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en Portugal. Gouvei nez mal votre basse-cour, vous manquerez de volaille; gouvernez-la bien, vous en aurez une quantité prodigieuse. Oisons, qui écrivez contre ces vérités utiles, puisse la basse-cour où vous êtes engraissés aux dépens de l'État n'être plus remplie que de volatiles nécessaires!

XXXIII SOTTISE DE NONOTTE.

Sur l'amiral Drake. Vous faites

le savant, Nonotte vous dites, à propos de théologie, que l'amiral Drake a découvert la terre d'Yesso. Apprenez que Drake n'alla jamais au Japon, encore moins à la terre d'Yesso; apprenez qu'il mourut en 1596, en allant à Porto-Bello. Apprenez que ce fut quarante-huit ans après la mort de Drake que les Hollandais découvrirent les premiers cette terre d'Yesso, en 1644. Apprenez jusqu'au nom du capitaine Martin Jéritson, et de son vaisseau qui s'appelait le Castrécom. Croyezvous donner quelque crédit à votre théologie en faisant le marin? vous êtes également ignorant sur terre et sur mer, et vous vous applaudissez de votre livre, parce que vos bévues sont en deux volumes.

XXXIVe SOTTISE DE NONOTTE.

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Sur les confessions auriculaires. En vérité vous n'entendez pas mieux la théologie que l'histoire de la marine. L'auteur de l'Essai sur les mœurs a dit que, selon saint Thomas d'Aquin, il était permis aux séculiers de confesser dans les cas urgents, que ce n'est pas tout à fait un sacrement, mais que c'est comme un sacrement. Il a cité l'édition et la page de la Somme de saint Thomas; et là-dessus vous dites que tous les critiques conviennent que cette partie de la Somme de saint Thomas n'est pas de lui, et moi je vous dis qu'aucun vrai critique n'a pu vous fournir cette défaite. Je vous défie de montrer une seule Somme de Thomas d'Aquin où ce monument ne se trouve pas. La Somme était en telle vénération, qu'on n'eût pas osé y coudre l'ouvrage d'un autre. Elle fut un des premiers livres qui sortirent des presses de Rome dès l'an 1474; elle fut imprimée à Venise en 1484. Ce n'est que dans des éditions de Lyon qu'on commença à douter que la troisième partie de la Somme fût de lui; mais il est aisé de reconnaître sa méthode et son style, qui sont absolument les mêmes.

Au reste, Thomas ne fit que recueillir les opinions de son temps, et nous avons bien d'autres preuves que les laïques avaient le droit de s'entendre en confession les uns les autres; témoin le fameux passage de Joinville, dans lequel il rapporte qu'il confessa le connétable de Chypre. Un jésuite du moins devrait savoir que le jésuite Tolet a dit dans son livre de l'Instruction sacerdotale, livre I, chap. xvi: « Ni femme ni laïque ne peut absoudre sans privilége. » Nec femina nec laicus absolvere possunt sine privilegio. Le pape peut donc permettre aux filles de confesser les hommes ?

Il faut instruire ici Nonotte de cette ancienne coutume de se confesser mutuellement. Il sera bien étonné quand il apprendra qu'elle vient de la Syrie; il saura que les juifs mêmes se confessaient les uns aux autres dans les grandes occasions, et se donnaient mutuellement

trente-neuf coups de fouet sur le derrière en récitant un verset du psaume LXXVII.

Il serait bon que Nonotte se confessât ainsi de toutes les petites calomnies dont il est coupable.

On pourrait faire plus de cent remarques pareilles; mais il faut se borner.

Si tu n'avais été qu'un ignorant, nous aurions eu de la charité pour toi; mais tu as été un satirique insolent; nous l'avons puni.

ADDITIONS AUX OBSERVATIONS SUR LE LIBELLE INTITULÉ : LES ERREURS DE M. DE V..., PAR DAMILAVILLE'.

