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LETTRES.

1. A M. L'ABBÉ D'OLIVET.

Je vous écris, monsieur mon cher et illustre abbe et je voudrais fort que ce fût un moyen de me coa server votre amitié,'que je conserverai toute ma ve autant qu'il me sera possible, parce qu'elle est pos moi d'un prix infini. Je suis assez content du séjour de Vienne les connaissances y sont très-aisées a faire, les grands seigneurs et les ministres trèsaccessibles: la cour y est mêlée avec la ville; le Lotbre des étrangers y est si grand, qu'on y est en même temps étranger et citoyen; notre langue yest si universelle qu'elle y est presque la seule chez les honnêtes gens, et l'italien y est presque inutile. Je suis persuadé que le français gagnera tous les jours dans les pays étrangers. La communication des peuples y est si grande qu'ils ont absolument besoin d'une langue commune, et on choisira toujours notre français; il serait aisé de deviner, si on interceptait cette lettre, que c'est un académicien qui parle à un académicien.

M. de Richelieu est parti d'ici adoré des femmes, et très-estimé des gens sensés. Les deux plus grands hommes de lettres qu'il y ait à Vienne sont le prince Eugène et le général Stahremberg. Si vous pouvez m'envoyer deux exemplaires des Conseils de madame de Lambert, et deux autres des Éloges du czar et de M. Newton, vous me ferez plaisir. Je voudrais leur faire voir ces ouvrages, et je serais bien aise de leur donner bonne opinion de notre France. Il faudra les remettre à M. Robinson, qui aura, jespère, la bonté de les envoyer par le premier courrer d'Angleterre à Vienne.

Je vous demande pardon si je vous prie de faire pour moi cette petite avance; mais vous aurez pect être besoin que j'en fasse pour vous, et que je vous achète quelque chose en Allemagne et en Italie. Vous ne sauriez croire dans quelle vénération M.: cardinal' est dans le pays étranger. Agréez, de plus, que je vous demande une grâce. Il y a quelques jours que j'écrivais à M. le cardinal et à M. de Chauvelin, que je serais bien aise d'être employe dans les cours étrangères, et que j'avais beaucoup travaillé pour m'en rendre capable. Vous me ferie: bien plaisir de voir là-dessus M. de Chauvelin, de tâcher de pénétrer dans quels sentiments il est à mon égard. Je n'ai jamais eu occasion de le connaître pendant qu'il a été particulier, et, depuis, je

1 André-Hercule de Fleury.

n'ai pas voulu lui donner assez mauvaise opinion de moi, pour qu'il pût croire que je cherchais la fortune. Cependant, je voudrais savoir si je suis in sujet agréable, ou si je dois m'ôter cette idée de a tête, ce qui sera bientôt fait. Les raisons pour qu'on jette les yeux sur moi, sont que je ne suis pas lus bête qu'un autre; que j'ai ma fortune faite, et que je travaille pour l'honneur, et non pas pour ivre; que je suis assez sociable et assez curieux pour tre instruit dans quelque pays que j'aille. Adieu, non cher abbé; je suis plus à vous qu'à moi-même. A Vienne, ce 10 mai 1728.

Je crois que ceci doit être secret.

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J'eus l'honneur de vous écrire par le courrier assé, mon révérend père; je vous écris encore par lui-ci. Je prends du plaisir à faire tout ce qui ut vous rappeler une amitié qui m'est si chère. ajoute à ce que je vous mandais sur l'affaire...... e, si monseigneur Fouquet exige au delà de la mme que j'ai paru vous fixer, vous pouvez vous endre et donner plus, et faire, par rapport aux utres conditions, tout ce qui ne sera pas visibleent déraisonnable. Je connais ici le chevalier ambert, banquier fameux, qui m'a dit être en orrespondance avec Belloni. Je ferai remettre sur-champ par lui l'argent dont vous serez convenu; ar il me paraît que les volontés de M. Fouquet sont i ambulatoires 3, qu'il ne vaut pas la peine de rien ire avant qu'elles soient fixées.

