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Histoires de toutes les Nations n'en être que les fuites, & chaque Loi particuliere liée avec un autre Loi, ou dépendre d'une autre plus générale.

Quand j'ai été rappellé à l'Antiquité, j'ai cherché à en prendre l'efprit, pour ne pas regarder comme femblables des cas réellement différens, & ne pas manquer les différences de ceux qui paroiffent femblables.

Je n'ai point tiré mes principes de mes préjugés, mais de la nature des chofes!

Ici, bien des vérités ne fe feront fentir qu'après qu'on aura vû la chaîne qui les lie à d'autres. Plus on réfléchira fur les détails, plus on fentira la certitude des principes. Ces détailsmêmes, je ne les ai pas tous donnés, car qui pourroit dire tout fans un mortel ennui?

On ne trouvera point ici ces traits faillans qui femblent caractériser les Ouvrages d'aujour d'hui. Pour peu qu'on voye les chofes avec une certaine étendue, les faillies s'évanouiffent; elles ne naiffent d'ordinaire que parce que l'efprit fe jette tout d'un côté & abandonne tous les autres.

Je n'écris point pour cenfurer ce qui est établi dans quelques pays que ce foit. Chaque Nation trouvera ici les raifons de fes maximes; & on en tirera naturellement cette conféquence,

qu'il n'appartient de propofer des changemens qu'à ceux qui font affez heureusement nés pour pénétrer d'un coup de génie toute la Constitu

tion d'un Etat.

Il n'est pas indifférent que le Peuple soit éclairé. Les préjugés des Magiftrats ont commencé par être les préjugés de la Nation. Dans un tems d'ignorance on n'a aucun doute, même lorf-. qu'on fait les plus grands maux; dans un tems de lumiere, on tremble encore lorfqu'on fait les plus grands biens. On fent les abus anciens on en voit la correction; mais on voit encore les abus de la correction même. On laiffe lemal, fi l'on craint le pire; on laisse le bien, fi l'on eft en doute du mieux. On ne regarde les parties que pour juger du tout ensemble; on examine toutes les caufes pour voir les réful

tats.

Si je pouvois faire enforte que tout le mon de eût de nouvelles raifons pour aimer fes devoirs, fon Prince, fa Patrie, fes Loix, qu'on pût mieux fentir fon bonheur dans chaque pays & dans chaque Gouvernement, dans chaque pofte où l'on fe trouve; je me croirois le plus heureux des mortels.

Si je pouvois faire enforte que ceux qui commandent augmentaffent leurs connoiffances fur ce qu'ils doivent prefcrire, & que ceux qui obéiffent

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obéissent trouvassent un nouveau plaifir à obéir, je me croirois le plus heureux des mortels,

Je me croirois le plus heureux des mortels, fi je pouvois faire que les hommes pussent se guérir de leurs préjugés. J'appelle ici préjugés, non pas ce qui fait qu'on ignore de certai nes chofes, mais ce qui fait qu'on s'ignore formême.wa

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C'eft en cherchant à inftruire les hommes que l'on peut pratiquer cette vertu générale qui comprend l'amour de tous. L'homme, cet Etre flexible fe pliant dans la Société aux pensées & aux impressions des autres, est également capable de connoître fa propre nature lorsqu'on la lui montre, & d'en perdre jufqu'au fentiment lorsqu'on la lui dérobe.

J'ai bien des fois commencé & bien des fois abandonné cet Ouvrage; j'ai mille fois envoyé. aux (a) vents les feuilles que j'avois écrites ; je fentois tous les jours les mains paternelles tomber (b); je fuivois mon objet fans former de deffein; je ne connoiffois ni les regles ni les exceptions; je ne trouvois la vérité que pour la perdre. Mais quand j'ai découvert mes principes, tout ce que je cherchois eft venu à moi; & dans le cours de vingt années, j'ai vû mon Ouvrage commencer, croître, s'avancer & finir.

(a) Ludibria ventis.

(b) Bis patriæ cecidere manus........

