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la dignité de Roi, & que l'Empereur Arnoul l'avoit investi par le Sceptre & par le Miniftere de fes Ambaffadeurs. Le Royaume d'Arles, comme les autres démembrés ou dépendans de l'Empire de Charle-Magne, étoit électif & héréditaire.

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CHAPITRE XVIII.

CHARLEMAGNE.

HARLE-MAGNE fongea à tenir le pouvoir de la Nobleffe dans fes limites, & à empêcher l'oppreffion du Clergé & des Hommes libres; il mit un tel tempérament dans les Ordres de l'Etat, qu'ils furent contrebalancés, & qu'il refta le maître. Tout fut uni par la force de fon génie; il mena continuellement la Nobleffe d'expédition en expédition; il ne lui laiffa pas le tems de former des deffeins, & l'occupa toute entiere à fuivre les fiens. L'Empire fe maintint par la grandeur du Chef; le Prince étoit grand, l'homme l'étoit davantage. Les Rois fes enfans furent fes premiers Sujets, les inftrumens de fon pouvoir & les modeles de l'obéiffance. Il fit d'admirables Reglemens; il fit plus, il les fit exécuter. Son génie se répandit fur toutes les parties de l'Empire. On voit dans les Loix de ce Prince un efprit de prévoyance qui comprend tout, & une certaine force qui entraîne tout; les prétextes (a) pour éluder les devoirs font ótés, les négligences corrigées, les abus réformés ou prévenus; il fçavoit punir, il fçavoit encore mieux pardonner. Vafte dans fes deffeins, fimple dans l'exécution, perfonne n'eut à un plus haut dégré l'art de faire les plus grandes chofes avec facilité, & les difficiles avec promptitude. Il parcouroit fans ceffe fon vafte Empire, portant la main par-tout où il alloit tomber. Les affaires renaiffoient de toutes parts, il les finiffoit de toutes parts. Jamais Prince ne fçut mieux braver les dangers, jamais Prince ne les fçut mieux éviter. Il fe joua de tous les périls, & particulierement de ceux qu'éprouvent prefque toûjours les grands Conquérans, je veux dire les confpirations. Ce Prince prodigieux étoit extremement

(a) Voy. fon Capitulaire 3 de l'an 811, pag. 486, art. 1, 2, 3, 4, 6, 7 & 8 ; & le Capitulaire I de l'an 812, pag. 490, art. 1;

& le Capitulaire de la même année, p. 494, art. 9 & 11, & autres.

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modéré;

modéré; fon caractere étoit doux, fes manieres fimples; il aimoit à vivre avec les gens de fa Cour. Il fut peut-être trop fenfible au plaifir des femmes: mais un Prince qui gouverna toûjours par luimême, & qui paffa fa vie dans les travaux, peut mériter plus d'excufes. Il mit une regle admirable dans fa dépense; il fit valoir fes Domaines avec fageffe, avec attention, avec economie ; un pere de famille (a) pourroit apprendre dans fes Loix à gouverner fa maison; on voit dans fes Capitulaires la fource pure & facrée d'où il tira fes richeffes. Je ne dirai plus qu'un mot: il ordonnoit qu'on vendît (b) les œufs des baffe-cours de fes Domaines, & les herbes inutiles de fes jardins ; & il avoit distribué à ses Peuples toutes les richeffes des Lombards & les immenfes tréfors de ces Huns qui avoient dépouillé l'univers.

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HARLE-MAGNE Craignit que ceux qu'il placeroit dans des lieux éloignés ne fuffent portés à la révolte ; il crut qu'il trouveroit plus de docilité dans les Eccléfiaftiques: ainfi il érigea en Allemagne (c) un grand nombre d'Evêchés, & y joignit de grands Fiefs. Il paroît par quelques Chartres que les claufes qui contenoient les prérogatives de ces Fiefs, n'étoient pas différentes de celles qu'on mettoit ordinairement dans ces concef fions (d), quoiqu'on voie aujourd'hui les principaux Eccléfiaftiques d'Allemagne revêtus de la Puiffance fouveraine. Quoi qu'il en foit, c'étoient des pieces qu'il mettoit en avant contre les Saxons. Ce qu'il ne pouvoit attendre de l'indolence ou des négligences d'un Leude, il crut devoir l'efpérer du zele & de l'attention agiffante d'un Evêque; outre qu'un tel Vaffal, bien loin de fe fervir contre lui des Peuples affujettis, auroit au contraire befoin de lui pour fe foûtenir contre fes Peuples.

