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pel de Défaute de Droit, la partie ajournée devant le Seigneur Suzerain, menoit fon Seigneur avec elle, afin que, fi la Défaute n'étoit pas prouvée, il pût r'avoir fa Cour.

Dans la fuite, ce qui n'étoit que deux cas particuliers étant devenú général pour toutes les affaires, par l'introduction de toutes fortes d'Appels, il parut extraordinaire que le Seigneur fût obligé de paffer fa vie dans d'autres Tribunaux que les fiens, & pour d'autres affaires que les fiennes. Philippe de Valois (a) ordonna que les Baillifs feuls feroient ajournés ; & quand l'ufage des Appels devint encore plus fréquent, ce fut aux parties à défendre à Appel; le fait (b) du Juge devint le fait de la partie.

J'ai (c) dit que, dans l'Appel de Défaute de Droit, le Seigneur ne perdoit que le droit de faire juger l'affaire en fa Cour. Mais file Seigneur étoit attaqué lui-même comme partie (d), ce qui devint très (e) fréquent, il payoit au Roi ou au Seigneur Suzerain, devant qui on avoit appellé, une amende de foixante livres. De-là vint cet ufage, lorfque les Appels furent univerfellement reçus, de faire payer l'amende au Seigneur lorfqu'on réformoit la Sentence de fon Juge : usage qui fubfifta long-tems, qui fut confirmé par l'Ordonnance de Rouffillon, & que fon abfurdité a fait périr.

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CHAPITRE XXXIII.

Continuation du même fujet.

ANs la pratique du Combat judiciaire, le Fauffeur qui avoit appellé un des Juges, pouvoit perdre (f) par le Combat fon procès, & ne pouvoit pas le gagner. En effet, la partie qui avoit un Jugement pour elle, n'en devoit pas être privée par le fait d'autrui. Il falloit donc que le Fauffeur qui avoit vaincu, combattît encore contre la partie : non pas pour favoir fi le Jugement étoit bon ou mauvais; il ne s'agiffoit plus de ce Jugement, puifque le Combat l'avoit anéanti: mais pour décider fi la demande étoit légitime ou non; & c'eft fur ce nouveau point que l'on combattoit. De-là doit être venue notre maniere de prononcer les

(a) En 1332.

(b) Voy quel étoit l'état des chofes du tems de Boutillier qui vivoit en l'an 1402, Somme Rurale, Liv. 1, pag. 19 & 20,

(c) Ci-deffus, ch. 30.

(d) Beauman. ch. 61, pag. 312 & 318, (e) Beauman. Ibid.

(f) Défont. ch. 21, art, 14,

'Arrêts:

Arrêts: La Cour met l' Appel au néant; la Cour met l Appel & ce dont a été appellé au néant. En effet, quand celui qui avoit appellé de faux Jugement étoit vaincu, l'Appel étoit anéanti; quand il avoit vaincu, le Jugement étoit anéanti & l'Appel même : il falloit procéder à un nouveau Jugement.

dit

Ceci eft fi vrai que, lorsque l'affaire se jugeoit par enquêtes, cette maniere de prononcer n'avoit pas lieu; témoin ce que Mr de la Roche-Flavin (a), que la Chambre des Enquêtes ne pouvoit user de cette forme dans les premiers tems de fa création.

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Comment la Procédure devint fecrete.`

Es Duels avoient introduit une forme de procédure publique; l'attaque & la défense étoient également connues: « les témoins, dit (b) Beaumanoir, doivent dire leur témoignage de

vant tous. »

Le Commentateur de Boutillier dit avoir appris d'anciens Praticiens & de quelques vieux procès écrits à la main, qu'anciennement en France les procès criminels fe faifoient publiquement, & en une forme non guere différente des Jugemens publics des Romains. Ceci étoit lié avec l'ignorance de l'écriture, commune dans ces tems-là. L'usage de l'écriture arrête les idées, & peut faire établir le secret : mais quand on n'a point cet ufage, il n'y a que la publicité de la procédure qui puiffe fixer ces mêmes idées.

