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comment pourrez-vous gêner les faiblesses de l'esprit?

A Rome, outre les institutions générales, les censeurs firent faire, par les magistrats, plusieurs lois particulières pour maintenir les femmes dans la frugalité. Les lois Fannienne, Licinienne et Oppienne eurent cet objet. Il faut voir, dans TiteLive, comment le sénat fut agité, lorsqu'elles demandèrent la révocation de la loi Oppienne. Valère Maxime met l'époque du luxe chez les Romains à l'abrogation de cette loi.

CHAPITRE XV.

Des dots et des avantages nuptiaux dans les diverses constitutions.

Les dots doivent être considérables dans les monarchies, afin que les maris puissent soutenir leur rang et le luxe établi. Elles doivent être médiocres dans les républiques, où le luxe ne doit pas régner 3. Elles doivent être à peu près nulles dans les États despotiques, où les femmes sont en quelque façon esclaves.

La communauté des biens, introduite par les lois françaises entre le mari et la femme, est trèsconvenable dans le gouvernement monarchique, parce qu'elle intéresse les femmes aux affaires domestiques, et les rappelle, comme malgré elles, au soin de leur maison. Elle l'est moins dans la république, où les femmes ont plus de vertu. Elle serait absurde dans les États despotiques, où presque toujours les femmes sont elles-mêmes une partie de la propriété du maître.

Comme les femmes, par leur état, sont assez portées au mariage, les gains que la loi leur donne sur les biens de leur mari sont inutiles. Mais ils seraient très-pernicieux dans une république, parce que leurs richesses particulières produisent le luxe. Dans les Etats despotiques, les gains de noces doivent être leur subsistance, et rien de plus.

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CHAPITRE XVI.

Belle coutume des Samnites'.

Les Samnites avaient une coutume qui, dans une petite république, et surtout dans la situation où était la leur, devait produire d'admirables effets. On assemblait tous les jeunes gens, et on les jugeait : celui qui était déclaré le meilleur de tous prenait pour sa femme la fille qu'il voulait; celui qui avait les suffrages après lui choisissait encore; et ainsi de suite. Il était admirable de ne regarder entre les biens des garçons que les belles qualités, et les services rendus à la patrie. Celui qui était le plus riche de ces sortes de biens choisissait une fille dans toute la nation. L'amour, la beauté, chasteté, la vertu, la naissance, les richesses même, tout cela était, pour ainsi dire, la dot de la vertu 3. Il serait difficile d'imaginer une récompense plus noble, plus grande, moins à charge à un petit État, plus capable d'agir sur l'un et l'autre sexe.

la

Les Samnites descendaient des Lacédémoniens; et Platon, dont les institutions ne sont que la perfection des lois de Lycurgue, donna à peu près une pareille loi 3.

CHAPITRE XVII.

De l'administration des femines.

Il est contre la raison et contre la nature que les femmes soient maîtresses dans la maison, comme cela était établi chez les Égyptiens; mais il ne l'est pas qu'elles gouvernent un empire. Dans le premier cas, l'état de faiblesse où elles sont ne leur permet pas la prééminence; dans le second leur faiblesse même leur donne plus de douceur et de modération : ce qui peut faire un bon gouvernement, plutôt que les vertus dures et féroces.

Dans les Indes, on se trouve très-bien du gouvernement des femmes; et il est établi que, si les mâles ne viennent pas d'une mère du même sang, les filles qui ont une mère du sang royal succèdent 4. On leur donne un certain nombre de per

L'auteur a pris ici les Sunites, peuples de la Sarmatie, pour les Samnites, peuples de l'Italie. Stobée les appelle Zcóviat, Sunitæ. Ortelius et Procope parlent de ces peuples. La Martinière les nomme Suniti. (D.)

2 Fragm. de Nicolas de Damas, tiré de Stobée, dans le recueil de Const. Porphyr.

3 Il leur permet même de se voir plus fréquemment. (PLATO, de Republica, lib. V.)

4 Lettres édifiantes, quatorzième recueil,

sonnes pour les aider à porter le poids du gouvernement. Selon M. Smith, on se trouve aussi trèsbien du gouvernement des femmes en Afrique. Si l'on ajoute à cela l'exemple de la Moscovie et de l'Angleterre, on verra qu'elles réussissent également, et dans le gouvernement modéré, et dans le gouvernement despotique.

LIVRE HUITIÈME.

DE LA CORRUPTION

DES PRINCIPES DES TROIS GOUVERNEMENTS.