Je suis ici dans un pays qui ne ressemble guère u reste de l'Europe. Nous n'avons pas encore su le ontenu du traité d'Espagne : on croit simplement

1 Montesquieu s'était lié avec lui dans la maison de M. le ardinal de Polignac, ambassadeur de France à Rome, lors e son voyage en Italie. M. Cerati, né d'une famille noble de 'arme, était fort aimé du cardinal, qui le regardait comme in des hommes les plus éclairés d'Italie. Jean Gaston, dernier rand-duc de Toscane, l'attira auprès de lui, et le nomma de 'ordre de Saint-Etienne de Toscane, et provéditeur de l'uniersité de Pise.

2 Jésuite revenu de la Chine avec M. Mezzabarba. Ce misionnaire s'était déclaré contre les rites chinois, et en avait arlé au pape selon sa conscience. Comme, après cette déclaation, il fit sentir à Sa Sainteté que l'air du collège ne lui conenait plus, Benoit XIII le fit évéque in partibus, et le logea n Propaganda. Montesquieu l'avait connu chez le cardial de Polignac, et eut depuis avec lui une négociation pour la résignation en faveur de l'abbé Duval, son secrétaire, d'un benétice que ce prélat avait en Bretagne.

Les difficultés que M. Fouquet faisait naitre coup sur coup, au sujet de la pension ou de la somme d'argent qui devait étre stipulée, faisaient dire à Montesquieu que l'on voyait bien que monseigneur n'avait pas encore secoué la poussière.

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qu'il ne change rien à la quadruple alliance, si ce n'est que les six mille hommes qui iront en Italie pour faire leur cour à don Carlos seront Espagnols, et non pas neutres. Il court ici tous les jours, comme vous savez, toutes sortes de papiers très-libres et très-indiscrets. Il y en avait un, il y a deux ou trois semaines, dont j'ai été très en colère. Il disait que M. le cardinal de Rohan avait fait venir d'Allemagne avec grand soin, pour l'usage de ses diocésains, une machine tellement faite, que l'on pouvait jouer aux dés, les mêler, les pousser, sans qu'ils reçussent aucune impression de la main du joueur, lequel pouvait auparavant, par un art illicite, flatter ou brusquer les dés selon l'occasion: ce qui établissait la friponnerie dans des choses qui ne sont établies que pour récréer l'esprit. Je vous avoue qu'il faut être bien hérétique et janséniste pour faire de ces mauvaises plaisanteries-là. S'il s'imprime dans l'Italie quelque ouvrage qui mérite d'être lu, je vous prie de me le faire savoir. J'ai l'honneur d'être avec toute sorte de tendresse et d'amitié.

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Père Cerati, vous êtes mon bienfaiteur; vous êtes comme Orphée : vous faites suivre les rochers. Je mande à l'abbé Duval que je n'entends pas qu'il abuse de l'honnêteté de M. Fouquet, mais qu'il pour suive, et que ce qui reviendra soit partagé à l'amiable entre monseigneur et lui.

Enfin Rome est délivrée de la basse tyrannie de Bénévent, et les rênes du pontificat ne sont plus tenues par ces viles mains. Tous ces faquins, SainteMarie à leur tête, sont retournés, dans les chaumières où ils sont nés, entretenir leurs parents de leur ancienne insolence. Coscia n'aura plus pour lui que son argent et sa goutte. On pendra tous les Bénéventins qui ont volé, afin que la prophétie s'accomplisse sur Bénévent: Vox in Rama audita est; Rachel plorans filios suos noluit consolari, quia non sunt. (MATT. II, 18.)

Ce qui avait donné lieu à cette mauvaise plaisanterie des Anglais était de voir autant d'empressement dans le cardinal de Rohan à se procurer tous les amusements imaginables pendant qu'il résidait dans son diocèse à Saverne, ou il figurait comme prince, que de zèle pour la religion à Paris, ou il se piquait de figurer comme chef des antijansénistes et défenseur de la bonne doctrine.

2 Il avait été secrétaire de Montesquieu. Ce fut lui qui porta le manuscrit des Lettres Persanes en Hollande, et l'y fit imprimer; ce qui coûta à leur auteur beaucoup de frais sans aucun profit. Il obtint en sa faveur la resignation du bénéfice que M. Fouquet avait obtenu de la cour de Rome, en Bretagne; et il s'agissait ici de l'argent ou de la pension que M. Duval devait payer à ce prélat.