L'auteur de l'Essai sur les mœurs a daigné réfuter les bévues du libelle concernant l'Essai sur les mœurs, et a négligé ce qui lui est personnel. L'amitié et l'équité m'engagent à suppléer à ce que M. de Voltaire a dédaigné de dire.

L'auteur de ce libelle, pages 20, 21 et 22, de son discours préliminaire, dénonce quatre contradictions dans lesquelles, dit-il, M. de Voltaire a donné, sans compter une infinité d'autres qu'il ne désigne point.

Sans doute que celles qu'il a citées sont les mieux constatées; sans doute que l'illustre folliculaire qui a tant applaudi à cette critique s'est assuré qu'elle était judicieuse; qu'il a vérifié les passages dans le texte, et qu'il a reconnu qu'en effet ils contenaient les contradictions indiquées par l'auteur, dont il est l'apologiste. C'est ce que nous allons voir.

La première de ces contradictions a rapport à l'établissement du christianisme; la seconde aux différentes espèces d'hommes qui se trouvent sur la terre; la troisième à Michel Servet; et enfin la quatrième à Cromwell.

Tâchons de faire connaître la bonne foi, la sagacité et l'honnêteté de ces messieurs.

DE L'ÉTABLISSEMENT DU CHRISTIANISME. Première fausseté du libelliste: absurdité des raisonnements. «Il est véritablement étonnant, dit-il page 19 de son discours préliminaire, que M. de Voltaire, avec l'étendue de son génie, sa prodigieuse mémoire, sa vaste érudition, ait donné dans des contradictions si visibles. Dans son Essai sur les mœurs, il nous dit, chap. v 2, que ce ne fut jamais l'esprit du sénat romain ni des empereurs de persécuter personne pour cause de religion; que l'Eglise chrétienne fut assez libre dès les commencements,

1. Damilaville, à qui Voltaire avait communiqué ses Éclaircissements historiques en manuscrit, y fit des Additions que Voltaire, comme il le promettait (lettre du 13 décembre 1762), fit imprimer, dès 1763, à la suite des Eclaircissements. (Note de M. Beuchot.)

2. Aujourd'hui chap. VIII. (ÉD.)

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qu'elle eut la facilité de s'étendre, et qu'elle fut protégée ouvertement par plusieurs empereurs.

« Et dans son Siècle de Louis XIV, continue le libelliste, chapitre du Calvinisme, il dit que cette même Église, dès les commencements, bravait l'autorité des empereurs, tenant, malgré les défenses, des assemblées secrètes dans des grottes et dans des caves souterraines, jusqu'à ce que Constantin la tira de dessous terre pour la mettre à côté du trône. »

Il serait aussi étonnant que M. de Voltaire se fût exprimé ainsi, qu'il l'est de voir tant d'ignorance jointe à tant de mauvaise foi.

Est-ce pour offenser davantage M. de Voltaire que l'auteur lui prête son style? Heureusement personne ne s'y méprendra, et l'on reconnaîtra la fausseté de ses citations à la seule inspection.

M. de Voltaire n'a jamais dit que l'Église chrétienne fut assez libre dès les commencements; on sait que ce n'est pas ainsi qu'il écrit. Voici le premier passage défiguré par le libelliste, tel qu'il est dans le texte :

<< Jamais il ne vint dans l'idée d'aucun césar, ni d'aucun proconsul, ni du sénat romain, d'empêcher les Juifs de croire à leur loi, Cette seule raison sert à faire connaître quelle liberté eut le christianisme de s'étendre en secret. »

Indépendamment des changements que le libelliste a jugé à propos de faire dans ce passage, on voit qu'il en a supprimé le mot en secret, qui ne favorisait point le sens contraire et forcé qu'il a tâché de lui donner par les expressions fausses et plates qu'il a substituées aux véritables. Première preuve de la fidélité de cet honnête compilateur.

