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OUVRAGES DU MÊME AUTEUR :

LA MÉTAPHYSIQUE D'ARISTOTE, traduite en français pour la prcmière fois, accompagnée d'une Introduction, etc., par A. Pierron et C. Zévort, 2 vol. in-8°, 1840; traduction couronnée par l'Académie française.

THÉATRE D'ESCHYLE, traduction nouvelle, etc., 1 vol. in-12, 1841 — 4o édition, 1851; traduction couronnée par l'Académie française. OEUVRES DE L'EMPEREUR MARC-AURÈLE, traduction nouvelle, etc., 1 vol. in-12, 1843; traduction couronnée par l'Académie française. VIES DES HOMMES ILLUSTRES DE PLUTARQUE, traduction nouvelle, etc., 4 vol. in-12, 1843-1845, 2e édition, 1853.

HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE GRECQUE, 1 vol. in-12, 1850.
HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE ROMAINE, 1 vol. in-12, 1852.

LENOX LIBRARY

NEW YORK

BUCOLIQUES

Vie de Virgile.

VIRGILE ET LES BUCOLIQUES

Virgile jugé par les anciens. -Premiers essais poétiques
Comparaison de Virgile et de Théocrite.

de Virgile. —Les Églogues.

- Style des Églogues.

VIE DE VIRGILE.

Publius Virgilius Maro naquit près de Mantoue, au village d'Andes, le 15 octobre de l'an 70 avant notre ère. On a la date très-exacte en style romain, c'est le jour des ides d'octobre de l'an 684 de Rome, et sous le consulat de Pompée et de Crassus. La famille de Virgile n'était ni noble ni riche: elle n'était du moins pas dénuée des ressources nécessaires; et les études du jeune homme furent aussi complètes que s'il eût été fils d'un chevalier ou même d'un consul. Il passa d'abord quelques années dans les écoles de Crémone. A dix-sept ans, il se rendit à Milan, où il prit la robe virile. C'est à Naples qu'il se perfectionna dans les lettres grecques et dans la philosophie. Il ne négligea presque aucune des sciences alors connues : il possédait à fond, disent ses biographes, les mathématiques, la médecine, l'art vétérinaire.

Il débuta dans la poésie par quelques petites pièces de genres divers, qui lui firent tout d'abord une réputation. Il fut dépouillé de son patrimoine, après la bataille de Philippes, quand Octave distribua à ses vétérans les terres de Crémone et de Mantoue. Il vint à Rome faire ses réclamations.

Le poëte Varius le recommanda à Mécène, et Mécène à Auguste. Ses biens lui furent rendus. Depuis ce temps, il passa sa vie tantôt à Andes, tantôt à Rome, tantôt à Naples, presque uniquement appliqué aux choses de l'esprit, et n'aspirant ni à la fortune ni aux honneurs. Les Bucoliques le mirent, de prime abord, à un rang très-élevé parmi les poëtes latins. Les Géorgiques, qu'il écrivit ensuite, l'égalèrent aux plus grands poëtes de la Grèce même. Il entreprit bientôt l'Eneide, à la prière d'Auguste. Il y travailla plus de douze ans; mais il ne vécut point assez pour y mettre la dernière main. Quelque temps avant sa mort, il était allé visiter la Grèce, et il avait parcouru les pays où il fait voyager le héros de son épopée. C'est dans ce voyage qu'il contracta la maladie dont il mourut à peine arrivé en Italie, à Brindes, selon les uns, et à Tarente, selon d'autres. C'était le 10 des calendes d'octobre de l'an de Rome 736, c'est-àdire le 21 septembre de l'an 18 avant notre ère. Il était âgé de cinquante-deux ans.

Virgile était d'une complexion délicate, et sa sobriété était extrême. On vante la pureté de ses mœurs, sa modestie, sa bonté, son désintéressement. On croit que c'est de lui que parle Horace, dans les vers où il nous peint un de ses amis, le meilleur de tous les hommes, mais de tournure vulgaire, gauche dans sa démarche, la chevelure en désordre, mal drapé dans sa toge, négligé dans sa chaussure. Sa conversation n'avait rien de remarquable, et ne se sentait nullement de la supériorité de son esprit. Il avait, comme notre Corneille, l'élocution pénible et embarrassée, nonseulement sans élégance, mais sans ces éclairs qui illuminent d'ordinaire la parole des hommes de génie. On conte qu'il n'essaya qu'une fois en sa vie de parler devant un tribunal, et que son unique plaidoyer n'eut qu'un fort médiocre succès. Il composait difficilement. Voici, dit-on, comment il s'y prenait. Il dictait le matin un grand nombre de vers, et il employait tout le reste de la journée à les corriger, à les réduire, à en faire quatre ou cinq qui le satis

fissent; imitant, selon l'expression qu'on lui prête, l'ourse qui lèche ses petits naissants et leur donne la forme. On conviendra qu'un tel procédé était plus singulier que commode, surtout que fructueux. Mais Virgile était bien en droit d'avoir ses petites bizarreries.