Donnez-nous un pape qui ait un glaive comme saint Paul, non pas un rosaire comme saint Dominique, ou une besace comme saint François. Sortez de votre lethargie : Exoriare aliquis. N'avez-vous point de honte de nous montrer cette vieille chaire de saint Pierre avec le dos rompu, et pleine de vermoulure? Voulez-vous qu'on regarde votre coffre, où sont tant de richesses spirituelles, comme une boîte d'orviétan ou de mithridate? En vérité, vous faites un bel usage de votre infaillibilité : vous vous en servez pour prouver que le livre de Quesnel ne vaut rien, et vous ne vous en servez pas pour décider que les prétentions de l'empereur sur Parme et Plaisance sont mauvaises. Votre triple couronne ressemble à cette couronne de laurier que mettait César, pour empêcher qu'on ne vît qu'il était chauve. Mes adorations à M. le cardinal de Polignac. Je fus reçu il y a trois jours membre de la société royale de Londres. On y parla d'une lettre de M. Thomas Dhisam à son frère, qui demandait le sentiment de la société sur les découvertes astromoniques de M. Bianchini.sire de voir de nouvelles places créées. Les affaire Embrassez, s'il vous plaît, de ma part, l'abbé, le cher abbé Niccolini. Je vous salue, cher père, de tout

l'honneur de m'écrire, avec beaucoup plus de jo
que je n'aurais cru, parce que je ne savais pas qu
M. l'abbé de Clérac, que j'honorais déjà beaucou
fut le frere de M. le chevalier Venuti1 avec qui j'a
le plaisir de contracter amitié a Florence, et quir
procuré l'honneur d'une place dans l'académie
Cortone. Je vous supplie, monsieur, d'avoir p
moi les mêmes bontés qu'a eues monsieur veri
frère. M. Campagne m'a écrit le beau present
vous lui avez remis pour moi, dont je vous suis-
finiment obligé. M. Baritaut m'avait déjà fait à
une partie de cet ouvrage; et ce qui m'a touc
dans vos dissertations, c'est qu'on y voit un savin
qui a de l'esprit : ce qui ne se trouve pas toujees.

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à

J'oubliai d'avoir l'honneur de vous dire, monsieur, que si le sieur Preau2, dans l'édition de ce petit roman 3, allait mettre quelque chose qui, directement ou indirectement, pût faire penser que j'en suis l'auteur, il me désobligerait beaucoup. Je suis, l'égard des ouvrages qu'on m'a attribués, comme la Fontaine-Martel 4 était pour les ridicules; on me les donne, mais je ne les prends point. Mille excuses, monsieur, et faites-moi l'honneur de me croire, monsieur, plus que je ne saurais vous dire, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

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Vous êtes cause, monsieur, que l'académie v Bordeaux me presse l'épée dans les reins pou tenir un arrêt du conseil pour la création de ve associés au lieu de vingt élèves. L'envie qu'elle a de vous avoir, et la difficulté d'autre part que tace les places d'associés sont remplies, fait qu'elle de

de M. le cardinal de Polignac et d'autres font que cet arrêté n'est pas encore obtenu. J'écris à Las messieurs que cela ne doit pas empêcher; et q vous méritez, si la porte est fermée, que l'on fasse une brèche pour vous faire entrer. J'espère, nonsieur, que l'année prochaine, si je vais en province. j'aurai l'honneur de vous voir à Clérac, et de vous inviter à venir à Bordeaux. Je chérirai tout ce qui pourra faire et augmenter notre connaissance. Personne n'est au monde plus que moi et avec plus de respect, etc.

P. S. Quand vous écrirez à M. le chevalier Ve nuti, ayez la bonté, monsieur, de lui dire me choses de ma part; ses belles qualités me sont encore présentes.