Et comme il pouvoit y avoir de l'incertitude fur (c) ce qui avoit été jugé par hommes ou plaidé devant hommes, on pouvoit en rappeller la mémoire toutes les fois qu'on tenoit la Cour, par ce qui s'appelloit la procédure par record (d); & dans ce cas, il n'étoit pas permis d'appeller les témoins au Combat; car les affaires n'auroient jamais eu de fin.

Dans la fuite, il s'introduifit une forme de procéder fecrete. Tout étoit public; tout devint caché; les interrogatoires, les informations, le récollement, la confrontation, les conclufions de la partie publique; & c'eft l'ufage d'aujourd'hui. La premie

(a) Des Parlemens de France, Liv.1, ch. 16. (b) Ch. 61, pag. 315. c) Comme dit Beaum. ch. 39, p. 209.

(c) On prouvoit par témoins ce qui s'étoit déja paffé, dit, ou ordonné en Juftice.

re

re forme de procéder convenoit au Gouvernement d'alors, comme la nouvelle étoit propre au Gouvernement qui fut établi depuis.

Le Commentateur de Boutillier fixe à l'Ordonnance de 1539 l'époque de ce changement. Je crois qu'il fe fit peu à peu, & qu'il paffa de Seigneurie en Seigneurie, à mefure que les Seigneurs renoncerent à l'ancienne pratique de juger, & que celle tirée des Etablissemens de S. Louis vint à fe perfectionner. En effet, Beaumanoir (a) dit que ce n'étoit que dans les cas où on pouvoit donner des gages de bataille qu'on entendoit publiquement les témoins : dans les autres, on les oyoit en fecret, & on rédigeoit leurs dépofitions par écrit. Les procédures devinrent donc fecrettes, lorfqu'il n'y eut plus de gages de bataille.

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CHAPITRE X X X V.

Des Dépens.

NCIENNEMENT en France il n'y avoit point de condamnation de dépens (b) en Cour Laye. La partie qui fuccomboit étoit affez punie par des condamnations d'amende envers le Seigneur & fes Pairs. La maniere de procéder par le Combat judiciaire faifoit que, dans les crimes, la partie qui fuccomboit & qui perdoit la vie & les biens, étoit punie autant qu'elle pouvoit l'être ; & dans les autres cas du Combat judiciaire, il y avoit des amendes quelquefois fixes, quelquefois dépendantes de la volonté du Seigneur, qui faifoient affez craindre les évenemens des procès. Il en étoit de même dans les affaires qui ne fe décidoient que par le Combat. Comme c'étoit le Seigneur qui avoit les proits principaux, c'étoit lui auffi qui faifoit les principales dépenses, foit pour affembler fes Pairs, foit pour les mettre en état de procéder au Jugement. D'ailleurs les affaires finiffant fur le lieu même, & toûjours prefque fur le champ, & fans ce nombre infini d'écritures qu'on vit depuis, il n'étoit pas néceffaire de donner des dépens aux parties.

C'eft l'ufage des Appels qui doit naturellement introduire celui

(a) Ch. 39, pag. 218.

22, art, 3 & 8 ; & Beauman. ch. 33; Eta

(b) Défontaines, dans fon Confeil, ch. bliffemens, Liv. 1. ch. 90.

Part. II.

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de donner des dépens. Aufli Défontaines (a) dit-il que, lorfque l'on appelloit par Loi écrite, c'est-à-dire, que lorfque l'on fuivoit les nouvelles Loix de S. Louis, on donnoit des dépens; mais que dans l'ufage ordinaire, qui ne permettoit point d'appeller fans fauffer, il n'y en avoit point; on n'obtenoit qu'une amende, & la poffeffion d'an & jour de la chose contestée, fi l'affaire étoit renvoyée au Seigneur.

