), le combat se faisoit par champions, on mettoit les parties dans un lieu d'où elles ne pouvoient voir la bataille : chacune d'elles étoit ceinte de la corde qui devoit servir à son supplice, si son champion étoit vaincu.

Celui qui succomboit dans le combat ne perdoit pas toujours la chose contestée; si, par exemple (2), l'on combattoit sur un interlocutoire, l'on ne perdoit que l'interlocutoire.

(1) Beaum. ch. LXIV, p. 330. (2) Ibid. ch. XLI, p. 309.

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