De Paris, le 17 mars 1739.

féra à ce chapitre après son absolution. Pendant son sejour en France, il travailla à plusieurs dissertations sur l'histara du pays pour l'académie de Bordeaux, à laquelle il fut agrees, et à des poésies; entre autres, au Triomphe de la Franc littéraire, et à la traduction du poème de la Religion, de L cine. Il mérita par là une gratification du roi en quittant à France pour passer à la prévôté de Livourne, que l'empercar lui confera, comme grand-duc de Toscane.

Il fut le premier qui nous donna une relation de la couverte d'Herculanum, avec un détail des antiquités qu avait trouvées de son temps. Il a eu aussi la plus grande par à l'établissement de l'académie étrusque de Cortone, qu publié sept volumes in-4° d'excellents mémoires sur des jets d'histoire et d'antiquité.

2 Dans la première édition de ces lettres, on lit toujo Bourdeaux. Il est probable que Montesquieu l'écrivait as

1

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J'ai reçu, cher et illustre abbé1, avec une vétable joie la lettre que vous m'avez fait l'honeur de m'écrire. Vous êtes un de ces hommes que on n'oublie point, et qui frappez une cervelle de otre souvenir. Mon cœur, mon esprit, sont tout vous, mon cher abbé.

2

Vous m'apprenez deux choses bien agréables: ine, que nous verrons monseigneur Cerati en rance; l'autre, que madame la marquise Ferroni se uvient encore de moi. Je vous prie de cimenter près de l'un et de l'autre cette amitié que je vouais tant mériter. Une des choses dont je prétends e vanter, c'est que moi, habitant d'au delà des pes, aie été aussi enchanté d'elle que vous tous. Je suis à Bordeaux depuis un mois, et j'y dois ster trois ou quatre mois encore. Je serais inconsoole si cela me faisait perdre le plaisir de voir le er Cerati. Si cela était, je prétendrais bien qu'il at me voir à Bordeaux. Il verrait son ami : mais verrait mieux la France, où il n'y a que Paris et 3 provinces éloignées qui soient quelque chose, rce que Paris n'a pas pu encore les dévorer. Il rait les deux côtés du carré au lieu de faire la diaonale, et verrait les belles provinces qui sont voines de l'Océan, et celles qui le sont de la Médirranée.

Que dites-vous des Anglais ? voyez comme ils courent toutes les mers. C'est une grande baleine : t latum sub pectore possidet æquor. La reine 'Espagne a appris à l'Europe un grand secret: c'est ue les Indes, qu'on croyait attachées à l'Espagne ar cent mille chaînes, ne tiennent qu'à un fil. Adieu, on eher et illustre abbé; accordez-moi les sentinents que j'ai pour vous. Je suis avec toute sorte e respect.

De Bordeaux, le 6 mars 1740.

L'abbé Niccolini, un des plus illustres amis que l'auteur it eus en Italie, se lia avec lui à Florence. Après avoir deneuré longtemps à Rome sous le pontificat du pape Corsini, lont il était parent, il s'est retiré dans sa patrie, uniquement ccupé des lettres, de la philosophie, et des vues du bien ublic. Il a voyagé dans les pays étrangers, et y a été lié ivec les plus grands hommes. Lorsque, sous le ministère lorrain, dont il était médiocre admirateur, il eut ordre de ne point rentrer en Toscane, Montesquieu s'écria, en apprenant cette nouvelle : « Oh! il faut que mon ami Niccolini ait dit quelque grande vérité. »

2 C'était la dame de Florence qui brillait le plus par son esprit et sa beauté; la meilleure compagnie s'assemblait chez elle. Montesquieu lui fut fort attaché pendant son séjour à Florence.

A Mgr CERATI.

A Pise.

