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collatéraux, sans aucune distinction entre les mâles et les femelles, entre les parens par femmes et les parens par mâles; et abrogea toutes celles qui restoient à cet égard. Il crut suivre la nature même, en s'écartant de ce qu'il appella les embarras de l'ancienne jurisprudence.

LIVRE XXVIII.

De l'origine et des révolutions des loix civiles chez les François.

In nova fert animus mutatas dicere formas

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Du différent caractère des loix des peuples Germains. LES Francs étant sortis de leur pays, ils firent rédiger (1), par les sages de leur nation, les loix saliques. La tribu des Francs Ripuaires s'étant jointe, sous Clovis (2), à celle des Francs Saliens, elle conserva ses usages; et Théodoric (3), roi d'Austrasie, les fit mettre par écrit. Il recueillit (4) de même

(1) Voyez le prologue de la loi salique. M. de Leibnitz dit, dans son traité de l'origine des Francs, que cette loi fut faite avant le règne de Clovis : mais elle ne put l'être avant que les Francs fussent sortis de la Germanie: ils n'entendoient pas pour lors la langue Latine. (2) Voyez Grégoire de Tours.

(3) Voyez le prologue de la loi des Bavarois, et celui de la loi salique.

(4) Ibid.

les usages des Bavarois et des Allemands qui dépendoient de son royaume. Car la Germanie étant affoiblié par la sortie de tant de peuples, les Francs, après avoir conquis devant eux, avoient fait un pas en arrière, et porté leur domination dans les forêts de leurs pères. Il y a apparence que le code (1) des Thuringiens fut donné par le même Théodoric, puisque les Thuringiens étoient aussi ses sujets. Les Frisons ayant été soumis par Charles-Martel et Pepin, leur (2) loi n'est pas antérieure à ces princes. Charlemagne, qui, le premier, dompta les Saxons, leur donna la loi que nous avons. Il n'y a qu'à lire ces deux derniers codes, pour voir qu'ils sortent des mains des vainqueurs. Les Wisigoths, les Bourguignons et les Lombards ayant fondé des royaumes, firent écrire leurs loix, non pas pour faire suivre leurs usages aux peuples vaincus, mais pour les suivre eux-mêmes.

Il y a dans les loix saliques et ripuaires, dans celles des Allemands, des Bavarois, des Thuringiens et des Frisons, une simplicité admirable on y trouve une rudesse originale, et un esprit qui n'avoit point été affoibli par un autre esprit. Elles changèrent peu, parce que ces peuples, si on en excepte les Francs, restèrent dans la Germanie. Les Francs même fondèrent une grande partie de leur empire:

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(1) Lex Angliorum Werinorum, hoc est, Thuringorum. (2) Ils ne savoient point écrire.

ainsi, leurs loix furent toutes germaines. Il n'en fut pas de même des loix des Wisigoths, des Lombards et des Bourguignons; elles perdirent beaucoup de leur caractère, parce que ces peuples, qui se fixèrent dans leurs nouvelles demeures, perdirent beaucoup du leur.

Le royaume des Bourguignons ne subsista pas assez long-temps, pour que les loix du peuple vainqueur pussent recevoir de grands changemens. Gondebaud et Sigismond, qui recueillirent leurs usages, furent presque les

derniers de leurs rois. Les loix des Lombards reçurent plutôt des additions que des changemens. Celles de Rotharis furent suivies de celles de Grimoald, de Luitprand, de Rachis, d'Aistulphe; mais elles ne prirent point de nouvelle forme. Il n'en fut pas de même des loix des Wisigoths (1); leurs rois les refondirent, et les firent refondre par le clergé.

Les rois de la première race ôtèrent (2) bien aux loix saliques et ripuaires ce qui ne pouvoit absolument s'accorder avec le christianisme mais ils en laissèrent tout le fonds. C'est ce qu'on ne peut pas dire des loix des Wisigoths.

(1) Euric les donna, Leuvigilde les corrigea. Voyez la chronique d'Isidore. Chaindasuinde et Recessuinde les réformèrent. Egiga fit faire le code que nous avons, et en donna la commission aux évêques : on conserva pourtant les loix de Chaindasuinde et de Recessuinde, comme il paroît par le seizième concile de Tolède.

(2) Voyez le prologue de la loi des Bavarois.

Les loix des Bourguignons, et sur-tout celles des Wisigoths, admirent les peines corporelles. Les loix saliques et ripuaires ne les reçurent (1) pas; elles conservèrent mieux leur caractère.

Les Bourguignons et les Wisigoths, dont les provinces étoient très-exposées, cherchèrent à se concilier les anciens habitans, et à leur donner des loix civiles les plus impartiales (2): mais les rois Francs, sûrs de leur puissance, n'eurent (3) pas ces égards.

Les Saxons, qui vivoient sous l'empire des Francs, eurent une humeur indomptable, et s'obstinèrent à se révolter. On trouve dans leurs (4) loix des duretés du vainqueur, qu'on ne voit point dans les autres codes des loix des barbares.

On y voit l'esprit des loix des Germains dans les peines pécuniaires, et celui du vainqueur dans les peines afflictives.

Les crimes qu'ils font dans leur pays, sont punis corporellement; et on ne suit l'esprit des loix germaniques, que dans la punition

(1) On en trouve seulement quelques-unes dans le décret de Childebert.

(2) Voyez le prologue du code des Bourguignons, et le code même; sur-tout le tit. 12, §. 5, et le tit. 38. Voyez aussi Grégoire de Tours, liv. II, ch. XXXIII; et le code des Wisigoths.

(3) Voyez ci-après le ch. III.

(4) Voyez le chap. II, §. 8 et 9; et le ch. IV, §. 2 et 7.

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