Page images
PDF
EPUB

ont de grands moyens, plus ils font en état de tenir les femmes dans une exacte clôture, & de les empêcher de rentrer dans la Société. C'eft pour cela que dans les Empires du Turc, de Perse, du Mogol, de la Chine & du Japon, les mœurs des femmes font admirables.

le nom

en une

que nous

On ne peut pas dire la même chofe des Indes, que bre infini d'Ifles, & la fituation du terrain, ont divifées infinité de petits Etats, que le grand nombre des causes n'avons pas le tems de rapporter ici rendent Defpotiques. Là il n'y a que des miférables qui pillent, & des miférables qui font pillés. Ceux qu'on appelle des Grands n'ont que très-petits moyens; ceux que l'on appelle des gens riches, n'ont guere que leur fubfiftance; la clôture des femmes n'y peut être auffi exacte, l'on n'y peut pas prendre d'auffi grandes précautions pour les contenir; la corruption de leurs moeurs y eft inconcevable.

de

C'eft là qu'on voit jufqu'à quel point les vices du climat, laiffés dans une grande liberté, peuvent porter le défordre. C'est là que la nature a une force, & la pudeur une foibleffe qu'onne peut comprendre.A Patane (a) la lubricité (b) des femmes eft fi grande, que les hommes font contraints de fe faire de certaines garnitures pour se mettre à l'abri de leurs entreprises. Dans ce pays-là les deux fexes perdent jufqu'à leurs propres Loix.

CHAPITRE XI.

De la Servitude domestique, indépendante de la polygamie.

CE

E n'eft pas feulement la pluralité des femmes qui exige leur clôture dans de certains lieux d'Orient; c'eft le climat. Ceux qui liront les horreurs, les crimes, les perfidies, les noirceurs, les poifons, les affaffinats, que la liberté des femmes fait faire à

(a) Recueil des Voyag. qui ont fervi à l'établiffem, de la Compagnie des Indes, Tom. II. Partie II. pag. 196.

(b) Aux Maldives, les peres marient les filles à 10. & 11. ans, parce que c'eft un grand péché, difent-ils, de leur laiffer endurer néceffité d'hommes. Voyag. de Franç. Partie I.

Pyrard, chap. 12. à Bantam, fi-tôt qu'une fille a treize ou quatorze ans, il faut la marier, fi l'on ne veut qu'elle mene une vie débordée: Recueil des Voyag. qui ont fervi à l'établ. de la Campagnie des Indes, pag. 348.

LI

Goa

Goa & dans les établissemens des Portugais dans les Indes où la Religion ne permet qu'une femme, & qui les comparerontà l'innocence & à la pureté des mœurs des femmes de Turquie, de Perfe, du Mogol, de la Chine & du Japon, verront bien qu'il est fouvent auffi néceffaire de les féparer des hommes lorsqu'on n'en a qu'une, que quand on en a plufieurs.

C'eft le climat qui doit décider des chofes. Que ferviroit d'enfermer les femmes dans nos pays du Nord, où leurs mœurs font naturellement bonnes, où toutes leurs paffions font calmes, peu actives, peu , peu rafinées, où l'amour a fur le cœur un empire si ré, que la moindre police fullit pour les conduire ?

glé, que

Il est heureux de vivre dans ces climats qui permettent qu'on fe communique, où le Sexe qui a le plus d'agrémens femble parer la Société, & où les femmes fe réfervant aux plaisirs d'un feul, fervent encore à l'amusement de tous.

T

CHAPITRE XI I.

De la Pudeur naturelle.

OUTES les Nations fe font également accordées à attacher du mépris à l'incontinence des femmes: c'est que la nature a parlé à toutes les Nations. Elle a établi la défense, elle a établi Pattaque; & ayant mis des deux côtés des défirs, elle a place dans l'un la témérité, & dans l'autre la honte ; elle a donné aux individus pour fe conferver de longs efpaces de tems, & ne leur a donné pour fe perpétuer que des momens.

Il n'eft donc pas vrai que l'incontinence fuive les Loix de la Nature; elle les viole au contraire. C'est la modeftie & la retenue: qui fuivent ces Loix.

D'ailleurs il eft de la nature des Etres intelligens de fentir leurs imperfections: la nature a donc mis en nous la pudeur, c'est-àdire la honte de nos imperfections.

Quand donc la puiffance phyfique de certains climats viole la Loi naturelle des deux Sexes & celle des Etres intelligens, c'est au Légiflateur à faire des Loix civiles qui forcent la nature du climat & rétablissent les Loix primitives..

CHAPITRE

1/

CHAPITRE XIII.

De la Jaloufie.

de Loix. L'une eft une

L faut bien diftinguer chez les peuples la jaloufie de paffion d'avec la jaloufie de coûtume, de mœurs, fievre ardente qui dévore; l'autre froide, mais quelquefois terri, peut s'allier avec l'indifférence & le mépris.

ble,

L'une qui eft un abus de l'amour, tire fa naiffance de l'amour même. L'autre tient uniquement aux mœurs, aux manieres de la Nation, aux Loix du pays, à la Morale, & quelquefois même à la Religion (a).