J'ai reçu votre lettre bien tard, monseigneur, car elle est datée du 10 janvier, et je ne l'ai reçue que le 5 de mai à Bordeaux, où je suis depuis un mois, et où je resterai trois ou quatre autres. Promettezmoi et jurez-moi que, si je ne suis pas à Paris quand vous y passerez, vous viendrez me voir à Bordeaux, et vous prendrez cette route en retournant en Italie. Je l'ai mandé à Niccolini; il ne s'agit que de faire les deux côtés du parallelogramme, au lieu de la diagonale, et vous verrez la France; au lieu que, si vous traversez par le milieu du royaume, vous ne verrez que Paris, et vous ne verrez pas votre ami. Mais je dis tout cela en cas que je ne sois pas à Paris. Quand vous y serez, je vous en ferai les honneurs, soit que j'y sois ou que je n'y sois pas, et je vous introduirai sur le mont Parnasse. Si vous passez en Angleterre, mandez-le-moi, afin que je vous donne des lettres pour mes amis. Enfin, j'espère que vous voudrez bien m'écrire pendant votre voyage, et me donner des nouvelles de votre marche. Mon adresse est à Bordeaux, ou à Paris, rue Saint-Dominique. Vous allez faire le voyage le plus agréable que l'on puisse faire. A l'égard des finances, si je suis à Paris, je serai votre Mentor. Vous y trouverez à pied une infinité de gens de mérite, et la plupart des carrosses pleins de faquins. M. le cardinal de Polignac a fort bien fait de n'aller pas au conclave, et de laisser cette affaire à d'autres. Il se porte très-bien, et c'est la plus grande de ses affaires. vous le verrez aussi aimable, quoiqu'il ne soit pas à la mode. Adieu, monseigneur ; j'ai et j'aurai pour vous toute ma vie les sentiments du monde les plus tendres: autant que tout le monde vous estime, autant moi je vous aime; et, en quelque lieu du monde que vous soyez, vous serez toujours présent à mon esprit. J'ai l'honneur d'être avec toute sorte de respect et de tendresse, etc.

8. A L'ABBÉ VENUTI.

A Clérac.

Je n'ai que le temps de vous écrire un mot, mon. sieur. Quelques-uns de vos amis m'ont demandé de parler à madame de Tencin sur des lettres que l'on écrit contre vous 1. Comme je ne sais rien de tout

1 A peine l'abbé Venuti eut-il pris l'administration de l'abbaye de Clérac, qu'il s'éleva à Rome un parti contre lui dans le chapitre qui l'avait envoyé. Il n'était pas regardé de bon oil par les missionnaires jésuites, chargés, des le temps de Henri IV, de précher toutes les fêtes et dimanches dans l'é

ou de nouvelles, je vous prie de m'éclaircir sur ce que je dois dire au cardinal qui va arriver, et de croire que personne ne prend plus la liberté de vous aimer, ni d'être avec plus de respect.

De Paris, le 17 avril 1742. 9. A L'ABBÉ DE GUASCO.

ceci, et que j'ignore si ce sont les premières lettres | domestiques le mieux que vous pourrez; et abir donnez à un avenir plus favorable la réparation dtorts du ministère contre votre maison. C'est da vos principes, vos occupations, et votre conduite que vous devez chercher, quant à présent, des mes, des consolations, et des ressources. Le ma quis d'Orméa n'est pas un homme à reculer; et, der. les circonstances où l'on se trouve à votre cour, fera peu d'attention à vos représentations. L'amies sadeur vous salue. Il commence à ouvrir les yeu sur son amie j'y ai un peu contribué, et je m'e félicite, parce qu'elle lui faisait faire mauvaise figure Adieu.

A Turin.

Je suis fort aise, mon cher ami, que la lettre que je vous ai donnée pour notre ambassadeur vous ait procuré quelques agréments à Turin, et un peu dédommagé des duretés 1 du marquis d'Orméa. J'étais bien sûr que monsieur et madame de Senectère se feraient un plaisir de vous connaître, et, dès qu'ils vous connaîtraient, qu'ils vous recevraient à bras ouverts. Je vous charge de leur témoigner combien je suis sensible aux égards qu'ils ont eus à ma recommandation. Je vous félicite du plaisir que vous avez eu de faire le voyage avec M. le comte d'Egmont : il est effectivement de mes amis, et un des seigneurs pour lesquels j'ai le plus d'estime. J'accepte l'appointement de souper chez lui avec vous à son retour de Naples; mais je crains bien que, si la guerre continue, je ne sois forcé d'aller planter des choux à la