CHAPITRE I.

Idée générale de ce livre.

La corruption de chaque gouvernement commence presque toujours par celle des principes.

CHAPITRE II.

De la corruption du principe de la démocratie.

Le principe de la démocratie se corrompt, nonseulement lorsqu'on perd l'esprit d'égalité, mais encore quand on prend l'esprit d'égalité extrême, et que chacun veut être égal à ceux qu'il choisit pour lui commander. Pour lors le peuple, ne pouvant souffrir le pouvoir même qu'il confie, veut tout faire par lui-même, délibérer pour le sénat, exécuter pour les magistrats, et dépouiller tous les juges.

Il ne peut plus y avoir de vertu dans la république. Le peuple veut faire les fonctions des magistrats on ne les respecte donc plus. Les délibérations du sénat n'ont plus de poids : on n'a donc plus d'égards pour les sénateurs, et par conséquent pour les vieillards. Que si l'on n'a pas du respect pour les vieillards, on n'en aura pas non plus pour les pères : les maris ne méritent pas plus de déférence, ni les maîtres plus de soumission. Tout le monde parviendra à aimer ce libertinage la gêne du commandement fatiguera, comme celle de l'obéissance. Les femmes, les enfants, les esclaves, n'auront de soumission pour personne. Il n'y aura plus de mœurs, plus d'amour de l'ordre, enfin plus de vertu.

1 Foyage de Guinée, seconde partie, pag. 165 de la traduction, sur le royaume d'Angona, sur la côte d'Or.

On voit dans le Banquet de Xénophon une peinture bien naïve d'une république où le peuple a abusé de l'égalité. Chaque convive donne à son tour la raison pourquoi il est content de lui. « Je « suis content de moi, dit Charmidès, à cause de « ma pauvreté. Quand j'étais riche, j'étais obligé « de faire ma cour aux calomniateurs, sachant bien « que j'étais plus en état de recevoir du mal d'eux « que de leur en faire; la république me deman« dait toujours quelque nouvelle somme; je ne pouvais m'absenter. Depuis que je suis pauvre, j'ai acquis de l'autorité; personne ne me me« nace, je menace les autres; je puis m'en aller ou « rester. Déjà les riches se lèvent de leurs places, et me cèdent le pas. Je suis un roi, j'étais es«clave; je payais un tribut à la république, aujoura d'hui elle me nourrit ; je ne crains plus de perdre, « j'espère d'acquérir. »

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Le peuple tombe dans ce malheur lorsque ceux à qui il se confie, voulant cacher leur propre corruption, cherchent à le corrompre. Pour qu'il ne voie pas leur ambition, ils ne lui parlent que de sa grandeur; pour qu'il n'aperçoive pas leur avarice, ils flattent sans cesse la sienne.

La corruption augmentera parmi les corrupteurs, et elle augmentera parmi ceux qui sont déjà corrompus. Le peuple se distribuera tous les deniers publics; et, comme il aura joint à sa paresse la gestion des affaires, il voudra joindre à sa pauvreté les amusements du luxe. Mais, avec sa paresse et son luxe, il n'y aura que le trésor public qui puisse être un objet pour lui.

Il ne faudra pas s'étonner si l'on voit les suffrages se donner pour de l'argent. On ne peut donner beaucoup au peuple sans retirer encore plus de lui; mais, pour retirer de lui, il faut renverser l'État. Plus il paraîtra tirer d'avantage de` sa liberté, plus il s'approchera du moment où il doit la perdre. Il se forme de petits tyrans qui ont tous les vices d'un seul. Bientôt ce qui reste de liberté devient insupportable: un seul tyran s'élève ; et le peuple perd tout, jusqu'aux avantages de sa corruption.

La démocratie a donc deux excès à éviter : l'esprit d'inégalité, qui la mène à l'aristocratie ou au gouvernement d'un seul; et l'esprit d'égalité extrême, qui la conduit au despotisme d'un seul, comme le despotisme d'un seul finit par la conquête.

Il est vrai que ceux qui corrompirent les républiques grecques ne devinrent pas toujours tyrans. C'est qu'ils s'étaient plus attachés à l'éloquence qu'à l'art militaire; outre qu'il y avait dans le

cœur de tous les Grecs une haine implacable contre | ceux qui renversaient le gouvernement républicain : ce qui fit que l'anarchie dégénéra en anéantissement, au lieu de se changer en tyrannie.