(a) Voy. le Capitulaire de Villis, de l'an 800; fon Capitulaire 2 de l'an 813, art. 6 & 19; & le Liv. v des Capitulaires, art. 303. (b) Capitulaire de Villis, art. 39. Voyez tout ce Capitulaire, qui eft un chef-d'œuvre de prudence, de bonne administration & d'economie.

(c) Voy. entr'autres la fondation de l'Archevêché de Bréme, dans le Capitulaire de l'an 789, édition de Baluze, pag. 245.

(d) Par exemple, la défente aux Juges Royaux d'entrer dans le territoire pour exiger les Freda & autres Droits. J'en ai beaucoup parlé au Livre précédent.

CHAPITRE

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CHAPITRE XX.

Succeffeurs de CHARLE-MAGNE.

UGUSTE étant en Egypte, fit ouvrir le tombeau d'Alexandre; on lui demanda s'il vouloit qu'on ouvrît ceux des Ptolomées, il dit qu'il avoit voulu voir le Roi & non pas les morts: ainfi, dans l'hiftoire de cette feconde Race, on cherche Pepin & Charle-Magne; on voudroit voir les Rois & non pas les morts.

Un Prince, jouet de fes paffions & dupe de fes vertus mêmes, un Prince qui ne connut jamais fa force ni fa foibleffe, qui ne fçut fe concilier ni la crainte ni l'amour, qui avec peu de vices dans le cœur avoit toutes fortes de défauts dans l'efprit, prit en main les rênes de l'Empire, que Charle-Magne avoit tenues.

Louis le Débonnaire mêlant toutes les complaifances d'un vieux mari avec toutes les foibleffes d'un vieux Roi, mit un défordre dans fa famille, qui entraîna la chûte de la Monarchie. Il changea fans ceffe les partages qu'il avoit faits à fes enfans. Cependant ces partages avoient été confirmés tour à tour par fes fermens, ceux de fes enfans & ceux des Seigneurs. C'étoit vouloir tenter la fidélité de fes fujets; c'étoit chercher à mettre de la confufion, des fcrupules & des équivoques dans l'obéissance ; c'étoit confondre les droits divers des Princes, & rendre leurs titres incertains dans un tems furtout où les fortereffes étant rares, le premier rempart de l'autorité étoit la foi promise & la foi reçue.

Les enfans de l'Empereur, pour maintenir leurs partages, folliciterent le Clergé, & lui donnerent des droits inouis jufqu'alors. Ces droits étoient fpécieux, on faifoit entrer le Clergé en garantie d'une chofe qu'on avoit voulu qu'il autorisât. Agobard (a) repréfenta à Louis le Débonnaire qu'il avoit envoyé Lothaire à Rome pour le faire déclarer Empereur, qu'il avoit fait des partages à fes enfans après avoir confulté le Ciel par trois jours de jeûnes & de prieres. Que pouvoit faire un Prince fuperftitieux attaqué par la fuperftition même ! On fent quel échec l'autorité

(a) Voy. fes Lettres,

fouveraine

modéré; fon caractere étoit doux, fes manieres fimples; il air à vivre avec les gens de fa Cour. Il fut peut-être trop fenf plaifir des femmes: mais un Prince qui gouverna toûjour même, & qui paffa fa vie dans les travaux, peut d'excufes. Il mit une regle admirable dans fa dép fes Domaines avec fageffe, avec attention, ar pere de famille (a) pourroit apprendre dans fa maison; on voit dans fes Capitulaires d'où il tira fes richesses. Je ne dirai plus qu'on vendît (b) les œufs des les herbes inutiles de fes jardins ples toutes les richeffes des Lo de ces Huns qui avoient dépo

CHAPITRE XX.

de CHARLE-MAGNE.

lu voir le Roi & non pas

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Egypte, fit ouvrir le tombeau d'Ale-
les morts:

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LIV. XXXI, CHA P. XX.

