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fes expreffes pour qu'ils puffent s'y recommander; ce qui fait voir que, depuis le Traité d'Andely, un nouvel ufage s'introduifoit, par lequel les Hommes libres étoient devenus capables de cette grande prérogative..

Čela dut arriver lorfque Charle - Martel ayant diftribué les biens de l'Eglife à fes foldats & les ayant donnés, partie en Fief, partie en Alleu, il fe fit une efpece de révolution dans les Loix féodales.. Il eft vraissemblable que les Nobles qui avoient déja des Fiefs, trouverent plus avantageux de recevoir les nouveaux dons en Alleu, & que les Hommes libres fe trouverent encore trop heureux de les recevoir en Fief..

CHAPITRE XX I V.

Caufe principale de l'affoiblissement de la feconde

CH

Race..

Changemens dans les Alleux..

HARLEMAGNE, dans le partage (a) dont j'ai parlé au Chapitre précédent, régla qu'après fa mort les Hommes de chaque Roi recevroient des Bénéfices dans le Royaume de leur Roi, & non dans le Royaume (b) d'un autre, au lieu qu'on conferveroit fes Alleux dans quelque Royaume que ce fût. Mais il ajoute (c) que tout Homme libre pourroit, après la mort de fon Seigneur, ferecommander pour un Fief dans les trois Royau mes à qui il voudroit, de même que celui qui n'avoit jamais eu de Seigneur.On trouve les mêmes difpofitions dans le partage (d) que fit Louis le Débonnaire à fes enfans, l'an 817.

Mais quoique les Hommes libres fe recommandaffent pour un Fief, la Milice du Comte n'en étoit point affoiblie; il falloit toû-jours que l'Homme libre contribuât pour fon Alleu, & préparât

(a) De l'an 806, entre Charle, Pepin & Louis; il eft rapporté par Goldaste & par Baluze, tom. I, pag. 439.

(b) Art. 9, pag. 443: ce qui eft conforme au Traité d'Andely, dans Gregoire de Tours,

Liv. IX.

(c) Art. to; & il n'eft point parlé de ceci dans le Traité d'Andely.

(d) Dans Baluze, tom. I, pag. 574. Licen tiam habeat unufquifque Liber homo qui Seniorem non habuerit, cuicumque ex his tribus fratribus voluerit, fe commendandi, art. 9. Voy. auffi le partage que fit le même Empe reur l'an 837, art. 6, edit, de Baluze, pag, 686,

dés

des gens qui en fiffent le fervice, à raifon d'un homme pour quatre manoirs, ou bien qu'il préparât préparât un homme qui fervît pour lui le Fief; & quelques abus s'étant introduits là-deffus, ils furent corrigés, comme il paroît par les Conftitutions (a) de Charle-Magne, & par celle (b) de Pepin Roi d'Italie, qui s'expliquent l'une l'autre.

Ce que les Hiftoriens ont dit que la Bataille de Fontenay caufa la ruine de la Monarchie, eft très-vrai: mais qu'il me foit permis de jetter un coup d'œil fur les funeftes conféquences de cette Journée.

Quelque tems après cette Bataille, les trois freres Lothaire, Louis & Charles firent un Traité (c) dans lequel je trouve des claufes qui dûrent changer tout l'Etat politique chez les François.

Dans l'Annonciation (d) que Charles fit au Peuple de la partie de ce Traité qui le concernoit,il dit que (e) tout Homme libre pourroit choisir pour Seigneur qui il voudroit, du Roi ou des autres Seigneurs. Avant ce Traité, l'Homme libre pouvoit fe recommander pour un Fief: mais fon Alleu reftoit toûjours fous la puissance: immédiate du Roi, c'est-à-dire, fous la Jurifdiction du Comte; &. il ne dépendoit du Seigneur auquel il s'étoit recommandé, qu'à raifon du Fief qu'il en avoit obtenu. Depuis ce Traité, tout Homme libre pût foûmettre fon Alleu au Roi, ou à un autre Seigneur,, à fon choix. Il n'eft point queftion de ceux qui fe recommandoient pour un Fief, mais de ceux qui changeoient leur Alleu en Fief, & fortoient, pour ainfi dire, de la Jurifdiction civile, pour entrer dans la Puiffance du Roi ou du Seigneur qu'ils vouloient choifir.