Mais Syracuse, qui se trouva placée au milieu d'un grand nombre de petites oligarchies changées en tyrannies1; Syracuse, qui avait un sénat dont il n'est presque jamais fait mention dans l'histoire, essuya des malheurs que la corruption ordinaire ne donne pas. Cette ville, toujours dans la licence 3 ou dans l'oppression, également travaillée par sa liberté et par sa servitude, recevant toujours l'une et l'autre comme une tempête, et, malgré sa puissance au dehors, toujours déterminée à une révolution par la plus petite force étrangère, avait dans son sein un peuple immense, qui n'eut jamais que cette cruelle alternative de se donner un tyran ou de l'être lui-même.

CHAPITRE III.

De l'esprit d'égalité extrême.

Autant que le ciel est éloigné de la terre, autant le véritable esprit d'égalité l'est-il de l'esprit d'égalité extrême. Le premier ne consiste point à faire en sorte que tout le monde commande ou que personne ne soit commandé, mais à obéir et à commander à ses égaux. Il ne cherche pas à n'avoir point de maîtres, mais à n'avoir que ses égaux pour maîtres.

Dans l'état de nature, les hommes naissent bien dans l'égalité; mais ils n'y sauraient rester. La société la leur fait perdre, et ils ne redeviennent égaux que par les lois.

Telle est la différence entre la démocratie réglée et celle qui ne l'est pas, que, dans la première, on n'est égal que comme citoyen, et que, dans l'autre, on est encore égal comme magistrat, comme sénateur, comme juge, comuïe père, comme mari, comme maître.

La place naturelle de la vertu est auprès de la liberté; mais elle ne se trouve pas plus auprès de la liberté extrême qu'auprès de la servitude.

1 Voyez Plutarque, dans les Vies de Timoléon et de Dion. 2 C'est celui des six cents dont parle Diodore.

3 Ayant chassé les tyrans, ils firent citoyens des étrangers et des soldats mercenaires; ce qui causa des guerres civiles. (ARISTOTE, Polit. liv. V, chap. III.) Le peuple ayant été cause de la victoire sur les Athéniens, la république fut changée. (Ibid. chap. IV.) La passion de deux magistrats, dont l'un enleva à l'autre un jeune garçon, et celui-ci lui débaucha sa femme, fit changer la forme de cette république. (Ibid. liv. V, chap. IV.)

CHAPITRE IV.

Cause particulière de la corruption du peuple.

Les grands succès, surtout ceux auxquels le peuple contribue beaucoup, lui donnent un tel orgueil qu'il n'est plus possible de le conduire. Jaloux des de ceux qui gouvernent, il l'est bientôt de la consmagistrats, il le devient de la magistrature; ennemi

titution. C'est ainsi que la victoire de Salamine sur les Perses corrompit la république d'Athènes 1; c'est ainsi que la défaite des Athéniens perdit la république de Syracuse *.

Celle de Marseille n'éprouva jamais ces grands passages de l'abaissement à la grandeur : aussi se serva-t-elle ses principes. gouverna-t-elle toujours avec sagesse; aussi con

CHAPITRE V.

De la corruption du principe de l'aristocratie. L'aristocratie se corrompt lorsque le pouvoir des nobles devient arbitraire : il ne peut plus y avoir de vertu dans ceux qui gouvernent ni dans ceux qui sont gouvernés.

Quand les familles régnantes observent les lois, c'est une monarchie qui a plusieurs monarques, et qui est très-bonne par sa nature; presque tous ces monarques sont liés par les lois. Mais quand elles ne les observent pas, c'est un État despotique qui a plusieurs despotes.

Dans ce cas, la république ne subsiste qu'à l'égard des nobles, et entre eux seulement. Elle est dans le corps qui gouverne, et l'État despotique est dans le corps qui est gouverné : ce qui fait les deux corps du monde les plus désunis.

L'extrême corruption est lorsque les nobles deviennent héréditaires 3: ils ne peuvent plus guère avoir de modération. S'ils sont en petit nombre, leur pouvoir est plus grand, mais leur sûreté diminue; s'ils sont en plus grand nombre, leur pouvoir est moindre, et leur sûreté plus grande : en sorte que le pouvoir va croissant, et la sûreté diminuant, jusqu'au despote, sur la tête duquel est l'excès du pouvoir et du danger.

Le grand nombre des nobles dans l'aristocratie héréditaire rendra donc le gouvernement moins violent; mais, comme il y aura peu de vertu, on tombera dans un esprit de nonchalance, de paresse,

ARISTOTE, Polit. liv. V, chap. IV. 2 Ibid.

