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Récessuinde contenoient des dispositions effroyables contre les Juifs: mais ces Juifs étoient puissans dans la Gaule méridionale. L'auteur de l'histoire du roi Vamba appelle ces provinces le prostibule des Juifs. Lorsque les Sarrasins. vinrent dans ces provinces, ils y avoient été appellés : or, qui put les y avoir appellés, que les Juifs ou les Romains? Les Goths furent les premiers opprimés, parce qu'ils étoient la nation dominante. On voit dans Procope (*) que dans leurs calamités ils se retiroient de la Gaule Narbonnoise en Espagne. Sans doute que, dans ce malheur-ci, ils se refugièrent dans les contrées de l'Espagne, qui se défendoient encore; et le nombre de ceux qui, dans la Gaule méridionale, vivoient sous la loi des Wisigoths, en fut beaucoup diminué.

(*) Gothi qui cladi superfuerant, ex Galliâ cum uxoribus liberisque egressi, in Hispaniam ad Teudim jàm palàm tyrannum se receperunt; de bello Gothorum, liv. I, ch. XIII.

CHAPITRE VII I.

Faux capitulaires.

CE malheureux compilateur Benoît Lévite, n'alla-t-il pas transformer cette loi wisigothe qui défendoit l'usage du droit romain, en un capitulaire (*) qu'on attribua depuis à Charlemagne? Il fit de cette loi particulière une loi générale, comme s'il avoit voulu exterminer le droit romain par tout l'univers.

CHAPITRE I X.

Comment les codes des loix des barbares et les capitulaires se perdirent..

Les loix saliques, ripuaires, bourguignones et wisigothes, cessèrent peu à peu d'être en usage chez les François : voici comment.

Les fiefs étant devenus héréditaires, et les arrière - fiefs s'étant étendus, il s'introduisit beaucoup d'usages auxquels ces loix n'étoient plus applicables. On en retint bien l'esprit, qui étoit de régler la plupart des affaires par des amendes. Mais les valeurs ayant sans doute changé, les amendes changèrent aussi; et l'on

(*) Capitul. édit. de Baluze, liv. VI, ch. CCCXLIII, p. 981, tome I.

voit beaucoup de (1) chartres où les seigneurs fixoient les amendes qui devoient être payées dans leurs petits tribunaux. Ainsi l'on suivit l'esprit de la loi, sans suivre la loi même.

D'ailleurs la France se trouvant divisée en une infinité de petites seigneuries qui reconnoissoient plutôt une dépendance féodale qu'une reconnoissance politique, il étoit bien difficile qu'une seule loi pût être autorisée: en effet, on n'auroit pas pu la faire observer. L'usage n'étoit guère plus qu'on envoyât des officiers (2) extraordinaires dans les provinces, qui eussent l'œil sur l'administration de la justice et sur les affaires politiques; il paroît même par les char tres, que lorsque de nouveaux fiefs s'établissoient, les rois se privoient du droit de les y envoyer. Ainsi, lorsque tout, à-peu-près, fut devenu fief, ces officiers: ne purent plus être employés; il n'y eut plus de loi commune, parce que personne ne pouvoit faire observer la loi commune.

Les loix saliques, bourguignones et wisigothes furent donc extrêmement négligées à la fin de la seconde race; et au commencement de la troisième, on n'en entendit presque plus parler.

Sous les deux premières races, on assembla souvent la nation, c'est-à-dire, les seigneurs et les évêques : il n'étoit point encore question des communes. On chercha dans ces assemblées

(1) M. de la Thaumassière en a recueilli plusieurs. Voyez, par exemple, les ch. LXI, LXVI, et autres.

à régler le clergé, qui étoit un corps qui se formoit, pour ainsi dire, sous les conquérans, et qui établissoit ses prérogatives; les loix faites dans ces assemblées, sont ce que nous appellons les capitulaires. Il arriva quatre choses; les loix des fiefs s'établirent, et une grande partie des biens de l'église fut gouvernée par les loix des fiefs; les ecclésiastiques se séparèrent davantage, et négligèrent (1) des loix de réforme où ils n'avoient pas été les seuls réformateurs: on recueillit (2) les canons des conciles et les décrétales des papes; et le clergé reçut ces loix, comme venant d'une source plus pure. Depuis l'érection des grands fiefs, les rois n'eurent plus, comme j'ai dit, des envoyés dans les provinces, pour faire obser ver des loix émanées d'eux': ainsi, sous la troisième race, on n'entendit plus parler de capitulaires.

(1) Que les évêques, dit Charles-le-Chauve, dans le capitulaire de l'an 844, art. 8, sous prétexte qu'ils ont l'autorité de faire des canons, ne s'opposent pas à cette constitution, ni ne la négligent. Il semble qu'il en prévoyoit déja la chûte.

(2) On inséra dans le recueil des canons un nombre infini de décrétales des papes; il y en avoit très-peu dans l'ancienne collection. Denis le Petit en mit beaucoup dans la sienne; mais celle d'Isidore Mercator fut remplie de vraies et de fausses décrétales. L'ancienne collection fut en usage en France jusqu'à Charlemagne. Ce prince reçut des mains du pape Adrien I la collection de Denis le Petit, et la fit recevoir. La collection d'Isidore Mercator parut en France vers le règne de Charlemagne; on s'en entêta: ensuite vint ce qu'on appelle le corps du droit canonique.

CHAPITRE X.

Continuation du même sujet.

ON ajouta plusieurs capitulaires à la loi des

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Lombards aux loix saliques, à la loi des Bavarois. On en a cherché la raison; il faut la prendre dans la chose même. Les capitulaires, étoient de plusieurs espèces. Les uns avoient

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I

du rapport au gouvernement politique, d'autres au gouvernement économique, la plupart au gouvernement ecclésiastique, quelques-uns au gouvernement civil. Ceux de cette dernière espèce furent ajoutés à la loi civile, c'est-àdire, aux loix personnelles de chaque nation: c'est pour cela qu'il est dit dans les capitulaires, qu'on n'y a rien stipulé (*) contre la loi romaine. En effet, ceux qui regardoient le gouvernement économique, ecclésiastique ou politique, n'avoient point de rapport avec cette loi; et ceux qui regardoient le gouvernement civil n'en eurent qu'aux loix des peuples barbares , que l'on expliquoit, corrigeoit, augmentoit et diminuoit. Mais ces capitulaires, ajoutés aux loix personnelles, firent, je crois, négliger le corps même des capitulaires : dans des temps d'ignorance, l'abrégé d'un ouvrage fait souvent tomber l'ouvrage même.

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