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pour fixer le taux de l'intérêt. Dix ans après (a), cette usure fut réduite à la moitié (b); dans la suite on l'ôta tout-à-fait (c) : & fi nous en croyons quelques Auteurs qu'avoit vûs Tite-Live, ce fut fous le Confulat (d) de C. Martius-Rutilius & de P. Servilius, l'an 413 de Rome.

Il en fut de cette Loi comme de toutes celles où le Législateur a porté les chofes à l'excès: on trouva un moyen de l'éluder. Il en fallut faire beaucoup d'autres pour la confirmer, corriger, tempérer. Tantôt on quitta les Loix pour fuivre les ufages (e), tantôt on quitta les ufages pour fuivre les Loix : mais dans ce cas l'ufage devoit aifément prévaloir. Quand un homme emprunte, il trouve un obstacle dans la Loi même qui eft faite en fa faveur: cette Loi a contr'elle, & celui qu'elle fecourt, & celui qu'elle condamne. Le préteur Sempromus Afellus ayant permis (f) aux débiteurs d'agir en conféquence des Loix, fut tué (g) par les créanciers, pour avoir voulu rappeller la mémoire d'une rigidité qu'on ne pouvoit plus foûtenir.

Sous Sylla, L. Valerius Flaccus fit une Loi qui permettoit l'intérêt à trois pour cent par an. Cette Loi la plus équitable & la plus modérée de celles que les Romains firent à cet égard, Paterculus (h) la défapprouve. Mais fi cette Loi étoit néceffaire à la République, fi elle étoit utile à tous les particuliers, fi elle formoit une communication d'aifance entre le débiteur & l'emprunteur, elle n'étoit point injufte.

Celui-la paie moins, dit Ulpien (i), qui paye plus tard: Cela décide la question si l'intérêt est légitime, c'est-à-dire, si le créancier peut vendre le tems, & le débiteur l'acheter.

(a) Sous le Confulat de L. Manlius Torquatus, & de C. Plautius, felon TiteLive Liv. vi. & c'est la Loi dont parle Tacite, Annal. Liv. vi.

(b) Semiunciaria Ufura.

(c) Comme le dit Tacite, Annal. L. vr. (d) La Loi en fut faite à la pourfuite de M. Genucius, Tribun du Peuple, Tite-Live, Liv. VII. à la fin.

folvi quadrantem jufferat, L.II.Quelques Au. teurs ont interpreté ce paffage comme fi la Loi de Flaccus avoit ordonné qu'on payât feulement le quart du capital: mais il me femble que ce n'étoit pas le langage des Auteurs Latins; lorfqu'il s'agiffoit de retranchement de dettes, on fe fervoit des mots de quadrans, triens, &c. pour marquer l'usure, & tertia pars & quarta pars, pour marquer le capital. 29. On fait le ConfulValerius Auteur d'une Loi qu'auroit faite à peine un Tribun féditieux. 39. On étoit dans le feu de la Guerre Civile; & il étoit plus question de maintenir le crédit public que de le détruire: enfin cette Guerre Civile n'avoit point pour (h) Turpiffimæ legis Autor, quâ creditoribus objet l'aboliffement des dettes. (i)Leg. 12. ff. de verb.fignif.

(e) Veteri jam more fanus receptum erat, Appien, de la Guerre Civile, Liv. I.

(f) Permifit eos legibus agere, Apien, de la Guerre Civile, Liv. I. & l'Epitome de Tite-Live, Liv. LX 1 V.

(g) L'an de Rome 663.

LIVRE VINGT-TROISIEME.

Des Loix, dans le Rapport qu'elles ont avec le nombre des Habitans.

CHAPITRE PREMIER.

Des Hommes & des Animaux, par rapport à la multiplication de leur efpece.

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Dès le premier beau jour que ton Aftre ramene,

Les Zéphirs font fentir leur amoureuse haleine,

La Terre orne fon fein de brillantes couleurs,

Et l'air eft parfumé du doux esprit des fleurs.

On entend les oiseaux, frappés de ta puissance, » Par mille tons lafcifs célébrer ta présence;

Pour la belle géniffe, on voit les fiers taureaux, » Ou bondir dans la plaine, ou traverser les eaux. Enfin, les habitans des bois & des montagnes,

D

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Des fleuves & des mers & des vertes campagnes,

Brûlant à ton aspect d'amour & de defir,

S'engagent à peupler par l'attrait du plaisir;

» Tant on aime à te fuivre, & ce charmant Empire

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Que donne la beauté fur tout ce qui respire.

L

Es femelles des animaux ont à peu près une fécondité conftante. Mais dans l'efpece humaine, la maniere de penfer, le caractere, les paffions, les fantaisies, les caprices, l'idée de conferver fa beauté, l'embarras de la groffeffe, celui d'une (a) Traduction du commencement de Lucrece par le fieur d'Hefnaut.

famille

famille trop nombreuse, troublent la propagation de mille manie

res.

L

CHAPITRE II.

Des Mariages.

OBLIGATION naturelle qu'a le pere de nourrir fes enfans, a fait établir le mariage, qui déclare celui qui doit remplir cette obligation. Les Peuples (a) dont parle PomponiusMela (b) ne le fixoient que par la reffemblance.