3 L'aristocratie se change en oligarchie.

d'abandon, qui fera que l'État n'aura plus de force | tant tout uniquement à lui, appelle l'État à sa capitale,

ni de ressort '.

Une aristocratie peut maintenir la force de son principe, si les lois sont telles qu'elles fassent plus sentir aux nobles les périls et les fatigues du commandement que ses délices, et si l'État est dans une telle situation qu'il ait quelque chose à redouter, et que la sûreté vienne du dedans, et l'incertitude du dehors.

Comme une certaine confiance fait la gloire et la sûreté d'une monarchie, il faut au contraire qu'une république redoute quelque chose 2. La crainte des Perses maintint les lois chez les Grecs. Carthage et Rome s'intimidèrent l'une l'autre, et s'affermirent. Chose singulière ! plus ces États ont de sûreté, plus, comme des eaux trop tranquilles, ils sont sujets à se corrompre.

CHAPITRE VI.

De la corruption du principe de la monarchie.

Comme les démocraties se perdent lorsque e peuple dépouille le sénat, les magistrats et les juges de leurs fonctions, les monarchies se corrompent lorsqu'on ôte peu à peu les prérogatives des corps ou les priviléges des villes. Dans le premier cas, on va au despotisme de tous; dans l'autre, au des

potisme d'un seul.

« Ce qui perdit les dynasties de Tsin et de Soüi, <dit un auteur chinois, c'est qu'au lieu de se borner, ■ comme les anciens, à une inspection générale, a seule digne du souverain, les princes voulurent • gouverner tout immédiatement par eux-mêmes 3. » L'auteur chinois nous donne ici la cause de la corruption de presque toutes les monarchies.

La monarchie se perd lorsqu'un prince croit qu'il montre plus sa puissance en changeant l'ordre des choses qu'en le suivant; lorsqu'il ôte les fonctions naturelles des uns pour les donner arbitrairement à d'autres; et lorsqu'il est plus amoureux de ses fantaisies que de ses volontés.

La monarchie se perd lorsque le prince, rappor

Venise est une des républiques qui a le mieux corrigé, par ses lois, les inconvénients de l'aristocratie héréditaire.

* Justin attribue à la mort d'Epaminondas l'extinction de la vertu à Athènes. N'ayant plus d'émulation, ils dépensèrent leurs revenus en fêtes. Frequentius cœnam quam castra visendes. Pour lors les Macédoniens sortirent de l'obscurité. (Liv. VI.)

3 Compilation d'ouvrages faits sous les Ming, rapportés par le P. Duhalde.

la capitale à sa cour, et la cour à sa seule personne.

Enfin elle se perd lorsqu'un prince méconnaît son autorité, sa situation, l'amour de ses peuples, et lorsqu'il ne sent pas bien qu'un monarque doit se juger en sûreté, comme un despote doit se croire en péril.

CHAPITRE VII.

Continuation du même sujet,

Le principe de la monarchie se corrompt lorsque les premières dignités sont les marques de la première servitude; lorsqu'on ôte aux grands le respect des peuples, et qu'on les rend de vils instruments du pouvoir arbitraire.

Il se corrompt encore plus lorsque l'honneur a été mis en contradiction avec les honneurs, et que l'on peut être à la fois couvert d'infamie et de dignités.

Il se corrompt lorsque le prince change sa justice en sévérité; lorsqu'il met, comme les empereurs romains, une tête de Méduse sur sa poitrine 2; lorsqu'il prend cet air menaçant et terrible que Commode faisait donner à ses statues 3.

Le principe de la monarchie se corrompt lorsque des âmes singulièrement lâches tirent vanité de la grandeur que pourrait avoir leur servitude, et qu'elles croient que ce qui fait que l'on doit tout au prince fait que l'on ne doit rien à sa patrie.

Mais, s'il est vrai ( ce que l'on a vu dans tous les temps) qu'à mesure que le pouvoir du monarque devient immense sa sûreté diminue, corrompre ce pouvoir jusqu'à le faire changer de nature, n'estce pas un crime de lèse-majesté contre lui?

CHAPITRE VIII.

Danger de la corruption du principe du gouvernement monarchique.

