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ples du nord embrassèrent la protestante, et ceux du midi gardèrent la catholique.

! C'est que

les peuples du nord ont et auront toujours un esprit d'indépendance et de liberté que n'ont pas les peuples du midi; et qu'une religion qui n'a point de chef visible, convient mieux à l'indépendance du climat, que celle qui en a un.

Dans les pays même où la religion protestante s'établit, les révolutions se firent sur le plan de l'état politique. Luther ayant pour lui de grands princes, n'auroit guère pu leur faire goûter une autorité ecclésiastique qui n'auroit point eu de prééminence extérieure ; et Calvin ayant pour lui des peuples qui vivoient dans des républiques, ou des bourgeois obscurcis dans des monarchies, pouvoit fort bien ne pas établir des prééminences et des dignités.

Chacune de ces deux religions pouvoit se croire la plus parfaite; la calviniste se jugeant plus conforme à ce que Jésus-Christ avoit dit, et la luthérienne à ce que les apôtres avoient fait.

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CHAPITRE VI

Autre paradoxe de Bayle.

M. BAYLE, après avoir insulté toutes les

religions, flétrit la religion chrétienne: il ose avancer que de véritables chrétiens ne formeroient pas un état qui pût subsister. Pourquoi non? Ce seroient des citoyens infiniment éclairés sur leurs devoirs, et qui auroient un trèsgrand zèle pour les remplir; ils sentiroient trèsbien les droits de la défense naturelle; plus ils croiroient devoir à la religion, plus ils penseroient devoir à la patrie. Les principes du christianisme bien gravés dans le cœur, seroient infiniment plus forts que ce faux honneur des monarchies, ces vertus humaines des républiques, et cette crainte servile des états despo tiques.

Il est étonnant qu'on puisse imputer à ce grand homme d'avoir méconnu l'esprit de sa propre religion; qu'il n'ait pas su distinguer les ordres pour l'établissement du christianisme d'avec le christianisme même, ni les préceptes de l'évangile d'avec ses conseils. Lorsque le législateur, au lieu de donner des loix, a donné des conseils, c'est qu'il a vu que ses conseils, s'ils étoient ordonnés comme des loix, seroient contraires à l'esprit de ses loix.

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CHAPITRE V I I.

Des loix de perfection dans la religion.

Les loix humaines faites pour parler à l'esprit doivent donner des préceptes et point de conseils la religion, faite pour parler au cœur doit donner beaucoup de conseils, et peu de préceptes.

Quand, par exemple, elle donne des règles non pas pour le bien, mais pour le meilleur ; non pas pour ce qui est bon, mais pour ce qui est parfait; il est convenable que ce soient des conseils et non pas des loix; car la perfection ne regarde pas l'universalité des hommes ni des choses. De plus, si ce sont des loix, il en faudra une infinité d'autres pour faire observer les premières. Le célibat fut un conseil du christianisme: lorsqu'on en fit une loi pour un certain ordre de gens, il en fallut chaque jour de nouvelles (*) pour réduire les hommes à l'observation de celle-ci. Le législateur se fatigua, il fatigua la société, pour faire exécuter aux hommes par préceptes, ce que ceux qui aiment la perfection auroient exécuté comme conseil.

(*) Voyez la bibliothèque des auteurs ecclés, du dixième siècle, tome V, par M. Dupin.

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De l'accord des loix de la morale avec celles de la religion...

DANS un pays où l'on a le malheur d'avoir une religion que Dieu n'a pas donnée, il est toujours nécessaire qu'elle s'accorde avec la morale; parce que la religion, même fausse, est le meilleur garant que les hommes puissent avoir de la probité des hommes.

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Les points principaux de la religion de ceux de Pégu (*) sont de ne point tuer, de ne point voler, d'éviter l'impudicité, de ne faire aucun déplaisir à son prochain, de lui faire, au contraire, tout le bien qu'on peut. Avec cela ils croient qu'on se sauvera dans quelque religion que ce soit; ce qui fait que ces peuples, quoique fiers et pauvres, ont de la douceur et de la compassion pour les malheu

reux.

(*) Recueil des voyages qui ont servi à l'établissement de La compagnie des Indes, tome III, part. I, p. 63.

CHAPITRE IX.

Des Esséens.

LES Esséens (*) faisoient vœu d'observer la justice envers les hommes, de ne faire de mal à personne, même pour obéir, de haïr les injustes, de garder la foi à tout le monde, de commander avec modestie, de prendre toujours le parti de la vérité, de fuir tout gain illicite.

CHAPITRE X.

De la secte stoïque.

LEs diverses sectes de philosophie chez les anciens, pouvoient être considérées comme des espèces de religion. Il n'y en a jamais eu dont les principes fussent plus dignes de l'homme, et plus propres à former des gens de bien, que celle des stoïciens; et si je pouvois un moment cesser de penser que je suis chrétien, je ne pourrois m'empêcher de mettre la destruction de la secte de Zénon au nombre des

malheurs du genre humain.

Elle n'outroit que les choses dans lesquelles

(*) Histoire des Juifs, par Prideaux.

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