Ainfi ceux qui étoient autrefois nuement fous la puiffance du: Roi, en qualité d'Hommes libres fous le Comte, devinrent infenfiblement Vaffaux les uns des autres, puifque chaque Homme libre pouvoit choisir pour Seigneur qui il youloit, ou du Roi out des autres Seigneurs..

(a) De l'an 811, édition de Baluze, tom. I, pag. 486, art. 7 & 8 ; & celle de l'an 812, ibid. pag. 490, art. 1. Ut omnis Liber homo qui quatuor manfos veftitos de proprio fuo, Jive de alicujus beneficio, habet, ipfe fe præparet, & ipfe in hoftem pergat, five cum Seniore fuo, &c. Voy. auffi le Capit. de l'an 807, édition de Baluze, tom. I, pag. 458.

(b) De l'an 793, inférée dans la Loi des

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2°. Qu'un homme changeant en Fief une terre qu'il poffédoit à perpétuité, ces nouveaux Fiefs ne pouvoient plus être à vie. Auffi voyons-nous un moment après, une Loi (a) générale pour donner les Fiefs aux enfans du poffeffeur: elle eft de Charles le Chauve, un des trois Princes qui contracterent.

Ce que j'ai dit de la liberté qu'eurent tous les hommes de la Monarchie, depuis le Traité des trois freres, de choifir pour Seigneur qui ils vouloient, du Roi ou des autres Seigneurs, fe confirme par les actes paffés depuis ce tems-là.

Du tems de (b) Charle-Magne, lorfqu'un Vaffal avoir reçu d'un Seigneur une chofe, ne valût-elle qu'un fou, il ne pouvoit plus le quitter. Mais fous Charles le Chauve,les Vaffaux purent (c) impunément fuivre leurs intérêts ou leur caprice; & ce Prince s'exprime fi fortement là-deffus, qu'il femble plutôt les inviter à jouir de cette liberté, qu'à la reftreindre. Du tems de Charle-Magne les bénéfices étoient plus perfonnels que réels; dans la fuite ils devinrent plus réels que perfonnels.

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I

CHAPITRE XXV..

Changemens dans les Fiefs.

L n'arriva pas de moindres changemens dans les Fiefs que dans les Alleux. On voit par le Capitulaire (e) de Compiegne, fait fous le Roi Pepin, que ceux à qui le Roi donnoit un bénéfice donnoient eux-mêmes une partie de ce bénéfice à divers Vasfaux; mais ces parties n'étoient point diftinguées du tout. Le Roi les ôtoit lorfqu'il ôtoit le tout; & à la mort du Leude, le Vassal perdoit auffi fon arriere-Fief; un nouveau bénéficiaire venoit, qui

(a) Capitulaire de l'an 877, tit. 53, art. 9 & 10, apud Carifiacum: Similiter & de no Aris Vaffallis faciendum eft, &c. ce Capitulaire fe rapporte à un autre de la même année & du même lieu, art. 3.

(b) Capitulaire d'Aix-la-Chapelle, de l'an 813, art. 16, Quod nullus Seniorem fuum dimittat, poftquam ab eo acceperit valente foli dum unum; & le Capitulaire de Pepin, de l'an 783, art. 5.

(c) Voy. le Capitulaire de Carifiaco, de L'an 856, art. 10 & 13, édition de Baluze,

tom. II, pag. 83, dans lequel le Roi & les
Seigneurs Eccléfiaftiques & Laïques convin-
rent de ceci : Et fi aliquis de vobis fit cui fuus
Senioratus non placet, & illi fimulat ad alium
Seniorem meliùs quàm ad illum acaptare pof-
fit, veniat ad illum, & ipfe tranquillè & pa-
cifico animo donat illi commeatum...
& quod
Deus illi cupierit ad alium Seniorem acaptare
potuerit, pacificè habeat.

(d) De l'an 757, art. 6, édition de Balu. ze, pag. 181.

établiffoit

établiffoit auffi de nouveaux arriere-Vaffaux. Ainfi l'arriere-Fiet ne dépendoit point du Fief; c'étoit la perfonne qui dépendoit: d'un côté, l'arriere - Vaffal revenoit au Roi, parce qu'il n'étoit pas attaché pour toûjours au Vaffal; & l'arriere-Fief revenoit de même au Roi, parce qu'il étoit le Fief même, & non pas une dépendance du Fief.