Il en est de même par rapport au second passage. Ce n'est qu'à lui qu'il est permis de dire dans des caves souterraines. M. de Voltaire sait bien qu'il n'a pas besoin d'apprendre à ses lecteurs que les caves sont souterraines.

Mais, en supposant même ces deux passages tels qu'il les a cités, où cet homme admirable a-t-il pris les contradictions qu'il y trouve, et que son apologiste applaudit?

N'est-il pas certain, monsieur l'ex-jésuite, qu'avant Domitien le christianisme ne fut point persécuté? Ne conviendrez-vous point que malgré cela une religion naissante, qui contrarie toutes les autres, n'en renverse pas tout à coup les autels, et ne se professe pas d'abord publiquement?

La crainte, la prudence même, obligèrent donc les premiers chrétiens à s'assembler secrètement; ils n'étaient point persécutés, ni même rigoureusement recherchés; mais il existait des lois qui défendaient ces assemblées donc ils bravaient l'autorité de ces lois.

Les calvinistes en France, où la sagesse du gouvernement commence enfin à les tolérer, ne s'exposent-ils pas à la sévérité des lois qui proscrivent leurs assemblées ?

M. de Voltaire, en recherchant comment une religion de paix et de charité avait seule produit la fureur des guerres de religion qu'aucune autre n'avait occasionnées, a donc eu raison de dire dans son Siècle

de Louis XIV, chap. xxxvi : « Ne pourrait-on pas trouver l'origine de cette peste qui a ravagé la terre dans l'esprit républicain qui anima les premières Églises, les assemblées secrètes qui bravaient d'abord dans des grottes et dans des caves l'autorité des empereurs romains? » Et cela ne contrarie point ce qu'il dit ailleurs, chap. v de son Essai sur les mœurs, que le christianisme eut la liberté de s'étendre en secret sous les empereurs qui ont précédé Domitien l'expression seule en secret établit un juste rapport entre les deux passages, et en éloigne toute apparence de contradiction; parce qu'en effet, quoique les chrétiens fussent tolérés, et qu'ils eussent la liberté de pratiquer en secret leur culte et de l'étendre, ils n'en contrevenaient pas moins aux lois qui leur défendaient de s'assembler; par conséquent ils les bravaient même sous les empereurs qui les protégeaient, et jusqu'à ce que l'entière abolition de ces lois par Constantin fit du christianisme, que cet empereur plaça à côté du trône, la religion dominante.

Après cet éclaircissement, que monsieur l'observateur des erreurs dogmatiques et son apologiste nous permettent une question. N'est-ce que dans les temps où il a été défendu aux chrétiens de s'assembler qu'ils ont bravé l'autorité du souverain? Sans parler d'une infinité d'autres, à votre avis, monsieur le théologien libelliste, les chrétiens de la ligue qui portaient par ordre, et à l'exemple des ministres de l'Eglise, les armes et le crucifix contre Henri III et contre Henri IV; celui qui, sortant du pied des autels, et son Dieu encore sur les lèvres, courut assassiner son maître; les monstres qui portèrent des mains sacriléges sur le plus grand et le meilleur des rois du monde, et qui, pour plaire à Dieu, finirent par lui arracher la vie au milieu d'un peuple dont il était le père; que firent-ils? étaient-ils des sujets soumis? Trouverez-vous de la contradiction à dire qu'ils jouissaient, sous ces princes, de la plus grande liberté, et qu'ils bravaient leur autorité ?

Direz-vous de ces chrétiens furieux ce que vous dites, page 20 de votre premier volume, de celui qui osa déchirer l'édit de Dioclétien, << qu'à la vérité ces chrétiens furent imprudents, mais, après tout, généreux et zélés pour leur religion? »

Vous ne pouviez guère faire un plus bel éloge d'une action aussi criminelle, si cet éloge pouvait séduire. « Qui est-ce qui ne préférerait pas à la prudence, la générosité et le zèle pour sa religion? » On sait assez que ces maximes furent celles de la ligue; et vous pouviez Vous dispenser de nous prouver que, s'il fut alors des théologiens assez malheureux pour les prêcher aux peuples dans la chaire qu'ils appellent de vérité, il en est encore qui ont bien de la peine à les oublier.

