Page images
PDF
EPUB

s'introduifit de plus en plus que ces Préteurs jugeaffent eux-mêmes (a) toutes les affaires, affoiblirent l'ufage du Tribunal domeftique; ce qui paroît par la furprise des Hiftoriens, qui regardent comme des faits finguliers & comme un renouvellement de la pratique ancienne, les jugemens que Tibere fit rendre par ce Tribunal.

L'établiffement de la Monarchie & le changement des mœurs firent encore ceffer l'accufation publique. On pouvoit craindre qu'un malhonnête-homme piqué des mépris d'une femme, indigné de ses refus, outré de la vertu même, ne formât le deffein de la perdre. La Loi Julie ordonna qu'on ne pourroit accufer une femme d'adultere qu'après avoir accufé fon mari de favorifer fes déreglemens; ce qui reftreignit beaucoup cette ac cufation & l'anéantit pour-ainfi-dire (b).

Sixte-Quint fembla vouloir renouveller l'accufation publique (c). Mais il ne faut qu'un peu de réflexion pour voir que cette Loi, dans une Monarchie telle que la fienne, étoit encore plus déplacée que dans toute autre.

L

CHAPITRE XII.

De la Tutelle des femmes chez les Romains.

Es Inftitutions des Romains mettoient les femmes dans une perpétuelle tutelle, à moins qu'elles ne fuffent fous l'autorité d'un mari (d). Cette tutelle étoit donnée au plus proche des parens par mâles ; & il paroît par une expreffion vulgaire ( e ) qu'elles étoient très-gênées. Cela étoit bon pour la République, & n'étoit point néceffaire dans la Monarchie (ƒ).

Il paroît par les divers Codes de Loix des Barbares, que les femmes chez les premiers Germains étoient auffi dans une perpétuelle tutelle (g). Cet ufage paffa dans les Monarchies qu'ils fonderent: mais il ne fubfifta

[blocks in formation]

pas.

[merged small][ocr errors][merged small]

CHAPITRE X II I.

Des Peines établies par les Empereurs, contre les débauches

L

des femmes.

A Loi Julie établit une Peine contre l'adultere. Mais bienloin que cette Loi, & celles que l'on fit depuis là-deffus, fuffent une marque de la bonté des mœurs, elles furent aucontraire une marque de leur dépravation.

Tout le Siftème politique à l'égard des femmes changea dans la Monarchie. Il ne fut plus queftion d'établir chez elles la pureté des mœurs,. mais de punir leurs crimes. On ne faifoit de nouvelles Loix pour punir ces crimes, que parce qu'on ne puniffoit plus les violations qui n'étoient point ces crimes.

L'affreux débordement des mœurs obligeoit bien les Empereurs de faire des Loix pour arrêter à un certain point l'impudi cité mais leur intention ne fut pas de corriger les mœurs en général. Des faits pofitifs rapportés par les Hiftoriens prouvent plus cela que toutes ces Loix ne fçauroient prouver le contraire. On peut voir dans Dion la conduite d'Augufte à cet égard, & comment il éluda, & dans fa Préture & dans fa Cenfure, les demandes qui lui furent faites (a).

On trouve bien dans les Hiftoriens des jugemens rigides rendus fous Augufte & fous Tibere contre l'impudicité de quelques Dames Romaines : mais en nous faifant connoître l'esprit de ces regnes, ils nous font connoître l'efprit de ces jugemens. Augufte & Tibere fongerent principalement à punir les débauches de leurs parentes. Ils ne puniffoient point le déreglement des mœurs, mais un certain crime d'impiété ou de Lefe-Majefté (b) qu'ils avoient inventé, utile pour le respect, uti

(a) Comme on lui eut amené un jeunehomme qui avoit épousé une femme avec laquelle il avoit eu auparavant un mauvais commerce, il héfita long-tems, n'ofant ni approuver ni punir ces chofes. "Enfin reprenant les efprits "les feditions ont été "caufe de grands maux, dit-il, oublions"les,, Dion, Liv. LIV. Les Sénateurs lui ayant demandé des Reglemens fur les mœurs des femmes, il éluda cette demande,

en leur difant qu'ils corrigeaffent leurs femmes, comme il corrigeoit la fienne; furquoi ils le prierent de leur dire comment il en ufoit avec fa femme; ( queftion, me femble, fort indifcrete.)

(b) Culpam inter viros & fœminas vulgitam gravi nomine læfarum Religionum appellando, clementiam majorum fuafque iple leges egrediebatur, Tacite, Annal. Liv. III.

le

le pour leur vengeance. De-là vient
Je
s'élevent fi fort contre cette tyrannie.

que

les Auteurs Romains

La peine de la Loi Julie étoit légere (a). Les Empereurs voulurent que dans les jugemens on augmentât la peine de la Loi qu'ils avoient faite. Cela fut le fujet des invectives des Hif toriens. Ils n'examinoient pas fi les femmes méritoient d'être punies, mais fi l'on avoit violé la Loi pour les punir.

Une des principales tyrannies de Tibere (b) fut l'abus qu'il fit des anciennes Loix. Quand il voulut punir quelque Dame Romaine au-de-là de la peine portée par la Loi Julie, il rétablit contr'elles le Tribunal domeftique (c).

