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de la Grèce étoit à Rhodes, à Corinthe et å Orcomène. «Jupiter, dit-il, (1), aima les » Rhodiens, et leur donna de grandes riches»ses ». Il donne à Corinthe (2) l'épithète de riche. De même, quand il veut parler des villes qui ont beaucoup d'or, il cite Orcomène (3), qu'iljoint à Thèbes d'Egypte.Rhodes et Corinthe conservèrent leur puissance, et Orcomène la perdit. La position d'Orcomène, près de l'Hellespont, de la Propontide et du Pont-Euxin, fait naturellement penser qu'elle tiroit ses richesses d'un commerce sur les côtes de ces mers, qui avoit donné lieu à la fable de la toison d'or. Et effectivement, le nom de Miniares est donné à Orcomène (4) et encore aux Argonautes. Mais comme, dans la suite, ces mers devinrent plus connues; que les Grecs y établirent un trèsgrand nombre de colonies; que ces colonies négocièrent avec les peuples barbares ; qu'elles communiquèrent avec leur métropole ; Orcomène commença à décheoir, et elle rentra dans la foule des autres villes grecques.

Les Grecs, avant Homère, n'avoient guère négocié qu'entre eux, et chez quelque peuple barbare; mais ils étendirent leur domination à mesure qu'ils formèrent de nouveaux peuples.

(1) Iliade, liv. II.

(2) Ibid.

(3) Ibid. liv. I, vers 381. Voyez Strabon, liv. IX; page 414, édit. de 1620.

(4) Strabon, liv. IX, page 414.

La Grèce étoit une grande péninsule dont les caps sembloient avoir fait reculer les mers, et les golfes s'ouvrir de tous côtés, comme pour les recevoir encore. Si l'on jette les yeux sur la Grèce, on verra, dans un pays assez resserré, une vaste étendue de côtes. Ses colonies innombrables faisoient une immense circonférence autour d'elle; et elle y voyoit, pour ainsi dire, tout le monde qui n'étoit pas barbare. Pénétra-t-elle en Sicile et en Italie ? elle y forma des nations. Navigea-t-elle vers les mers du Pont, vers les côtes de l'Asie mineure, vers celles d'Afrique ? elle en fit de même. Ses villes acquirent de la prospérité, à mesure qu'elles se trouvèrent près de nouveaux peuples. Et, ce qu'il y avoit d'admirable, des isles sans nombre, situées comme en première ligne, l'entouroient

encore.

Quelles causes de prospérité pour la Grèce, que des jeux qu'elle donnoit, pour ainsi dire, à l'univers; des temples, où tous les rois envoyoient des offrandes ; des fêtes, où l'on s'assembloit de toutes parts; des oracles qui faisoient l'attention de toute la curiosité humaine; enfin, le goût et les arts portés à un point, que de croire les surpasser, sera toujours ne les pas connoître ?

Q

CHAPITRE VII I.

D'Alexandre. Sa conquête.

UATRE événemens arrivés sous Alexandre, firent dans le commerce une grande révolution; la prise de Tyr, la conquête de l'Egypte, celle des Indes, et la découverte de la mer qui est au midi de ce pays.

L'empire des Perses s'étendoit jusqu'à l'Indus (1). Long-temps avant Alexandre, Darius (2) avoit envoyé des navigateurs qui descendirent ce fleuve, et allèrent jusqu'à la mer Rouge. Comment donc les Grecs furent-ils les premiers qui firent par le midi le commerce des Indes? Comment les Perses ne l'avoient-ils pas fait auparavant? Que leur servoient des mers. qui étoient si proches d'eux, des mers qui baignoient leur empire? Il est vrai qu'Alexandre conquit les Indes mais faut-il conquérir un pays pour y négocier ? J'examinerai ceci.

L'Ariane (3), qui s'étendoit depuis le golfe Persique jusqu'à l'Indus, et de la mer du midi jusqu'aux montagnes des Paropamisades, dépendoit bien en quelque façon de l'empire des Perses: mais, dans sa partie méridionale elle étoit aride, brûlée, inculte et barbare. La

(1) Strabon, liv. XV.

(2) Hérodote, in Melpomene. (3) Strabon, liv, XV.

tradition (1) portoit que les armées de Sémiramis et de Cyrus avoient péri dans ces déserts; et Alexandre, qui se fit suivre par sa flotte, ne laissa pas d'y perdre une grande partie de son armée. Les Perses laissoient toute la côte au pouvoir des Icthyophages (2), des Orittes et autres peuples barbares. D'ailleurs les Perses (3) n'étoient pas navigateurs, et leur religion même leur ôtoit toute idée de commerce maritime. La navigation que Darius fit faire sur l'Indus et la mer des Indes, fut plutôt une fantaisie d'un prince qui veut montrer sa puissance, que le projet réglé d'un monarque qui veut l'employer. Elle n'eut de suite, ni pour le commerce, ni pour la marine; et si l'on sortit de l'ignorance, ce fut pour y retomber.

Il y a plus: il étoit reçu (4), avant l'expédition d'Alexandre, que la partie méridionale des Indes étoit inhabitable (5): ce qui suivoit de la tradition que Sémiramis (6) n'en avoit ramené que vingt hommes, et Cyrus que sept.

(1) Ibid.

(2) Pline, liv. VI, chap. XXIII; Strabon, liv. XV.

(3) Pour ne point souiller les élémens, ils ne navigeoient pas sur les fleuves. M. Hylde, religion des Perses. Encore aujourd'hui ils n'ont point de commerce maritime, et ils traitent d'athées ceux qui vont sur mer. (4) Strabon, liv. XV.

(5) Hérodote, in Melpomene, dit que Darius conquit les Indes. Cela ne peut être entendu que de l'Ariane: encore ne fut-ce qu'une conquête en idée.

4

Alexandre entra par lé nord. Son dessein étoit de marcher vers l'orient: mais, ayant trouvé la partie du midi pleine de grandes nations, de villes et de rivières, il en tenta la conquête, et la fit.

Pour lors, il forma le dessein d'unir les Indes avec l'occident par un commerce maritime, comme il les avoit unies par des colonies qu'il avoit établies dans les terres.

Il fit construire une flotte sur l'Hydaspe, descendit cette rivière, entra dans l'Indus, et navigea jusqu'à son embouchure. Il laissa son armée et sa flotte à Patale, alla lui-même avec quelques vaisseaux reconnoître la mer, marqua les lieux où il voulut que l'on construisît des ports, des havres, des arsenaux. De retour à Patale, il se sépara de sa flotte, et prit la route de terre, pour lui donner du secours, et en recevoir. La flotte suivit la côte depuis l'embouchure de l'Indus, le long du rivage des pays des Orittes, des Icthyophages, de la Caramanie et de la Perse. Il fit creuser des puits, bâtir des villes; il défendit aux Icthyophages (*) de

(*) Ceci ne sauroit s'entendre de tous les icthyophages, qui habitoient une côte de dix mille stades. Comment Alexandre auroit-il pu leur donner la subsistance? Comment se seroit-il fait obéir? Il ne peut être ici question que de quelques peuples particuliers. Néarque, dans le livre rerum indicarum, dit qu'à l'extrémité de cette côte, du côté de la Perse, il avoit trouvé les peuples moins icthyophages. Je croirois que l'ordre d'Alexandre regardoit cette contrée, ou quelque autre encore plus voisine de la Perse.

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