Mais comment osez-vous les reproduire parmi nous, ces maximes abominables? Espérez-vous trouver encore dans les ténèbres de l'esprit humain des dispositions qui leur soient favorables? Grâces aux soins de la philosophie, contre laquelle vous déclamez en vain, les hommes sont éclairés sur leurs devoirs, et vous ne trouverez plus de rebelles ni de parricides. Malgré vos efforts et vos persécutions, les philosophes, ces hommes que vous calomniez parce que vous les craignez,

continueront de répandre la lumière, ils ne cesseront d'apprendre aux autres ce qu'ils se doivent, ce qu'ils doivent à leur souverain; et le fanatisme, ce monstre cruel qui n'a que trop désolé la terre, restera dans vos mains un fantôme inutile.

DES DIFFÉRENTES ESPÈCES D'HOMMES. Seconde fausseté du libelliste, et témoignage de son ignorance. M. de Voltaire, dit-il, tome III de l'Essai sur les mœurs, page 193, dit que « la nature humaine, dont le fond est partout le même, a établi les mêmes ressemblances entre tous les hommes. »

Et, page du même volume, il dit «< qu'il y a des peuples, des hommes d'une espèce particulière, qui ne paraissent rien tenir de leurs voisins; qu'il est probable qu'il y a des espèces d'hommes différentes les unes des autres, comme il y a différentes espèces d'ani

maux. >>

Théologien obscur, vous dites des mensonges. M. de Voltaire, en parlant de certaines différences qui se trouvent entre les peuples du Japon et nous, tome III de l'Essai sur les mœurs, page 193, dit : « La nature humaine, dont le fond est partout le même, a établi d'autres ressemblances entre ces peuples et nous. »

Et dans le second endroit, page 6 du même volume:

« Il est probable que les pygmées méridionaux ont péri, et que leurs voisins les ont détruits; plusieurs espèces d'hommes ont pu ainsi disparaître de la face de la terre, comme plusieurs espèces d'animaux. Les Lapons ne paraissent point tenir de leurs voisins, etc. >>

On voit qu'il n'y a presque pas un mot dans ces deux passages qui soit dans ceux cités par le libelliste. Mais quand M. de Voltaire aurait avancé que le fond de la nature humaine est partout le même, et qu'il y a des espèces d'hommes différentes, il n'y a qu'un ignorant qui pût trouver de la contradiction dans cette proposition, et qui ne sache pas que le fond de la nature est le même pour tous les êtres. Si l'auteur doute qu'avec ce même fond il puisse y avoir des espèces différentes, on le renvoie à son propre témoignage; il peut juger s'il existe entre M. de Voltaire et lui d'autres rapports que ce fond de la nature humaine.

DE MICHEL SERVET.

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Troisième fausseté du libelliste. M. de Voltaire assure, à ce qu'il prétend, Essai sur les mœurs, tome III, que << Michel Servet, qui fut brûlé vif à Genève par ordre de Calvin, niait la divinité éternelle de Jésus-Christ; » et dans la page suivante, il assure aussi que « Servet ne niait point ce dogme. »

C'est une chose merveilleuse que l'audace avec laquelle ces messieurs imaginent des absurdités pour dire des sottises.

Il y a dans le texte, Essai sur les mœurs, tome III, page 119, en parlant de Michel Servet : « Il adoptait en partie les anciens dogmes soutenus par Sabellus, par Eusèbe, par Arius, qui dominèrent dans l'Orient, et qui furent embrassés au XVIe siècle par Lelio Socini. »

Et dans la page suivante, après avoir rapporté le supplice que Calvin

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