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des règles et des principes à cette disposition naturelle, qui les porte à s'aimer les uns les autres; il n'oublia rien pour leur apprendre qu'il n'y a de véritable amitié que celle, qui n'a pour fin que l'amitié même, et pour convenance que la vertu. Il examina avec une attention réfléchie l'objet et la nature de l'amitié, les qualités propres à la former, les précautions que nous devons prendre avant de nous y engager, et les devoirs qu'elle nous impose,

Mais si la vertu lui parut la source la plus pure de l'amitié, il la regarda aussi comme le seul chemin qui peut conduire à la gloire; il essaya même de nous en tracer quelques préceptes. Pouvoit-il plus dignement remplir les vues de notre illustre fondateur! car si la seule ambition convenable aux grands hommes est de faire des actions dignes d'être écrites, la nôtre est d'écrire des choses dignes d'être lues.

Justesse de pensées, solidité de raison pour les soutenir, style simple et naturel pour les exprimer : voilà en peu de mots notre étude, notre science et notre gloire. Plus nous nous défions de nos connoissances, plus nous en acquérons; plus nous

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cherchons à mériter des louanges, moins nous en demandons; plus nous avons de discernement pour distinguer le beau du médiocre, et le parfait de ce qui ne l'est pas, plus notre critique doit être douce, et notre approbation mesurée. Ainsi, pour être académicien, ne croyez pas, MONSIEur, n'avoir d'autre fonction que de juger ce que les autres font; et ne craignez point d'être obligé de louer ce qui ne sera pas digne de l'être; assidu à nos exercices, vous en serez bientôt persuadé, et vous travaillerez vous-même avec nous à faire connoître l'utilité de l'établissement de l'académie.

Notre jeune roi s'en est déclaré le protecteur; venez nous aider à lui en marquer une respectueuse reconnoissance, et à célébrer sa piété, sa douceur, et le juste discernement qu'il a fait paroître en mettant à la tête de ses conseils et de ses ministres le même prélat, à qui son auguste bisaïeul avoit confié le soin de son éducation.

Ce respect pour le choix et la mémoire du plus grand des rois est d'autant plus louable, que ce cardinal, également judicieux et actif, pénètre avec facilité le

fond des affaires les plus importantes, en démêle toutes les circonstances, en prévoit toutes les suites, et prend les moyens les plus sages et les plus doux pour les concilier. Sans ambition, sans faste, et maître de lui-même, il ne forme que des desseins glorieux à son prince et utiles à sa patrie. Tous ses soins n'ont pour objet que d'assurer par une paix durable le repos et la tranquillité de l'Europe. Nous en recueillerons les fruits les plus précieux par le rétablissement entier de notre commerce, et par de nouveaux soulagemens.

Grand Dieu! qui tenez dans vos mains le sort des rois et des peuples, nous n'aurons plus rien à souhaiter, quand vous aurez accordé à des sujets fidèles un dauphin, qui soit un jour, pour la gloire et la félicité de ce royaume, le digne héritier des qualités vraiment royales du plus aimable des rois, et de la plus vertueuse des reines.

SUR CETTE NOUVELLE ÉDITION.

LE livre de l'Esprit des Loix a enfin franchitous les obstacles que l'envie et la superstition avoient entrepris de lui opposer: toute l'Europe retentit des justes louanges dues à cet ouvrage immortel; il est, pour les nations éclairées, un motif de jalousie contre la France qui a eu le bonheur de voir naître M. de Montesquieu dans son sein, et de l'y conserver jusqu'au fatal instant où la terre a perdu ce grand homme. Par-tout, son livre est cité avec vénération; et si un auteur croit devoir, en quelque circonstance particuliere, penser autrement que cet illustre écrivain, il le fait avec une réserve respectueuse: il demande, pour ainsi dire, pardon de ce qu'il ose trouver une faute dans un livre que le genre humain a choisi pour y puiser ses instructions sur la saine politique.

Ce n'est point un aveugle enthousiasme qui produit des louanges si générales et si unanimes; elles sont le juste tribut de la reconnoissance que l'univers doit à cet illustre auteur. C'est lui qui nous a éclairés sur les vrais principes du droit public : c'est à son flambeau que se sont éclipsés les ouvrages les plus renommés sur cette matiere: c'est avec le secours de sa lumière que nous avons enfin substitué la raison et la vérité aux systêmes

fondés sur les préjugés qui s'étoient transmis d'âge en âge, et que de célèbres écrivains n'avoient fait que recueillir, développer et appuyer par de nouveaux sophismes. Le livre de l'Esprit des Loix fait une époque à jamais mémorable dans l'histoire des connoissances humaines.

M. de Montefquieu jouit, dès son vivant, des éloges des plus grands hommes de l'Europe; et il s'est procuré lui-même, par la Défense de l'Esprit des Loix, le triomphe le plus complet sur ces auteurs obscurs d'ouvrages éphémères qui avoient osé s'attacher à lui, comme ces vils insectes qui nous importunent, et qu'on écrase sans effort.

Tout étoit resté dans le silence; l'envie n'osa plus se remontrer; elle craignit de nouveaux coups. La mort lui enleva enfin un adversaire si redoutable. Quand elle crut n'avoir plus rien à craindre, elle emprunta, pour reparoître la plume de M. Crévier, professeur en l'université de Paris.

Cet écrivain, dans ses Observations sur le livre de l'Esprit des Loix, s'est efforcé de décrier, par tous les moyens possibles, un ouvrage qu'il n'entendoit pas, puisqu'il ne le trouvoit blâmable que par quelques détails. Il a consacré une grande partie de son libelle à chercher des inexactitudes, soit dans les faits historiques cités ou rapportés par M. de Montesquieu, soit dans l'interprétation de quelques textes des anciens écrivains. M. Crévier

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