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Dans le camp de son fils descend d'un vol rapide;
Et dans l'airain du vase où tremble une eau limpide
Infuse doucement l'herbe dont la vertu

Doit rendre la vigueur à son fils abattu,

Y joint la panacée à la feuille odorante,

Et le nectar qu'aux dieux la jeune Hébé présente.
Le charme est consommé : le bienfaisant vieillard
De ces sucs enchantés plus puissans que son art
Abreuve doucement la blessure profonde,
Ignorant quel pouvoir en secret le seconde :
O prodige! le mal aussitôt est dompté,
Dans ses secrets canaux le sang est arrêté;
Et le trait meurtrier, sans que le fer l'arrache,
De lui-même a suivi la main qui le détache,
Il tombe; et, revenu de sa triste langueur,
Le héros a senti renaître sa vigueur.

«Des armes, mes amis, qu'on lui rende ses armes!
» Courez, dit lapis : au succès de ces charmes
» Reconnoissez les dieux, oui, croyez que ma main
» Ne fut que l'instrument d'un pouvoir plus qu'humain :
» Un dieu seul a tout fait. Pars, guerrier magnanime,
» Pars, suis la voix des dieux, suis ton destin sublime. »
Impatient déjà de tenter les hasards

Énée a revêtu l'or de ses longs cuissards,

Abrège les délais dont se plaint son audace,
Saisit son bouclier, endoss e sa cuirasse,
Et, sa lance à la main, il prélude aux combats;
Puis, tendant vers son fils ses héroïques bras,

Disce, puer, virtutem ex me, verumque laborem;
Fortunam ex aliis. Nunc te mea dextera bello
Defensum dabit, et magna inter præmia ducet.
Tu facito, mox quum matura adoleverit ætas,
Sis memor; et te animo repetentem exempla tuorum,
Et pater Æneas, et avunculus excitet Hector.

Hæc ubi dicta dedit, portis sese extulit ingens, Telum immane manu quatiens : simul agmine denso Antheusque Mnestheusque ruunt; omnisque relictis Turba fluit castris. Tum cæco pulvere campus Miscetur, pulsuque pedum tremit excita tellus. Vidit ab adverso venientes aggere Turnus, Videre Ausonii; gelidusque per ima cucurrit Ossa tremor. Prima ante omnes Juturna Latinos Audiit, agnovitque sonum, et tremefacta refugit. Ille volat, campoque atrum rapit agmen aperto: Qualis ubi ad terras, abrupto sidere, nimbus It mare per medium: miseris, heu! præscia longè Horrescunt corda agricolis: dabit ille ruinas Arboribus, strajemque satis ; ruet omnia latè : Antevolant sonitumque ferunt ad littora venti.

Imprime un doux baiser sur sa bouche innocente,
Le serre tendrement; et, d'une voix touchante,
« Apprends de moi, mon fils, la route de l'honneur,
» D'autres te donneront l'exemple du bonheur;
» Peu jaloux d'un vain nom, d'une gloire frivole,
» A ton noble avenir ton père entier s'immole;
» Seul tu remplis son coeur : ah! puissent quelque jour
» Tes vertus lui payer le prix de tant d'amour!
» Puisses-tu te montrer à la terre étonnée

» Digne neveu d'Hector, et digne enfant d'Énée ! »
Il dit, et court remplir son glorieux destin.
Un javelot énorme étincelle en sa main;
De ses braves guerriers la foule l'environne,
Et du bruit de leurs pas la terre au loin résonne;
Leurs flots tumultueux laissent leurs camps déserts,
De nuages épais tous leurs rangs sont couverts,
Turnus le voit de loin; les Latins en alarmes
Ont frémi d'épouvante à l'aspect de ses armes ;
Juturne la première, étonnée à ce bruit,
Reconnoît le héros, s'épouvante et s'enfuit.
Affamé de vengeance et plus prompt que la foudre
Énée avec les siens court dans des flots de poudre.
Tel un affreux nuage obscurcissant les airs
Accourt rapidement du vaste sein des mers;
Du plus loin qu'il a vu sa noirceur menaçante
Le laboureur tremblant est glacé d'épouvante :
Que de maux vont sortir de ses flancs ténébreux!
Les fleurs, les fruits mourront sur son passage affreux;

Talis in aversos ductor Rhoeteïus hostes

Agmen agit: densi cuneis se quisque coactis
Agglomerant. Ferit ense gravem Thymbræus Osirim;
Archetium Mnestheus, Epulonem obtruncat Achates,
Ufentemque Gyas: cadit ipse Tolumnius augur,
Primus in adversos telum qui torserat hostes.
Tollitur in coelum clamor, versique vicissim
Pulverulenta fugâ Rutuli dant terga per agros.
Ipse neque adversos dignatur sternere morti,
Nec pede congressos æquo, nec tela ferentes
Insequitur: solum densâ in caligine Turnum
Vestigat lustrans; solum in certamina poscit.

Hoc concussa metu mentem Juturna virago Aurigam Turni media inter lora Metiscum Excutit, et longè lapsum temone relinquit. Ipsa subit, manibusque undantes flectit habenas, Cuncta gerens, vocemque, et corpus, et arma Metisci. Nigra velut magnas domini quum divitis ædes Pervolat, et pennis alta atria lustrat hirundo, Pabula parva legens, nidisque loquacibus escas;

Il approche; avec lui les tempêtes s'avancent,
Et les vents en grondant volent et le devancent :
Tel s'avançoit Énée; ainsi devant ses pas
Ont volé la terreur, le trouble et le trépas.
Des bataillons troyens la formidable élite
Forme ses rangs, se presse, et s'élance à sa suite;
Le fier Thymbrée envoie Osiris à Pluton,
Gyas égorge Ufens, Achate immole Éplon,
Mnesthée Archétius; Tolumnius lui-même,
Infracteur des traités, voit son heure suprême.
Des cris frappent les cieux, on voit de tout côté
Le Rutule à son tour s'enfuir épouvanté :
Ou de quelques guerriers si la fière imprudence
Ose d'Enée encore affronter la vaillance,

11 passe avec dédain; pour de plus grands combats,
Pour un plus grand rival il réserve son bras;
Parmi les flots poudreux, dans ce vaste carnage,
C'est Turnus, Turnus seul, que demande sa rage;
Ses

yeux, sa voix, ses traits respirent la fureur.
Juturne en a pâli: sa prudente frayeur,
Pour guider de Turnus la course téméraire,
Renverse Métiscus, écuyer de son frère;
Et, tandis que poussant un cri mal entendu
Le char le laisse au loin sur la terre étendu,
La nymphe, poursuivant son adroit stratagême,
Prend sa taille et ses traits : c'est Métiscus lui-même ;
Et les coursiers trompés par le son de sa voix
De leur vieux guide encor pensent suivre les lois.

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