Si cet ouvrage a du fuccès, je le devrai beaucoup à la majefté de mon fujet, cependant je ne crois pas avoir totalement manqué de génie. Quand j'ai vu ce que tant de Grands hommes en France, en Angleterre & en Allemagne ont écrit avant moi, j'ai été dans l'admiration, mais je n'ai point perdu le courage: & moi aussi je fuis (a) peintre, ai-je dit avec le Corrège.

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Ous donnons une nouvelle Edition de l'Efprit des Loix, dont nous pouvons affûrer fans témérité, que le Public fera plus content que des précédentes: elle eft infiniment plus correcte, plus finie, & plus ornée. On n'y verra aucune des fautes typographiques, qui défiguroient celleslà prefque à chaque page. L'Auteur a eu la bonté de nous envoyer un errata de fa main, auquel nous nous fommes exactement conformés. -I a même porté l'éponge jufques fur quelques légeres négligences de ftyle, mais toujours fans faire aucune altération au fond des matieres, qui font traitées trop judicieufement, pour qu'il foit dans le cas d'y rien réformer. Si quelqu'un cependant avoit lå-deffus des défiances, rien n'eft fi facile que de lever fes foupçons: Il refte des pieces de comparaifon; les précédentes Editions ne font pas anéanties..

Bien loin de donner une Edition aucunement mutilée ou frelatée, nous avons pouflé la délicateffe, jufqu'à ne pas vouloir réformer par des cartons, quelques endroits pour lefquels l'Auteur nous a envoyé de nouvelles corrections depuis l'impreffion. Les cartons n'ont point de faveur dans le Public, on y auroit crû bien du myftere. Cependant afin de fatisfaire tout à la fois le Public & l'Auteur: Voilà les deux plus effentielles de ces corrections venues après coup.

Page 112. Changez le dernier article du Chap. V. & mettez ainsi. Il est étonnant qu'on puiffe imputer à ce grand homme d'avoir méconnu l'efprit de fa propre Religion, qu'il n'ait pas fçu diftinguer les ordres pour l'établiffement du Chriftianifme d'avec le Chriftianifine même, ni les préceptes de l'Evangile d'avec fes confeils: lorfque le Légiflateur, au lieu de donner des Loix, a donné des confeils, c'eft qu'il a vû que fes confeils, s'ils étoient ordonnés comme des Loix, feroient contraires à l'efprit de ses Loix.

Page 146. Otez toute la partie du Chap. V. qui commence depuis ces mots, Que dans le troifiéme il leur avoit rendu, jufqu'à la fin dudit Chap. & mettez ainsi. Que dans le troifiéme il leur avoit rendu infupportable une vie qu'ils trouvoient tant de difficulté à foûtenir. La Loi n'envifageoit plus le pere & le fils que comme deux Citoyens, ne ftatuoit plus que fur des vûes politiques & civiles, elle confidéroit que dans une bonne République il faut furtout des mœurs. Je crois bien que la Loi de Solon étoit bonne dans les deux premiers cas, foit celui où la nature laiffe ignorer au fils quel eft fon pere, foit celui où elle femble même lui ordonner de le méconnoître: mais on ne fauroit l'approuver dans le troifiéme où le pere n'avoit violé qu'un Réglement civil.

Les autres corrections ne méritent pas même place dans un Errata, parce que ce font moins des corrections proprement dites, que des retouches.

Nous avons auffi augmenté cette Édition d'une Table de Matieres très-ample, qui forme un précis exact, & un répertoire commode, à l'aide duquel on trouvera rangées dans un ordre alphabétique toutes les matieres intéreffantes éparfes dans l'Ouvrage.

Enfin, dans la vûe de ne laiffer rien à défirer au Lecteur, nous avons fait faire pour l'intelligence des matieres de commerce, une Carte Géographique dans laquelle on trouve la fituation des Places de commerce, Échelles, Bureaux, Étapes, &c. En un mot, nous n'avons rien omis de ce que nous avons cru capable de rendre la préfente Édition utile & agréable au Public.

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