Chez les Peuples bien policés, le pere (c) eft celui que les Loix, par la cérémonie du mariage, ont déclaré devoir être tel, parce qu'elles trouvent en lui la perfonne qu'elles cherchent.

Cette obligation chez les animaux, eft telle que la mere peut ordinairement y fuffire: elle a beaucoup plus d'étendue chez les hommes; leurs enfans ont de la raifon : mais elle ne leur vient que par dégrés; il ne fuffit pas de les nourrir, il faut encore les conduire : déja ils pourroient vivre, & ils ne peuvent pas fe gouverner. Les conjonctions illicites contribuent peu à la propagation de l'efpece. Le pere, qui a l'obligation naturelle de nourrir & d'élever les enfans, n'eft point alors fixé; & la mere, à qui l'obligation refte, trouve mille obftacles; par la honte, les remords, la gêne de fon fexe, la rigueur des Loix : la plupart du tems elle manque de moyens.

Les femmes qui fe font foûmifes à une proftitution publique, ne peuvent avoir la commodité d'élever leurs enfans. Les peines de cette éducation font même incompatibles avec leur condition : & elles font fi corrompues, qu'elles ne fçauroient avoir la confiance de la Loi.

Il fuit de tout ceci, que la continence publique eft naturellement jointe à la propagation de l'efpece.

(a) Les Garamantes. (b) Liv. I. Chap. 3. (c) Pater eft quem Nuptia demonftrant.

CHAPITRE

C'E

CHAPITRE III.

De la condition des Enfans.

'EST la raison qui dicte, que quand il y a un mariage, les enfans fuivent la condition du pere: & que quand il n'y en a point, ils ne peuvent concerner que la mere. (a)

I

CHAPITRE IV.

Des Familles.

L eft prefque reçu partout, que la femme paffe dans la famille du mari. Le contraire eft fans aucun inconvénient, éta bli à Formofe (b), où le mari va former celle de la femme.

Cette Loi qui fixe la famille dans une fuite de perfonnes du même fexe, contribue beaucoup, indépendamment des premiers motifs, à la propagation de l'efpece humaine. La famille est une forte de propriété : un homme qui a des enfans du fexe qui ne la perpétue pas, n'eft jamais content, qu'il n'en ait de celui qui la perpétue.

Les noms qui donnent aux hommes l'idée d'une chofe qui femble ne devoir pas périr, font très-propres à infpirer à chaque famille le defir d'étendre fa durée. Il y a des Peuples, chez lefquels les noms diftinguent les familles ; il y en a où ils ne diftinguent que les perfonnes, ce qui n'eft. pas fi bien.

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De divers Ordres de Femmes légitimes.

UELQUEFOIS les Loix & la Religion ont établi plufieurs fortes de conjonctions civiles; & cela eft ainfi chez les Mahométans, où il y'a divers ordres de femmes, dont les enfans

(a) C'eft pour cela que chez les Nations qui ont des Efclaves, l'enfant fuit prefque Part. II,

toûjours la condition de la mere.
(b) Le P. Duhalde, Tom. I. pag. 165.
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fe reconnoiffent par la naiffance dans la maifon, ou par des con. trats civils, ou même par l'esclavage de la mere, & la reconnoiffance fubféquente du pere..

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Il feroit contre la raison, que la Loi flétrît dans les enfans, ce qu'elle a approuvé dans le pere: tous ces enfans y doivent donc fuccéder, à moins que quelque raifon particuliere ne s'y oppofe, comme au Japon, où il n'y a que les enfans de la femme donnée par l'Empereur qui fuccedent. La politique y exige, que les biens que l'Empereur donne ne foient pas trop partagés, parce qu'ils font foumis à un fervice, comme étoient autrefois nos Fiefs.

CHAPITRE VI.

Des Loix fur les Bátards.

ANs les Républiques, où il eft néceffaire que les mœurs pures, les bâtards doivent être plus flétris que dans

Difoient

les Monarchies.

On fit peut-être à Rome des difpofitions trop dures contr'eux. Mais les inftitutions anciennes, mettant tous les Citoyens dans la néceffité de se marier, les mariages étant d'ailleurs adoucis. par la permiffion de répudier ou de faire divorce; il n'y avoit qu'une très-grande corruption de moeurs, qui pût porter au concubinage.

Il faut remarquer, que la qualité de Citoyen étant confidérable dans les Démocraties, où elle emportoit avec elle la fouveraine puiffance, il s'y faifoit fouvent des Loix fur l'état des bâtards, qui avoient moins de rapport à la chose même & à l'honnêteté du mariage, qu'à la conftitution particuliere de la Répu blique. Ainfi, le Peuple a quelquefois reçu pour (a) Citoyens les bâtards, afin d'augmenter fa puiffance contre les Grands. Ainfi, à Athenes le Peuple retrancha les bâtards. du nombre des Citoyens, pour avoir une plus grande portion du blé que lui avoit envoyé le Roi d'Egypte. Enfin, Ariftote (b) nous apprend, que dans plufieurs Villes, lorfqu'il n'y avoit pas affez de Citoyens, les bâtards fuccédoient; & que, quand il y en avoit affez, ils ne fuccédoient pas..

(a) Voy. Ariftote, Politique, Liv. v. (b) Ibid. Liv. 111. Chap. 3. Chap. 4..

CHAPITRE

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