« A cette ville morte, à ce peuple vaincu; << Laissez-moi : c'est ici qu'est ma tombe, j'y reste; « Je saurai me ravir le jour que je déteste; << Un Grec compatissant dépouillera mon corps; << La perte d'un tombeau n'afflige pas les morts. Trop long-temps de mes jours j'ai supporté la chaîne : « Le ciel même, le ciel m'a frappé de sa haine, « Depuis l'heure où le roi des hommes et des Dieux << Sous le vent de sa foudre a desséché mes yeux En vain autour de lui sa famille pressée, Je vais jeter aux Grecs ma déplorable vie : Quoi, mon père! moi fuir et vous abandonner! << O crime! et votre bouche a pu me l'ordonner! 16 << S'il plaît aux immortels, s'ils ont juré dans l'ame Ascanium, patremque meum, juxtaque Creüsam, Alterum in alterius mactatos sanguine cernam? Arma, viri, ferte arma: vocat lux ultima victos. Reddite me Danais, sinite instaurata revisam Proelia numquam omnes hodie moriemur inulti. : Hinc ferro accingor rursus, clypeoque sinistram Si periturus abis, et nos rape in omnia tecum; « De ne laisser plus rien de ce qui fut Pergame; « Vous-même, si tel est votre barbare voeu << De périr avec nous dans cette ville en feu, << Si vous cherchez la mort, elle est à notre porte; « L'assassin de Priam est là qui nous l'apporte, Pyrrhus qui sait si bien frapper du coup mortel << Le fils devant le père et le père à l'autel. << O ma mère ! est-ce là le fruit de ta tendresse? « Tu m'as sauvé du fer et du feu de la Grèce, « Pour me montrer içi, sous mes toits ravagés, Épouse, père, enfant, l'un sur l'autre égorgés! << Mes armes, compagnons! mon casque, mon épée! <<< C'est la dernière nuit ; qu'elle soit occupée; << Allons chercher les Grecs, allons tenter le sort, << Et ne mourons pas tous sans venger notre mort. » Mon bouclier en main, revêtu de mes armes, J'étais prêt à sortir, quand mon épouse en larmes M'arrête sur le seuil, s'enlace à mes genoux En me tendant les bras et son fils entre nous : « Si tu sors pour mourir, mêle-nous à ta perte; « Mais si tu crois encore une espérance ouverte, Hanc primum tutare domum, cui parvus Iulus, Talia vociferans, gemitu tectum omne replebat; Fundere lumen apex, tactuque innoxia molles Vix ea fatus erat senior, subitoque fragore << Sauve, sauve d'abord ceux que rien ne défend, Le palais était plein de sa clameur confuse, Et la langue de feu, sans laisser de brûlure, Et ses yeux et ses mains et sa voix inspirée : « Si jamais la prière apaisa ton courroux, Jupiter tout-puissant! jette les yeux sur nous, << Sauve nos jours pieux, et, s'ils t'en semblent dignes, « A ce premier présage ajoute d'autres signes. » Comme il disait ces mots, le ciel gronde avec bruit, La foudre tonne à gauche, et dans la sombre nuit Une étoile jaillit de la sublime voûte; On dirait qu'elle veut nous tracer une route; |