Tel étoit l'arriere- Vaffelage lorfque les Fiefs étoient amovibles, tel il étoit encore pendant que les Fiefs furent à vie. Cela changea, lorfque les Fiefs pafferent aux héritiers, & que les arriere-Fiefs y pafferent de même. Ce qui relevoit du Roi immédiatement, n'en releva plus que médiatement; & la puiffance Royale fe trouva, pour ainfi dire, reculée d'un dégré, quelquefois de deux, & fouvent davantage.

On voit dans les Livres (a) des Fiefs, que quoique les Vaffaux du Roi puffent donner en Fief, c'est-à-dire, en arriere - Fief du Roi, cependant ces arriere-Vaffaux ou petits Vavaffeurs ne pouvoient pas de même donner en Fief; de forte que ce qu'ils avoient donné, ils pouvoient toûjours le reprendre. D'ailleurs une telle conceffion ne paffoit point aux enfans comme les Fiefs, parce. qu'elle n'étoit point cenfée faite felon la Loi des Fiefs.

Si l'on compare l'état où étoit l'arriere-Vaffelage du tems que les deux Sénateurs de Milan écrivoient ces Livres, avec celui où il étoit du tems du Roi Pepin, on trouvera que les arriere-Fiefs conferverent plus long-tems (b) leur nature primitive, que les Fiefs...

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Mais lorsque ces Sénateurs écrivirent, on avoit mis des exceptions fi générales à cette regle, qu'elles l'avoient prefque anéan tie. Car fi celui (c) qui avoit reçû un Fief du petit Vavaffeur, l'avoit fuivi à Rome dans une expédition, il acquéroit tous les droits de Vaffal: de même, s'il avoit donné de l'argent au petit Vavalfeur pour obtenir le Fief, celui-ci ne pouvoit le lui ôter, ni l'empêcher de le tranfmettre à fon fils, jufqu'à ce qu'il lui eût rendu fon argent: enfin, cette regle (d) n'étoit plus fuivie dans le Sénar

de Milan.

a) Liv. I. chap. 1.

(b) Au moins en Italie & en Allemagne.

(c) Liv. I. des Fiefs, ch. 1.
(d) Ibid,

CHAPITRE

D

CHAPITRE XXV I.

Autre changement arrivé dans les Fiefs.

U tems de Charle-Magne (a) on étoit obligé, fous de grandes peines, de fe rendre à la convocation pour quelqueguerre que ce fût; on ne recevoit point d'excuses; & le Comte qui auroit exemté quelqu'un, auroit été puni lui-même. Mais le Traité des trois freres (b) mit là-deffus une restriction (c) qui tira, pour ainfi dire, la Nobleffe de la main du Roi; on ne fut plus tenu de fuivre le Roi à la guerre, que quand cette guerre étoit défenfive. Il fut libre, dans les autres, de fuivre fon Seigneur, ou de vaquer à fes affaires.

La mort de cent mille François à la Bataille de Fontenay, fit penfer à ce qui reftoit encore de Nobleffe, que par les querelles particulieres de fes Rois fur leur partage, elle feroit enfin exterminée, & que leur ambition & leur jaloufie feroit verser tout ce qu'il y avoit encore de fang à répandre. On fit cette Loi, , que la Nobleffe ne feroit contrainte de fuivre les Princes à la guerre, que lorfqu'il s'agiroit de défendre l'Etat contre une invasion étrangere. Elle fut en usage (d) pendant plufieurs fiecles.

CHAPITRE XXVII.

Changemens arrivés dans les grands Offices & dans les Fiefs.

I

L fembloit que tout prît un vice particulier, & fe corrompît en même tems. J'ai dit que, dans les premiers tems, plufieurs Fiefs avoient été aliénés à perpétuité; mais c'étoient des cas particuliers, & les Fiefs en général confervoient toûjours leur propre

(a) Capitulaire de l'an 802, art. 7, édition de Baluze, p. 365.

(b) Apud Marfnam, l'an 847, édition de Baluze,

, pag. 42.

(c) Volumus ut cujufcumque noftrum homo in cujufcumque Regno fit, cum Seniore fuo in hoftem, vel aliis fuis utilitatibus, pergat, nifi talis Regni invafio quam Lamtuveri dicunt,

quod abfit, acciderit, ut omnis Populus illius Regni ad eam repellendam communiter pergat, art. 5, ibid. pag. 44.

(d) Voy. la Loi de Guy Roi des Romains, parmi celles qui ont été ajoûtées à la Loi Saligne & à celle des Lombards, tit. 6, 9.2, dans Echard.

nature

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