Mais lorfque de nouvelles facilités d'appeller augmenterent le nombre des Appels (b); que par le fréquent ufage de ces Appels d'un Tribunal à un autre, les parties furent fans ceffe tranfportées hors du lieu de leur féjour; quand l'art nouveau de la procédure multiplia & éternifa les procès; lorfque la fcience d'éluder les demandes les plus juftes fe fut rafinée; quand un plaideur fçut fuir, uniquement pour fe faire fuivre; lorfque la demande fut ruineufe & la défenfe tranquile; que les raifons fe perdirent dans des volumes de paroles & d'écrits ; que tout fut plein deSuppôts de Juftice qui ne devoient point rendre la juftice; que la mauvaise foi trouva des conseils, là où elle ne trouva pas des appuis ; il fallut bien arrêter les plaideurs par la crainte des dépens. Ils durent les payer, pour la décifion, & pour les moyens qu'ils avoient employés pour l'éluder. Charles le Bel fit là-deffus une Ordonnance (c) générale.

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CHAPITRE XXXV I.

De la Partie publique.

OMME par les Loix Saliques & Ripuaires, & par les autres Loix des peuples Barbares, les peines des crimes étoient pécuniaires; il n'y avoit point pour lors, comme aujourd'hui parmi nous, de partie publique qui fut chargée de la pourfuite des crimes. En effet, tout le réduifoit en réparations de dommages ; toute pourfuite étoit en quelque façon civile, & chaque particulier pouvoit la faire. D'un autre côté, le Droit Romain avoit des formes populaires pour la pourfuite des crimes, qui ne pouvoient s'accorder avec le miniftere d'une partie publique..

(a) Ch. 22. art. 8.

dit Boutillier; Somme Rurale, Liv. 1, tit 3 (c) En 1324.

(b) A préfent que l'on est si enclin à appeller, pag. 16.

L'ufage

L'ufage des Combats judiciaires ne répugnoit pas moins à cette idée; car, qui auroit voulu être la partie publique, & fe faire Champion de tous contre tous?

Je trouve dans un Recueil de Formules que M. Muratori a inférées dans les Loix des Lombards, qu'il y avoit dans la feconde Race un Avoüé de la partie (a) publique. Mais fi on lit le Recueil entier de ces Formules, on verra qu'il y avoit une différence totale entre ces Officiers, & ce que nous appellons aujourd'hui la partie publique, nos Procureurs Généraux, nos Procureurs du Roi ou des Seigneurs. Les premiers étoient plutôt les agens du Public pour la manutention politique & domeftique, que pour la manutention civile. En effet, on ne voit point dans ces Formules qu'ils fuffent chargés de la pourfuite des crimes, & des affaires qui concernoient les mineurs, les Eglifes, ou l'état des perfonnes.

J'ai dit que l'établissement d'une partie publique répugnoit à l'ufage du Combat judiciaire. Je trouve pourtant, dans une de ces Formules, un Avoüé de la partie publique, qui a la liberté de combattre. M. Muratori l'a mife à la fuite de la Conftitution (b) d'Henri I, pour laquelle elle a été faite. Il eft dit dans cette Conftitution que, « fi quelqu'un tue fon pere, fon frere, fon neveu, ou quelqu'autre de fes parens, il perdra leur fucceffion, qui paffera aux autres parens, & que la fienne propre appartiendra au fifc. » Or c'eft pour la pourfuite de cette fucceffion dévolue au fifc, que l'Avoüé de la partie publique, qui en foûtenoit les droits, avoit la liberté de combattre ce cas rentroit dans la regle générale.

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Nous voyons dans ces Formules l'Avoüé de la partie publique agir contre (c) celui qui avoit pris un voleur & ne l'avoit pas mené au Comte; contre celui (d) qui avoit fait un foulévement ou une affemblée contre le Comte; contre celui (e) qui avoit fauvé la vie à un homme que le Comte lui avoit donné pour le faire mourir ; contre l'Avoüé des Eglifes (ƒ) à qui le Comte avoit ordonné de lui préfenter un voleur, & qui n'avoit point obéi; contre celui (g) qui avoit révélé le fecret du Roi aux étrangers; contre celui (h) qui à main armée avoit poursuivi

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