L'inconvénient n'est pas lorsque l'Etat passe d'un gouvernement modéré à un gouvernement modéré,

Sous le règne de Tibère, on éleva des statues et l'on donna les ornements triomphaux aux délateurs : ce qui avilit tellement ces honneurs, que ceux qui les avaient mérités les dédaignérent. (Fragm. de Dion, liv. LVIII, tiré de l'Extrait des vertus et des vices de Const. Porphyrog.) Voyez, dans Tacite, comment Néron, sur la découverte et la punition d'une prétendue conjuration, donna à Pétronius Turpilianus, à Nerva, à Tigellinus, les ornements triomphaux. (Ann. liv. XV.) Voyez aussi comment les généraux dédaignèrent de faire la guerre, parce qu'ils en méprisaient les honneurs. Pervulgatis triumphi insignibus. (TACITE, Ann. liv. XIII.)

2 Dans cet État, le prince savait bien quel était le principe de son gouvernement.

3 HERODIEN.

voisée.

comme de la république à la monarchie, ou de la | férocité reste; elle est pour quelque temps appri monarchie à la république ; mais quand il tombe et se précipite du gouvernement modéré au despotisme.

La plupart des peuples d'Europe sont encore gouvernés par les mœurs. Mais si, par un long abus du pouvoir; si, par une grande conquête, le despotisme s'établissait à un certain point, il n'y aurait pas de moeurs ni de climat qui tinssent; et, dans cette belle partie du monde, la nature humaine souffrirait, au moins pour un temps, les insultes qu'on lui fait dans les trois autres.

CHAPITRE IX.

Combien la noblesse est portée à défendre le trône.

La noblesse anglaise s'ensevelit avec Charles Ier sous les débris du trône; et, avant cela, lorsque Philippe II fit entendre aux oreilles des Français le mot de liberté, la couronne fut toujours soutenue par cette noblesse qui tient à l'honneur d'obéir à un roi, mais qui regarde comme la souveraine infamie de partager la puissance avec le peuple.

CHAPITRE XI.

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Les Crétois, pour tenir les premiers magistrats dans la dépendance des lois, employaient un moyen bien singulier : c'était celui de l'insurrection. Une partie des citoyens se soulevait, mettait en fuite les magistrats, et les obligeait de rentrer dans la condition privée. Cela était censé fait en conséquence de la loi. Une institution pareille, qui établissait la sédition pour empêcher l'abus du pouvoir, semblait devoir renverser quelque république que ce fut. Elle ne détruisit pas celle de Crète; voici pourquoi 2 :

2

ils citaient les Crétois. La patrie, disait Platon 3, nom si tendre aux Crétois ! Ils l'appelaient d'un nom qui exprime l'amour d'une mère pour ses enfants 4. Or, l'amour de la patrie corrige tout.

Lorsque les anciens voulaient parler d'un peuOn a vu la maison d'Autriche travailler sans re-ple qui avait le plus grand amour pour la patrie, lâche à opprimer la noblesse hongroise. Elle ignorait de quel prix elle lui serait quelque jour. Elle cherchait chez ces peuples de l'argent qui n'y était pas; elle ne voyait pas des hommes qui y étaient. Lorsque tant de princes partageaient entre eux ses États, toutes les pièces de sa monarchie, immobiles et sans action', tombaient, pour ainsi dire, les unes sur les autres; il n'y avait de vie que dans cette noblesse qui s'indigna, oublia tout pour combattre, et crut qu'il était de sa gloire de périr et de pardonner.

CHAPITRE X.

De la corruption du principe du gouvernement despotique.

Le principe du gouvernement despotique se corrompt sans cesse, parce qu'il est corrompu par sa nature. Les autres gouvernements périssent, parce que des accidents particuliers en violent le principe: celui-ci périt par son vice intérieur, lorsque quelques causes accidentelles n'empêchent point son principe de se corrompre. Il ne se maintient donc que quand des circonstances, tirées du climat, de la religion, de la situation ou du génie du peuple, le forcent à suivre quelque ordre, et à souffrir quelque règle. Ces choses forcent sa nature sans la changer: sa

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Les lois de Pologne ont aussi leur insurrection. Mais les inconvénients qui en résultent font bien voir que le seul peuple de Crète était en État d'em. ployer avec succès un pareil remède.

Les exercices de la gymnastique, établis chez les Grecs, ne dépendirent pas moins de la bonté du principe du gouvernement. « Ce furent les La« cédémoniens et les Crétois, dit Platon 5 qui ou« vrirent ces académies fameuses qui leur firent << tenir dans le monde un rang si distingué. La pu« deur s'alarma d'abord; mais elle céda à l'utilité «< publique. » Du temps de Platon, ces institutions étaient admirables ; elles se rapportaient à un

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