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AFITRE XXII.

Continuation du même fujet.

E Clergé eut fujet de fe repentir de la protection qu'il avoit accordée aux enfans de Louis le Débonnaire. Ce Prince, comme j'ai dit, n'avoit jamais donné (a) de Préceptions des biens de l'Eglife aux Laïques : mais bientôt Lothaire en Italie & Pepin en Aquitaine quitterent le plan de Charle-Magne & reprirent celui de

(a) Voy. ce que difent les Evêques dans le Synode de l'an 845, apud Teudonis Villam,

art. 4.

Charles

Charle-Martel. Les Eccléfiaftiques eurent recours à l'Empereur contre fes enfans; mais ils avoient affoibli eux-mêmes l'autorité qu'ils réclamoient. En Aquitaine on eut quelque condescendance, en Italie on n'obéit pas.

Les guerres civiles qui avoient troublé la vie de Loüis le Débonre, furent le germe de celles qui fuivirent fa mort. Les trois Lothaire, Louis & Charles, chercherent chacun de leur côtirer les Grands dans leur parti, & à fe faire des créatures. erent à ceux qui voulurent les fuivre des Préceptions des 'Eglife; & pour gagner la Nobleffe, ils lui livrerent le

XXXI, CHA P. XX.

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E XX.

le

dans les Capitulaires (a) que ces Princes furent obligés
importunité des demandes, & qu'on leur arracha
ils n'auroient pas voulu donner: on y
voit que
plus opprimé par la Nobleffe que par les Rois. Il
Charles le Chauve (b) fut celui qui attaqua le plus
Vergé, foit qu'il fût le plus irrité contre lui parce
Con pere à son occafion, foit qu'il fût le plus
foit, on voit dans les Capitulaires (c) des
entre le Clergé qui demandoit fes biens
it, qui éludoit, ou qui différoit de les ren-

ux.

de pitié, de voir l'état des chofes en ouis le Débonnaire faifoit aux Eglifes maines, fes enfans diftribuoient les Souvent la même main qui fondoit

845, apud , & 4, qui décrit très... chofes; auffi bien que celui de ine année tenu au Palais de Vernes,art. 12; & le Synode de Beauvais encore de la même année, art. 3, 4 & 6; & le Capitulare in Villa Sparnaco, de l'an 846, art. 20; & la Lettre que les Evêques affemblés à Rheims écrivirent l'an 858 à Louis le Germanique, art. 8.

6) Voy. le Capitulaire in Villa Sparnaco de l'an 346. La Noblefle avoit irrité le Roi Contre les Evéques, de forte qu'il les challa de l'Affemblée; on choifit quelques Canons des Synodes, & on leur déclara que ce feroient les feuls qu'on obferveroit; on ne leur accorda que ce qu'il étoit impoffible de leur refu er. Voy. les art. 20, 21 & 22; Voy. auffi la Lettre que les Evêques affemblés écrivi

Part. II.

rent l'an 858 à Louis le Germanique, art. 8, & l'Edit de Pistes, de l'an 864, art. 5.

(c) Voy. le même Capitulaire de l'an 846, in Villa Sparnaco. Voy. aufli le Capi tulaire de l'Affemblée tenue apud Marfnam, de l'an 847, art. 4, dans laquelle le Clergé fe retrancha à demander qu'on le remit en poffeffion de tout ce dont il avoit joui fous le régne de Louis le Débonnaire. Voy. auffi le Capitulaire de l'an 851, apud Marfnam, art. 6 & 7, qui maintient la Nobleffe, & le Clergé dans leurs poffeffions; & celui apud Bonoilum, de l'an 856, qui eft une remontrance des Evéques au Roi, fur ce que les maux, après tant de Loix faites, n'avoient pas éré réparés; & enfin la Lettre que les Evêques affemblés à Rheims écrivirent l'an 858 à Louis le Germanique, art. 8,

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