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Que la Loi de la polygamie eft une affaire de calcul.

que

UIVANT les calculs l'on fait en divers endroits de l'Europe, il y naît plus de garçons que de filles (a); au contraire les Relations de l'Afie nous difent qu'il y naît beaucoup plus de filles (b) que de garçons. La Loi d'une feule femme en Europe, & celle qui en permet plusieurs en Afie, ont donc un certäin rapport au climat.

Dans les climats froids de l'Afie il naît comme en Europe plus de garçons que de filles; c'est, difent les (c) Lamas, ‘la raifon de la Loi qui chez eux permet à une femme d'avoir (d) plusieurs maris.

Mais j'ai peine à croire qu'il y ait beaucoup de pays où la difproportion foit affez grande pour qu'elle exige qu'on y introduife la loi de plufieurs femmes ou la loi de plufieurs maris. Cela veut dire feulement que la pluralité des femmes, ou même la pluralité des hommes, eft plus conforme à la Nature dans de certains pays que dans d'autres.

J'avoue que fi ce que les relations nous difent étoit vrai, qu'à Bantam (e) il y a dix femmes pour un homme, ce feroit un cas bien particulier de la polygamie.

Dans tout ceci je ne juftifie pas les ufages, mais j'en rends les raifons.

(a) Mr. Arbutnot trouve qu'en Angleterre le nombre des garçons excede celui des filles; on a eu tort d'en conclurre que ce fût la même chofe dans tous les clisnats.

(b) Voy. Kempfer, qui nous rapporte un dénombrement de Meaco, où l'on trouve 182072 mâles, & 223573 femelles.

(c) Duhalde, Mémoires de la Chine, Tom. IV. p. 4.

(d) Albuzeit-el-haffen, un des deux Mahometans Arabes, qui allerent aux Indes & à la Chine au neuvieme fiecle, prend cet ufage pour une proftitution. C'est que rien ne choquoit tant les idées Mahomé

tanes.

(e) Recueil des Voyages qui ont fervi à l'établiffement de la Compagnie des Indes, Tom. I.

CHAPITRE

CHAPITRE V.

Raifon d'une Loi du Malabar.

UR la Côte du Malabar dans la Cafte des (a) Naïres, les hommes ne peuvent avoir qu'une femme, & une femme au contraire peut avoir plufieurs maris. Je crois qu'on peut découvrir l'origine de cette coûtume. Les Naïres font la Cafte des Nobles, qui font les foldats de toutes ces Nations. En Europe on empêche les foldats de fe marier: dans le Malabar, où le climat exige davantage, on s'eft contenté de leur rendre le mariage auffi peu embarraflant qu'il eft poffible; on a donné une femme à plusieurs hommes; ce qui diminue d'autant l'attachement pour une famille & les foins du ménage, & laisse à ces gens l'efprit militaire.

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CHAPITRE VI.

De la Polygamie en elle-même.

Regarder la polygamie en général, indépendamment des circonftances qui peuvent la faire un peu tolérer, elle n'est point utile au Genre-humain, ni à aucun des deux fexes, foit à celui qui abuse, foit à celui dont on abuse. Elle n'eft pas non plus utile aux enfans, & un de fes grands inconvéniens eft que le pere & la mere ne peuvent avoir la même affection pour leurs enfans; un pere ne peut pas aimer vingt enfans comme une mere en aime deux. C'est bien pis quand une femme a plusieurs maris; car pour lors l'amour paternel ne tient qu'à cette opinion, qu'un pere peut croire, s'il veut, ou que les autres peuvent croire , que de certains enfans lui appartiennent.

La pluralité des femmes, qui le diroit! mene à cet amour

(a) Voyag. de François Pyrard, chap. 27. Lettres Edif. troifieme & dixieme Recueil fur le Malléami dans la Côte de Malabar, cela eft regardé comme un abus de la

profeffion militaire, & comme dit Pyrard,
une femme de la Cafte des Bramines n'é-
pouferoit jamais plufieurs maris.
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que

que la nature défavoue ; c'eft qu'une diffolution en entraîne toûjours une autre. Je me fouviens qu'à la révolution qui arriva à Conftantinople, lorfqu'on dépofa le Sultan Achmet, les relations difoient que le peuple ayant pillé la maifon du Chiaya on n'y avoit pas trouvé une feule femme; on nous dit qu'à (a) Alger on eft parvenu à ce point, qu'on n'en a point du tout dans la plupart des ferrails.

Il y a plus, la poffeffion de beaucoup de femmes ne prévient pas toûjours les défirs (b) pour celle d'un autre; il en eft de la luxure comme de l'avarice, elle augmente fa foif par l'acquisition,

des tréfors.

Du tems de Juftinien plufieurs Philofophes gênés par le Chriftianisme, se retirerent en Perfe auprès de Cofroes. Ce qui les frappa le plus, dit Agathias (c), ce fut que la polygamie étoit permile à des gens qui ne s'abftenoient pas même de l'adultere.

D

CHAPITRE VI I.

