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CHAPITRE XI I I.

Ce qui détruit cette liberté.

LA où il y a du commerce, il y a des douanes. L'objet du commerce est l'exportation et l'importation des marchandises en faveur de l'état; et l'objet des douanes est un certain droit sur cette même exportation et importation, aussi. en faveur de l'état. Il faut donc que l'état soit neutre entre sa douane et son commerce, et qu'il fasse ensorte que ces deux choses ne se croisent point, et alors on y jouit de la liberté du commerce.

La finance détruit le commerce par sés injus tices, par ses vexations, par l'excès de ce qu'elle impose mais elle le détruit encore indépendamment de cela par les difficultés qu'elle fait naître, et les formalités qu'elle exige. En Angleterre, où les douanes sont en régie, il y a une facilité de négocier singulière : un mot d'écriture fait les plus grandes affaires; il ne faut point que le marchand perde un temps infini et qu'il ait des commis exprès, pour faire cesser toutes les difficultés des fermiers, ou pour s'y soumettre.

CHAPITRE X I V.

Des loix de commerce qui emportentl a confiscation des marchandises.

LA grande chartre des Anglois défend de saisir

et de confisquer, en cas de guerre, les marchandises des négocians étrangers, à moins que ce ne soit par réprésailles. Il est beau que la nation Angloise ait fait de cela un des articles de sa liberté.

Dans la guerre que l'Espagne eut contre les Anglois en 1740, elle fit une (*) loi qui punissoit de mort ceux qui introduiroient dans les états d'Espagne des marchandises d'Angleterre ; elle infligeoit la même peine à ceux qui porteroient dans les états d'Angleterre des marchandises d'Espagne. Une ordonnance pareille ne peut, je crois, trouver de modèle que dans les loix du Japon. Elle choque nos mœurs, l'esprit de commerce et l'harmonie qui doit être dans la proportion des peines; elle confond toutes les idées, faisant un crime d'état de ce qui n'est qu'une violation de police.

(*) Publiée à Cadix au mois de mars 1740.

CHAPITRE X V.

De la contrainte par corps.

SOLON (1) ordonna à Athènes qu'on n'obligeroit plus le corps pour dettes civiles. Il tira (2) cette loi d'Egypte; Boccoris l'avoit faite, et Sésostris l'avoit renouvellée.

Cette loi est très-bonne pour les affaires (3). civiles ordinaires; mais nous avons raison de ne point l'observer dans celles du commerce. Car les négocians étant obligés de confier de grandes sommes pour des temps souvent fort courts, de les donner et de les reprendre, il faut que le débiteur remplisse toujours, au temps fixé, ses engagemens; ce qui suppose la contrainte par corps.

Dans les affaires qui dérivent des contrats civils ordinaires, la loi ne doit point donner la contrainte par corps, parce qu'elle fait plus de cas de la liberté d'un citoyen, que de l'aisance d'un autre. Mais, dans les conventions qui dérivent du commerce, la loi doit faire

(1) Plutarque, au traité, qu'il ne faut point emprunter

à usure.

(2) Diodore, liv. I, part. II, chap. III.

(3) Les législateurs grecs étoient blâmables, qui avoient défendu de prendre en gage les armes et la charrue d'un homme, et permettoient de prendre l'homme même. Diodore, liv. I, part. II, chap. III.

plus de cas de l'aisance publique, que de la liberté d'un citoyen; ce qui n'empêche pas les restrictions et les limitations que peuvent demander l'humanité et la bonne police.

CHAPITRE XV I.

Belle loi.

LA loi de Genève qui exclut des magistratures, et même de l'entrée dans le grand conseil, les enfans de ceux qui ont vécu ou qui sont morts insolvables, à moins qu'ils n'acquittent les dettes de leur père, est très-bonne. Elle a cet effet, qu'elle donne de la confiance pour les négocians; elle en donne pour les magistrats; elle en donne pour la cité même. La foi particulière y a encore la force de la foi publique.

CHAPITRE XVI I.

Loi de Rhodes.

LES Rhodiens allèrent plus loin. Sextus Empiricus (*) dit que, chez eux, un fils ne pouvoit se dispenser de payer les dettes de son père, en renonçant à sa succession. La loi de Rhodes

étoit donnée à une république fondée sur le commerce: or, je crois que la raison du commerce même y devoit mettre cette limitation, que les dettes contractées par le père depuis que le fils avoit commencé à faire le commerce, n'affecteroient point les biens acquis par celuici. Un négociant doit toujours connoître ses obligations, et se conduire à chaque instant suivant l'état de sa fortune.

CHAPITRE XVI I I.

Des juges pour le commerce. XENOPHON, au livre des revenus, voudroit qu'on donnât des récompenses à ceux des préfets du commerce qui expédient le plus vîte les procès. Il sentoit le besoin de notre jurisdiction consulaire.

Les affaires du commerce sont très-peu susceptibles de formalités. Ce sont des actions. de chaque jour, que d'autres de même nature doivent suivre chaque jour. Il faut donc qu'elles puissent être décidées chaque jour. Il en est autrement des actions de la vie qui influent beaucoup sur l'avenir, mais qui arrivent rarement. On ne se marie guère qu'une fois; on ne fait pas tous les jours des donations ou des testamens; on n'est majeur qu'une fois.

Platon (*) dit que dans une ville où il n'y a

(*) Des loix, liv. VIII.

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