Elle eft prefque toûjours l'effet de la force physique du climat, & elle est le remede de cette force physique.

ON

CHAPITRE XI V.

Du gouvernement de la maison en Orient.

N change fi fouvent de femmes en Orient, qu'elles ne peuvent avoir le gouvernement domeftique. On en charge donc les Eunuques, on leur remet toutes les clefs, & ils ont la difpofition des affaires de la Maison. « En Perfe, dit Mr.

Chardin, on donne aux femmes leurs habits, comme on fe«roit à des enfans. » Ainfi ce foin qui femble leur convenir fi bien, ce foin qui par-tout ailleurs eft le premier de leurs foins, ne les regarde pas.

(a) Mahomet recommanda à fes fecta- Confucius n'a pas moins prêché cette docteurs, de garder leurs femmes Un certain trine. Iman dit en mourant la même chofe; &

[blocks in formation]

R

[ocr errors]

CHAPITRE X V.

Du divorce & de la répudiation.

y a cette différence entre le divorce & la répudiation, que le divorce fe fait par un confentement mutuel à l'occasion d'une incompatibilité mutuelle ; au lieu que la répudiation fe fait par la volonté & pour l'avantage d'une des deux Parties, indépendamment de la volonté & de l'avantage de l'autre.

Il eft quelquefois fi néceffaire aux femmes de répudier, & il leur eft toûjours fi fâcheux de le faire, que la Loi eft tyrannique qui donne ce Droit aux hommes fans le donner aux femmes. Un mari eft le maître de la maison; il a mille moyens de tenir ou de remettre fes femmes dans le devoir, & il femble que dans fes mains la répudiation ne foit qu'un nouvel abus de fa puiffance. Mais une femme qui répudie, n'exerce qu'un trifte remede. C'est toûjours un grand malheur pour elle d'être contrainte d'aller chercher un fecond mari, lorfqu'elle a perdu la plupart de fes agrémens chez un autre. C'est un des avantages des charmes de la jeuneffe dans les femmes, que dans un âge avancé un mari fe porte à la bienveillance par le fouvenir de fes plaifirs.

C'est donc une REGLE GÉNÉRALE, que dans tous les pays où la Loi accorde aux hommes la faculté de répudier, elle doit auffi l'accorder aux femmes. Il y a plus; dans les climats où les femmes vivent sous un esclavage domestique, il semble que la Loi doive permettre aux femmes la répudiation, & aux maris feulement le divorce.

Lorfque les femmes font dans un ferrail, le mari ne peut répudier pour cause d'incompatibilité de mours; c'eft la faute du mari fi les mœurs font incompatibles.

, ne:

La répudiation pour raison de la ftérilité de la femme fauroit avoir lieu que dans le cas d'une femme unique lorf que l'on a plusieurs femmes, cette raison n'eft pour le mari d'aucune importance.

La

La Loi des Maldives (a) permet de reprendre une femme qu'on a répudiée. La Loi du Mexique (b) défendoit de fe réunir fous peine de la vie. La Loi du Mexique étoit plus fenfée que celle des Maldives : dans le tems même de la diffolution elle fongeoit à l'éternité du mariage; au lieu que la Loi des Maldives femble fe joüer également du mariage & de la répu diation.

La Loi du Mexique n'accordoit que le divorce. C'étoit une nouvelle raison pour ne point permettre à des gens qui s'étoient volontairement féparés, de fe réunir. La répudiation femble plutôt tenir à la promptitude de l'efprit & à quelque paffion de l'ame; le divorce femble être une affaire de confeil.

Le divorce a ordinairement une grande utilité politique ; & quant à l'utilité civile, il eft établi pour le mari & pour la femme, & n'eft pas toûjours favorable aux enfans.

R

CHAPITRE X VI.

De la répudiation & du divorce chez les Romains.

OMULUS permit au mari de répudier fa femme fi elle avoit commis un adultere, préparé du poifon, ou falfifié les clefs. Il ne donna point aux femmes le droit de répudier leur mari. Plutarque (c) appelle cette Loi une loi très-dure.

Comme la Loi d'Athenes (d) donnoit à la femme, auffi bien qu'au mari, la faculté de répudier; & que l'on voit que les femmes obtinrent ce droit chez les premiers Romains nonobftant la Loi de Romulus; il eft clair que cette inftitution fut une de celles que les Députés de Rome rapporterent d'Athenes, & qu'elle fut mife dans les Loix des douze Tables.

Ciceron (e) dit que les caufes de répudiation venoient de la Loi des douze Tables. On ne peut donc pas douter que cette Loi n'eût augmenté le nombre des caufes de répudiation établies par Romulus.

(a) Voyag. de Franç. Pyrard. On la reprend plutôt qu'une autre, parce que dans ce cas il faut moins de dépenses.

(b) Hift. de fa Conquéte par Solis, pag.

499.

(c) Vie de Romulus.

(d) C'étoit une Loi de Solon:

(e) Mimam res fuas fibi habere juffit ex duodecim Tabulis caufam addidit. PhiL.p. II.

« PreviousContinue »