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Le commerce même contredit ses loix. Le peuple n'est composé que d'esclaves attachés aux terres, et d'esclaves qu'on appelle ecclésiastiques ou gentilshommes, parce qu'ils sont les seigneurs de ces esclaves. Il ne reste donc guère personne pour le Tiers-état, qui doit former les ouvriers et les marchands.

CHAPITRE X V.

Usage de quelques pays d'Italie. DAN'S quelques pays d'Italie, on a fait des loix pour empêcher les sujets de vendre les fonds de terre pour transporter leur argent dans les pays étrangers. Ces loix pouvoient être bonnes, lorsque les richesses de chaque état étoient tellement à lui, qu'il y avoit beaucoup de difficulté à les faire passer à un autre. Mais depuis que, par l'usage du change, les richesses ne sont, en quelque façon, à aucun état en particulier, et qu'il y a tant de facilité à les transporter d'un pays à un autre, c'est une mauvaise loi que celle qui ne permet pas de disposer, pour ses affaires, de ses fonds de terre, lorsqu'on peut disposer de son argent. Cette loi est mauvaise, parce qu'elle donne de l'avantage aux effets mobiliers sur les fonds de terre, parce qu'elle dégoûte les étrangers de venir s'établir dans le pays, et enfin, parce qu'on peut l'éluder.

CHAPITRE XV I..

Du secours que l'état peut tirer des banquiers.

LES

Es banquiers sont faits pour changer de l'argent, et non pas pour en prêter. Si le prince ne s'en sert que pour changer son argent, comme il ne fait que de grosses affaires, le moindre profit qu'il leur donne pour leurs remises, devient un objet considérable; et, si on lui demande de gros profits, il peut être sûr que c'est un défaut de l'administration. Quand, au contraire, ils sont employés à faire des avances, leur art consiste à se procurer de gros profits de leur argent, sans qu'on puisse les accuser d'usure.

CHAPITRE XVII.

Des dettes publiques.

QUELQUES

UELQUES gens ont cru qu'il étoit bon qu'un état dût à lui-même : ils ont pensé que cela multiplioit les richesses, en augmentant la circulation.

Je crois qu'on a confondu un papier circu-, lant, qui représente la monnoie, ou un papier circulant qui est le signe des profits, qu'une

compagnie a faits ou fera sur le commerce, avec un papier qui représente une dette. Les deux premiers sont très-avantageux à l'état; le dernier ne peut l'être; et tout ce qu'on peut en attendre, c'est qu'il soit un bon gage pour les particuliers de la dette de la nation, c'est-àdire, qu'il en procure le paiement. Mais voici les inconvéniens qui en résultent.

1o. Si les étrangers possèdent beaucoup de papier qui représentent une dette, ils tirent, tous les ans, de la nation, une somme considérable pour les intérêts.

2o. Dans une nation ainsi perpétuellement débitrice, le change doit être très-bas.

3°. L'impôt levé pour le paiement des intérêts. de la dette, fait tort aux manufactures, en rendant la main de l'ouvrier plus chère.

4°. On ôte les revenus véritables de l'état à ceux qui ont de l'activité ou de l'industrie, pour les transporter aux gens oisifs; c'est-àdire, qu'on donne des commodités pour travailler à ceux qui ne travaillent point, et des difficultés pour travailler à ceux qui travaillent.

Voilà les inconvéniens; je n'en connois point les avantages, Dix personnes ont chacune mille écus de revenu en fonds de terre ou en industrie; cela fait pour la nation, à cinq pour cent, un capital de deux cent mille écus. Si çes dix personnes emploient la moitié de leur revenu, c'est-à-dire, cinq mille écus, pour payer les intérêts de cent mille écus, qu'elles ont empruntés à d'autres, cela ne fait encore,

pour l'état, que deux cent mille écus : c'est, dans le langage des algébristes, 200000 écus - 100000 écus + 100000 écus = 200000 écus.

Ce qui peut jetter dans l'erreur, c'est qu'un papier qui représente la dette d'une nation, est un signe de richesse; car il n'y a qu'un état riche qui puisse soutenir un tel papier sans tomber dans la décadence : que s'il n'y tombe pas, il faut que l'état ait de grandes richesses d'ailleurs. On dit qu'il n'y a point de mal, parce qu'il y a des ressources contre ce mal; et on dit que le mal est un bien, parce que les ressources surpassent le mal.

CHAPITRE X VIII.

Du paiement des dettes publiques.

Il faut qu'il y ait une proportion entre l'état créancier et l'état débiteur. L'état peut être créancier à l'infini; mais il ne peut être débiteur qu'à un certain degré : et, quand on est parvenu à passer ce degré, le titre de créancier s'évanouit.

Si cet état a encore un crédit qui n'ait point reçu d'atteinte, il pourra faire ce qu'on a pratiqué si heureusement dans un état (*) d'Europe: c'est de se procurer une grande quantité

~(*) L'Angleterre,

d'espèces, et d'offrir à tous les particuliers leur remboursement, à moins qu'ils ne veuillent réduire l'intérêt. En effet, comme lorsque l'état emprunte, ce sont les particuliers qui fixent le taux de l'intérêt; lorsque l'état veut payer, c'est à lui à le fixer.

Il ne suffit pas de réduire l'intérêt, il faut que le bénéfice de la réduction forme un fonds d'amortissement pour payer, chaque année une partie des capitaux; opération d'autant plus heureuse, que le succès en augmente tous les jours.

Lorsque le crédit de l'état n'est pas entier, c'est une nouvelle raison pour chercher à former un fonds d'amortissement; parce que. ce fonds une fois établi, rend bientôt la confiance.

Si l'état est une république, dont le gou vernement comporte, par sa nature, que l'on y fasse des projets pour long-temps, le capital du fonds d'amortissement peut être peu considérable: il faut, dans une monarchie, que ce capital soit plus grand.

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2o. Les réglemens doivent être tels, que tous les citoyens de l'état portent le poids de l'établissement de ce fonds, parce qu'ils ont tous le poids de l'établissement de la dette; le créancier de l'état, par les sommes qu'il contribue, payant lui-même à lui-même.

3°. Il y a quatre classes de gens qui paient les dettes de l'état : les propriétaires des fonds

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