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les plus agréables aux dieux, et dépendante de certaines pratiques.

'Le culte des dieux demandant une attention continuelle, la plupart des peuples furent portés à faire du clergé un corps séparé. Ainsi, chez les Egyptiens, les Juifs et les Perses (*), on consacra à la divinité de certaines familles qui se perpétuoient, et faisoient le service.

y eut même des religions où l'on ne pensa pas seulement à éloigner les ecclésiastiques des affaires, mais encore à leur ôter l'embarras d'une famille; et c'est la pratique de la principale branche de la loi chrétienne.

Je ne parlerai point ici des conséquences de la loi du célibat: on sent qu'elle pourroit devenir nuisible, à proportion que le corps du clergé seroit trop étendu, et que, par conséquent, celui des laïcs ne le seroit pas assez.

Par la nature de l'entendement humain, nous aimons, en fait de religion, tout ce qui suppose un effort; comme, en matière de morale, nous aimons spéculativement tout ce qui porte le caractère de la sévérité. Le célibat a été plus agréable aux peuples à qui il sembloit convenir le moins, et pour lesquels il pouvoit avoir de plus fâcheuses suites. Dans les pays du midi de l'Europe, où, par la nature du climat, la loi du célibat est plus difficile à observer, elle a été retenue; dans ceux du nord, où les passions sont moins vives, elle

(*) Voyez M. Hyde.

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a été proscrite. Il y a plus dans les pays ou il y a peu d'habitans, elle a été admise; dans ceux où il y en a beaucoup, on l'a rejettée. On sent que toutes ces réflexions ne portent que sur la trop grande extension du célibat, et non sur le célibat même.

CHAPITRE V.

Des bornes que les loix doivent mettre aux richesses

LES

du clergé.

ES familles particulières peuvent périr: ainsi, les biens n'y ont point une destination, perpétuelle. Le clergé est une famille qui ne peut pas périr : les biens y sont donc attachés pour toujours, et n'en peuvent pas sortir.

Les familles particulières peuvent s'augmen ter: il faut donc que leurs biens puissent croître aussi. Le clergé est une famille qui ne doit point augmenter : les biens doivent donc y être bornés.

Nous avons retenu les dispositions du Lévitique sur les biens du clergé, excepté celles qui regardent les bornes de ces biens: effectivement, on ignorera toujours parmi nous quel est le terme après lequel il n'est plus permis à une communauté religieuse d'acquérir.

Ces acquisitions sans fin paroissent aux peuples si déraisonnables, que celui qui voudroit

parler pour elles, seroit regardé comme imbécille.

Les loix civiles trouvent quelquefois des obstacles à changer des abus établis, parce qu'ils sont liés à des choses qu'elles doivent respecter dans ce cas, une disposition indirecte marque plus le bon esprit du législateur, qu'une autre qui frapperoit sur la chose même. Au lieu de défendre les acquisitions du clergé, il faut chercher à l'en dégoûter lui-même; laisser le droit, et ôter le fait.

Dans quelques pays de l'Europe, la considération des droits des seigneurs a fait établir, en leur faveur, un droit d'indemnité sur les immeubles acquis par les gens de main-morte. L'intérêt du prince lui a fait exiger un droit d'amortissement dans le même cas. En Castille, où il n'y a point de droit pareil, le clergé a tout envahi; en Aragon, où il y a quelque droit d'amortissement, il a acquis moins; en France, où ce droit et celui d'indemnité sont établis, il a moins acquis encore; et l'on peut dire que la prospérité de cet état est due, en partie, à l'exercice de ces deux droits. Augmen tez-les ces droits, et arrêtez la main-morte, s'il est possible.

Rendez sacré et inviolable l'ancien et nécessaire domaine du clergé; qu'il soit fixe et éternel comme lui mais laissez sortir de ses mains les nouveaux domaines.

Permettez de violer la règle, lorsque la règle

est devenue un abus; souffrez l'abus, lorsqu'il rentre dans la règle.

On se souvient toujours à Rome d'un mémoire qui y fut envoyé à l'occasion de quelques démêlés avec le clergé. On y avoit mis cette maxime : « Le clergé doit contribuer aux » charges de l'état, quoi qu'en dise l'ancien » testament ». On en conclut que l'auteur du mémoire entendoit mieux le langage de la maltôte que celui de la religion.

CHAPITRE VI.

Des monastères, pobol

!!

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LE moindre bon sens fait voir que ces corps qui se perpétuent sans fin, ne doivent pas vendre leurs fonds à vie, ni faire des emprunts à vie, à moins qu'on ne veuille qu'ils se rendent heritiers de tous ceux qui n'ont point de parens, et de tous ceux qui n'en veulent point avoir; ces gens jouent contre le peuple, mais ils tiennent la banque contre lui.

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CHAPITRE VII.

Du luxe de la superstition.

CEUX-LA

EUX LA sont impies envers les dieux, dit » Platon (1), qui nient leur existence; ou qui » l'accordent, mais soutiennent qu'ils ne se » mêlent point des choses d'ici bas; ou enfin, qui pensent qu'on les appaise aisément par des sacrifices trois opinions également perni»cieuses ». Platon dit là, tout ce que la lumière naturelle a jamais dit de plus sensé en matière de religion.

La magnificence du culte extérieur a beaucoup de rapport à la constitution de l'état. Dans les bonnes républiques, on n'a pas seulement réprimé le luxe de la vanité, mais encore celui de la superstition: on a fait dans la religion des loix d'épargne. De ce nombre sont plusieurs loix de Solon, plusieurs loix de Platon sur les funérailles, que Cicéron a adoptées; enfin, quelques loix de Numa (2) sur les sacrifices.

<< Des oiseaux, dit Cicéron, et des peintures » faites en un jour, sont des dons très-divins. » Nous offrons des choses communes, disoit » un Spartiate, afin que nous ayons tous les » jours le moyen d'honorer les dieux ».

(1) Des loix, liv. X.

(2) Rogum vino ne respergito. Loi des douze-tables.

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