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64 est à 1, c'est-à-dire qu'elle doublera encore. Or, à présent, cinquante (1) quintaux de minerai pour l'or, donnent quatre, cinq et six onces d'or; et quand il n'y en a que deux, le mineur ne retire que ses frais. Dans deux cent ans, lorsqu'il n'y en aura que quatre, le mineur ne retirera aussi que ses frais. Il y aura donc peu de profit à tirer sur l'or. Même raisonnement sur l'argent, excepté que le travail des mines d'argent est un peu plus avantageux que celui des mines d'or.

Que si l'on découvre des mines si abondantes qu'elles donnent plus de profit; plus elles seront abondantes, plutôt le profit finira.

Les Portugais ont trouvé tant d'or (2) dans le Brésil, qu'il faudra nécessairement que le profit des Espagnols diminue bientôt considérablement, et le leur aussi.

J'ai ouï plusieurs fois déplorer l'aveuglement du conseil de François premier qui rebuta Christophe Colomb, qui lui proposoit les Indes. En vérité, on fit, peut-être par imprudence, une chose bien sage. L'Espagne a fait comme ce roi insensé qui demanda que tout ce qu'il tou

(1) Voyez les voyages de Frézier.

(2) Suivant milord Anson, l'Europe reçoit du Brésil tous les ans pour deux millions sterlings en or, que l'on trouve dans le sable au pied des montagnes, ou dans le lit des rivières. Lorsque je fis le petit ouvrage dont j'ai parlé dans la première note de ce chapitre, il s'en falloit bien que les retours du Brésil fussent un

cheroit se convertît en or, et qui fut obligé de revenir aux dieux pour les prier de finir sa misère.

Les compagnies et les banques que plusieurs nations établirent, achevèrent d'avilir l'or et l'argent dans leur qualité de signe; car, par de nouvelles fictions, ils multiplièrent tellement les signes des denrées, que l'or et l'argent ne firent plus cet office qu'en partie, et en devinrent moins précieux.

Ainsi le crédit public leur tint lieu de mines, et diminua encore le profit que les Espagnols tiroient des leurs.

Il est vrai que, par le commerce que les Hollandois firent dans les Indes orientales, ils donnèrent quelque prix à la marchandise des Espagnols; car, comme ils portèrent de l'argent pour troquer contre les marchandises de 'Orient, ils soulagèrent en Europe les Espagnols d'une partie de leurs denrées qui y abondoient trop.

Et ce commerce, qui ne semble regarder qu'indirectement l'Espagne, lui est avantageux comme aux nations même qui le font.

Par tout ce qui vient d'être dit, on peut juger des ordonnances du conseil d'Espagne, qui défendent d'employer l'or et l'argent en dorures et autres superfluités : décret pareil à celui que feroient les états de Hollande s'ils défendoient la consommation de la canelle.

Mon raisonnement ne porte pas sur toutes les mines: celles d'Allemagne et de Hongrie,

d'où l'on ne retire que peu de chose au-delà des frais, sont très-utiles. Elles se trouvent dans l'état principal; elles y occupent plusieurs milliers d'hommes qui y consomment les denrées surabondantes; elles sont proprement une manufacture du pays.

Les mines d'Allemagne et de Hongrie font valoir la culture des terres ; et le travail de celles du Mexique et du Pérou la détruit.

Les Indes et l'Espagne sont deux puissances sous un même maître: mais les Indes sont le principal, l'Espagne n'est que l'accessoire. C'est en vain que la politique veut ramener le principal à l'accessoire; les Indes attirent toujours l'Espagne à elles.

D'environ cinquante millions de marchandises qui vont toutes les années aux Indes, l'Espagne ne fournit que deux millions et demi: les Indes font donc un commerce de cinquante millions, et l'Espagne de deux millions et demi.

C'est une mauvaise espèce de richesse qu'un tribut d'accident et qui ne dépend pas de l'industrie de la nation, du nombre de ses habitans, ni de la culture de ses terres. Le roi d'Espagne, qui reçoit de grandes sommes de sa douane de Cadix, n'est, à cet égard, qu'un particulier très-riche dans un état très-pauvre. Tout se passe des étrangers à lui, sans que ses sujets y prennent presque de part; ce commerce est indépendant de la bonne et de la mauvaise

Si quelques provinces dans la Castille lui donnoient une somme pareille à celle de la douane de Cadix, sa puissance seroit bien plus grande ses richesses ne pourroient être que l'effet de celles du pays, ces provinces animeroient toutes les autres ; et elles seroient toutes ensemble plus en état de soutenir les charges respectives: au lieu d'un grand trésor, on auroit un grand peuple.

CHAPITRE XXIII

CE

Probléme.

E n'est point à moi à prononcer sur la question, si l'Espagne ne pouvant faire le commerce des Indes par elle-même, il ne vaudroit pas mieux qu'elle le rendît libre aux étrangers. Je dirai seulement qu'il lui convient de mettre à ce commerce le moins d'obstacles que sa politique pourra lui permettre. Quand les marchandises que les diverses nations portent aux Indes y sont chères, les Indes donnent beaucoup de leur marchandise, qui est l'or et l'argent, pour peu de marchandises étrangères : le contraire arrive lorsque cellesci sont à vil prix. Il seroit peut-être utile que ces nations se nuisissent les unes les autres, afin que les marchandises qu'elles portent aux Indes y fussent toujours à bon marché. Voilà

des

des principes qu'il faut examiner, sans les séparer pourtant des autres considérations; la sûreté des Indes, l'utilité d'une douane unique, les dangers d'un grand changement, les inconvéniens qu'on prévoit, et qui souvent sont moins dangereux que ceux qu'on ne peut pas prévoir.

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