VIRGILE JUGÉ PAR LES ANCIENS.

La postérité n'avait pas encore commencé pour Virgile, que Rome savait déjà qu'elle possédait le plus grand de ses poëtes: << Faites place, écrivains de Rome, faites place, écrivains de la Grèce, il naît je ne sais quoi plus grand que l'Iliade. » Nous rabattrons ce qu'il y a d'exagéré dans cet éloge de Virgile par Properce: nous signalons seulement l'admiration d'un contemporain. Ovide disait, non sans raison, que les ouvrages de Virgile comptaient parmi les plus beaux titres de la gloire romaine. Silius Italicus célébrait comme une fête le jour de la naissance de Virgile; et il allait déposer des couronnes sur le tombeau qu'on voit encore non loin de la grotte de Pausilippe. Les ides d'octobre, selon Martial, étaient consacrées par la naissance de Virgile, comme d'autres jours par la naissance de quelque dieu. Stace terminait la Thébaïde en disant à son épopée : « Ne tente point d'atteindre la divine Énéide; mais suis-la de loin, et adore toujours ses traces. » Quintilien parle dignement de Virgile: «Comme Homère chez les Grecs, dit-il, de même chez nous Virgile doit figurer en tête, et à ces titres vraiment sacrés. C'est, de tous les poëtes de ce genre [épopée], grecs ou romains, celui qui se rapproche, sans contredit, le plus d'Homère. Je rapporterai ici les propres termes que, dans ma jeunesse, j'ai recueillis de la bouche d'Afer Domitius. Je lui demandais quel poëte, selon lui, était le plus voisin d'Homère. Virgile, me répondit-il, est le second, mais plus proche du premier rang que du troisième. Et, en effet, si notre poëte le cède à cette nature céleste et immortelle, du moins il y a chez lui plus de soin et de diligence, ne fût-ce que parce qu'il

lui a fallu travailler davantage; et toute la supériorité qu'a son rival du côté des qualités sublimes, peut-être Virgile la compense-t-il par l'égalité de sa perfection. >>

PREMIERS ESSAIS POÉTIQUES DE VIRGILE.

Les débuts poétiques de Virgile annonçaient un talent déjà distingué, sinon le futur auteur des Géorgiques et de l'Énéide. Nous possédons encore quelques-unes des petites pièces qui commencèrent la réputation du poëte. La collection intitulée Catalectes est, comme l'indique ce titre grec, un choix fait après coup parmi les épigrammes et les autres bluettes qu'on attribuait à Virgile, et dont la plupart avaient été, dit-on, les tâtonnements plus ou moins heureux par quoi il s'était d'abord essayé à rivaliser avec les maîtres. Il n'y a rien, dans ce recueil, qui soit beaucoup au-dessus du médiocre; et il est bien possible que d'autres que Virgile aient à revendiquer la paternité de bon nombre d'entre ces vers. Mais on place, à côté des Catalectes, des morceaux plus considérables, et d'un ordre plus élevé, qui portent un caractère d'authenticité assez manifeste. Le Moucheron, par exemple, pourrait bien être ce poëme demi-bucolique que tous les anciens citent comme une des premières productions de Virgile. Ce n'est pas un chef-d'œuvre : le style en est parfois obscur et la versification traînante. Mais il y a du sentiment, et quelque chose déjà des grâces naïves que les Muses, suivant Horace, avaient accordées en don à Virgile. On y trouve aussi les premiers linéaments de ce qui devait être plus tard l'incomparable tableau de la mort d'Eurydice et de la douleur d'Orphée. Je dois dire seulement que d'excellents critiques pensent que le poëme a été gâté par des remaniements et des interpolations, et qu'il n'était pas sorti des mains de Virgile tel que nous l'avons aujourd'hui. L'Aigrette, la Cabaretière, le Moretum semblent dignes de Virgile. Le premier de ces trois petits poëmes n'est qu'un récit mythologique bien versifié; mais le second et le troi

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