Ces difpofitions à l'égard des femmes ne regardoient que les familles des Sénateurs, & non pas celles du peuple. On vouloit des prétextes aux accufations contre les Grands, & les déportemens des femmes en pouvoient fournir fans nombre.

Enfin ce que j'ai dit que la bonté des mœurs n'eft point le principe du Gouvernement d'un feul, ne fe vérifia jamais mieux que fous ces premiers Empereurs; & fi l'on en doutoit, on n'auroit qu'à lire Tacite, Suetone, Juvenal & Martial.

No

[blocks in formation]

Loix fomptuaires chez les Romains.

Ous avons parlé de l'incontinence publique, parce qu'el le eft jointe avec le luxe, qu'elle en eft toûjours fuivie, & qu'elle le fuit toûjours. Si vous laiffez en liberté les mouvemens du cœur; comment pourrez-vous gêner les foiblesses de l'efprit?

A Rome, outre les inftitutions genérales, les Cenfeurs firent faire par les Magiftrats plufieurs Loix particulieres pour maintenir les femmes dans la frugalité. Les Loix Fannienne, Licinienne & Oppienne eurent cet objet. Il faut voir dans Tite-Live (d) comment le Sénat fut agité, lorfqu'elles demanderent la

(a) Cette Loi eft rapportée au Digefte; mais on n'y a pas mis la peine. On juge qu'elle n'étoit que de la rélégation, puifque celle de l'Incefte n'étoit que de la déportation. Leg. fi quis viduam, ff. de Quest.

(b) Proprium id Tiberio fuit fcelera nu

per reperta prifcis verbis obtegere. Tacit.

(c) Adulterii graviorem pœnam deprecatus, ut exemplo majorum propinquis fuis ultrà ducentefimum lapidem removeretur fuafit. Adultero Manlio Italiâ atque Africa interdictum eft, Tacite Annal. Liv. II. (d) Décade IV. Liv. IV.

O2

révocation

révocation de la Loi Oppienne. Valere-Maxime met l'époque du luxe chez les Romains à l'abrogation de cette Loi.

CHAPITRE XV.

Des Dots & des avantages nuptiaux dans les diverfes Conftitutions.

L

Es Dots doivent être confidérables dans les Monarchies afin que les maris puiffent foûtenir leur rang & le luxe établi. Elles doivent être médiocres dans les Républiques où le luxe ne doit pas régner (a); elles doivent être à-peu-près nulles dans les Etats Defpotiques, où les femmes font en quelque façon efclaves.

La communauté des biens introduite par les Loix Françoifes entre le mari & la femme, eft très-convenable dans le Gouvernement Monarchique; parce qu'elle intéreffe les femmes aux affaires domestiques, & les rappelle comme malgré elles au foin de leur maifon. Elle l'eft moins dans la République, où les femmes ont plus de vertu. Elle feroit abfurde dans les Etats defpotiques, où prefque toûjours les femmes font elles-mêmes une partie de la propriété du Maître.

Comme les femmes par leur état font affez portées au mariage, les gains que la Loi leur donne fur les biens de leur mari font inutiles. Mais ils feroient très-pernicieux dans une République, parce que leurs richeffes particulieres produifent le luxeDans les Etats Defpotiques les gains de nôces doivent être leur fabfiftance, & rien de plus..

(b) Marseille fut la plus fage des Républiques de fon tems; les dots ne pouvoient

paffer cent écus en argent, & cinq en ha bits, dit Strabon, Liv. IV.

CHAPITRE

L

CHAPITRE XVI.

Belle coûtume des Samnites.

Es Samnites avoient une Coûtume qui dans une petite République, & furtout dans la fituation où étoit la leur, devoit produire d'admirables effets. On affembloit tous les jeunesgens, & on les jugeoit. Celui qui étoit déclaré le meilleur de tous, prenoit pour fa femme la fille qu'il vouloit; celui qui avoit les fuffrages après lui choififfoit encore, & ainfi de fuite (a). Il étoit admirable de ne regarder entre les biens des garçons que les belles qualités & les fervices rendus à la Patrie. Celui qui étoit le plus riche de ces fortes de biens choififfoit une fille dans toute la Nation. L'amour, la beauté, la chafteté, la vertu, fa naiffance, les richeffes même, tout cela étoit, pour-ainfi-dila dot de la vertu. Il feroit difficile d'imaginer une récompenfe plus noble, plus grande, moins à charge à un petit Etat, plus capable d'agir fur l'un & l'autre fexe.

re,

Les Samnites defcendoient des Lacédémoniens; & Platon, dont les inftitutions ne font que la perfection des Loix de Lycurgue, donna à-peu-près une pareille Loi (b).

CHAPITRE XVII.

De l'adminiftration des Femmes.

Left contre la raifon & contre la nature que les femmes foient maîtreffes dans la maifon, comme cela étoit établi chez les Egyptiens; mais il ne l'eft pas qu'elles gouvernent un Empire. Dans le premier cas l'état de foibleffe où elles font ne leur permet pas la prééminence; dans le fecond, leur foibleffe même leur donne ordinairement plus de douceur & de modération; ce qui peut faire un bon gouvernenient, plutôt que les

vertus dures & féroces.

(a) Fragm. de Nicolas de Damas, tiré de Stobée dans le Recueil de Conftantin Por phyrogenete,

(5) Il leur permet même de fe voir plus fréquemment,

03

Dans

« PreviousContinue »