Brède. Notre commerce de Guienne sera bientôt aux abois; nos vins nous resteront sur les bras; et vous savez que c'est toute notre richesse. Je prévois que le traité provisionnel de la cour de Turin avec celle de Vienne nous enlèvera le commandeur de Solar; et, en ce cas, je regretterai moins Paris. Dites mille choses pour moi à M. le marquis de Breil. L'humanité lui devra beaucoup pour la bonne éducation qu'il a donnée à M. le duc de Savoie, dont j'entends dire de très-belles choses. J'avoue que je me sens un peu de vanité de voir que je me formai une juste idée de ce grand homme lorsque j'eus l'honneur de le connaître à Vienne. Je voudrais bien que vous fussiez de retour à Paris avant que j'en parte; et je me réserve de vous dire alors le secret du Temple de Gnide. Tâchez d'arranger vos intérêts

glise abbatiale de cette ville, qui, malgré cela, a continué d'être presque entièrement habitée par des protestants, sans qu'on puisse citer d'exemple de la conversion d'un seul huguenot.

Cet ami de Montesquieu avait passé quelques années à Paris. Obligé de retourner à Turin pour ses affaires domestiques, et ayant besoin de l'intervention du ministre, il ne put jamais obtenir audience de M. le marquis d'Orméa, par suite d'une ancienne inimitié de ce ministre contre son père. Après un an de séjour à Turin, il revint à Paris, et se livra uniquement à la culture des lettres et à la société des savants, dans la vue d'obtenir une place à l'Académie royale des inscriptions, où il fut reçu depuis en qualité de membre honoraire étranger.

Il lui avait fait présent de cet ouvrage lorsqu'il prit

De Paris. . . . . 1742

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J'ai été enchanté, monsieur le comte, de recevr une marque de votre souvenir par la lettre que n'i et les autres personnes auxquelles j'ai fait vos envoyée monsieur votre frère. Madame de Tencin1 compliments me chargent de vous témoigner assi

leur sensibilité et leur reconnaissance. Je suis fche de ne pouvoir satisfaire votre curiosité touchant

les ouvrages de notre amie : c'est un secret3 que

j'ai promis de ne point révéler.

congé de lui en partant de Turin, sans lui dire qu'il en etzá l'auteur. Il le lui apprit depuis, en lui disant que c'était une idée à laquelle la société de mademoiselle de Clermont, princesse du sang, qu'il avait l'honneur de fréquenter, avait donne occasion, sans d'autre but que de faire une peinture poétique de la volupté.

Montesquieu s'était fort lié avec le comte de Guasco data

le voyage que celui-ci fit à Paris en 1742, à son retour és

Russie.

2 Madame de Tencin, sœur du célèbre cardinal de Teneis, qui lui devait sa fortune et son chapeau, figura headcomp dans Paris par les charmes de sa beauté et de son esprit. Eat fut pendant cinq ans religieuse dans le couvent de Montfleary, en Dauphiné; mais elle rentra dans le monde, en reclamand contre ses vœux. Elle parvint, sans être jamais fort riche, a avoir dans Paris une maison de la meilleure companie était du bon ton d'être admis dans sa société : les seizoears de la cour, les gens de lettres, et les étrangers les plus dista

gués, briguaient également pour y être introduits. Comme ceux qui faisaient le fond ordinaire de cette société etaient les beaux-esprits et les savants les plus connus en France, m dame de Tencin les appelait, par ironie, ses bétes. Elie eta! souvent consultée par eux sur les ouvrages d'agrement qu'a voulait publier, et s'intéressait avec chaleur pour ses an Montesquieu, qui était un de ceux qu'elle considérait le plus en avait procuré la connaissance au comte de Guasco, frem de l'abbé de ce nom.

Le jour de la mort de madame de Tencin, en sortant de son antichambre, Montesquieu dit à l'abbé de Guasco, qui était avec lui: «A présent vous pouvez mander à

« sieur votre frère que madame de Tencin est l'auteur du « Comte de Comminges et du Siége de Calais, ouvrages « qu'elle a fails en société avec M. de Pont-de-Voyle (son ne « veu). Je crois qu'il n'y a que M. de Fontenelle et moi qui «<< gachions ce secret. »

Elle comptait parmi ses amis Fontenelle, Benoit XIV, et

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