De l'égalité du traitement dans le cas de la pluralité
des femmes.

E la Loi de la pluralité des femmes fuit celle de l'égalité du traitement. Mahomet qui en permet quatre, veut que tout foit égal entr'elles: nourriture, habits, devoir conjugal. Cette Loi eft auffi établie aux Maldives (d), où on peut épouser trois fem

mes.

La Loi de Moife (e) veut même que fi quelqu'un a marié son fils à une efclave, & qu'enfuite il époufe une femme libre, il ne lui ôte rien des vêtemens, de la nourriture & des devoirs. On pouvoit donner plus à la nouvelle épouse; mais il falloit que la premiere n'eût pas moins.

(a) Logier de Taffis, Hift. d'Alger.

(b) C'eft ce qui fait que l'on cache avec tant de foin les femmes en Orient.

(c) De la vie & des actions de Jufti

nien, pag. 403.

d) Voy.de Franç. Pyrard, chap. 12ẻ (e) Exode, ch. 21. . 10. & 11.

CHAPITRE

CE

CHAPITRE VI I I.

De la feparation des femmes d'avec les hommes.

'EST une conféquence de la polygamie, que dans les Nations voluptueufes & riches, on ait un très-grand nombre de femmes. Leur féparation d'avec les hommes, & leur clôture fuivent naturellement de ce grand nombre. L'Ordre domestique le demande ainfi; un débiteur infolvable cherche à fe mettre à couvert des pourfuites de fes créanciers. Il y a de tels climats où le phyfique a une telle force que la Morale n'y peut presque rien. Laiffez un homme avec une femme; les tentations feront des chûtes, l'attaque fûre, la résistance nulle; dans ces pays, au lieu de préceptes, il faut des verroux.

Un Livre Claffique (a) de la Chine regarde comme un prodige de vertu, de fe trouver feul dans un appartement reculé avec une femme fans lui faire violence.

CHAPITRE IX.

Liaifon du Gouvernement domestique avec le politique.

Dnée,

ANS une République, la condition des Citoyens eft bornée, égale, douce, modérée; tout s'y reffent de la liberté. publique. L'empire fur les femmes n'y pourroit pas être fi bien exercé; & lorfque le climat a demandé cet empire, le Gouvernement d'un feul a éte le plus convenable. Voilà une des raifons qui a fait que le Gouvernement populaire a toûjours été difficile à établir en Orient.

Au contraire la fervitude des femmes eft très-conforme au gé-nie du Gouvernement Defpotique, qui aime à abuser de tout Auflì a-t-on vû dans tous les tems en Afie marcher d'un pas

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«fi on ne le fecourt, admirable pierre det "touche. Traduction d'un Ouvrage Chi-nois fur la morale qu'on peut voir dans le P. Duhalde, Tom. III. p. 151

égal la fervitude domeftique & le Gouvernement Defpotique. Dans un Gouvernement où l'on demande furtout la tranquilité, & où la fubordination extrème s'appelle la paix, il faut enfermer les femmes; leurs intrigues feroient fatales au mari. Un Gouvernement qui n'a pas le tems d'examiner la conduite des Sujets, la tient pour suspecte par cela feul qu'elle paroît & qu'elle fe

fait fentir.

Suppofons un moment que la légereté d'efprit & les indifcrétions, les goûts & les dégoûts de nos femmes, leurs passions grandes & petites, fe trouvaffent transportées dans un Gouvernement d'Orient, dans l'activité & dans cette liberté où elles font parmi nous; quel eft le pere de famille qui pourroit être un moment tranquile? Par-tout des gens fufpects, par-tout des ennemis; l'Etat feroit ébranlé, on verroit couler des flots de fang,

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CHAPITRE X.

Principe de la Morale de l'Orient.

ANs le cas de la multiplicité des femmes, plus la famille ceffe d'être une, plus les Loix doivent réunir à un centre ces parties détachées; & plus les intérêts font divers, plus il est que les Loix les ramenent à un intérêt.

bon

Cela fe fait furtout par la clôture. Les femmes ne doivent pas feulement être féparées des hommes par la clôture de la maison, mais elles en doivent encore être féparées dans cette même clôture, enforte qu'elles y faffent comme une famille particuliere dans la famille. De-là dérive pour les femmes toute la pratique de la Morale, la pudeur, la chafteté, la retenue, le filence, la paix, la dépendance, le refpect, l'amour; enfin une direction générale de fentimens à la chofe du monde la meilleure par fa nature, qui est l'attachement unique à fa famille.

Les femmes ont naturellement à remplir tant de devoirs qui leur font propres, qu'on ne peut affez les féparer de tout ce qui pourroit leur donner d'autres idées, de tout ce qu'on traite d'amu femens, & de tout ce qu'on appelle des affaires.

On trouve des moeurs plus pures dans les divers Etats d'Orient, à proportion que la clôture des femmes y eft plus exacte. Dans les grands Etats il y a néceffairement des grands Seigneurs. Plus ils

ont

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