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CHAP. XXIII. Comment les Loix fuivent les mœurs.
CHAP. XXIV. Continuation du même sujet.
CHAP. XXV. Continuation du même fujet.
CHAP. XXVI. Continuation du même Jujet.

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CHAP. XXVII. Comment les Loix peuvent contribuer à former les mœurs, les manieres & le caractere d'une Na

tion.

318.

Fin de la Table des Livres & Chapitres contenus dans cette premiere Partie.

DE

ע

****

DE LES PRIT

DES

LOIX

LIVRE PREMIER.

DES LOIX EN GENERAL.

CHAPITRE PREMIER.

Des Loix dans le rapport qu'elles ont avec les divers Etres.

Es Loix, dans la fignification la plus étendue, font les rapports néceffaires qui dérivent de la nature des choses; & dans ce fens tous les Etres ont leurs Loix, la Divinité (a) a fes loix, le Monde matériel a fes loix, les Intelligences fupérieures à l'homme ont leurs loix, les Bêtes ont leurs loix, l'Homme a fes loix.

Ceux qui ont dit qu'une fatalité aveugle a produit tous les effets que nous voyons dans le Monde, ont dit une grande abfurdité; car quelle plus grande abfurdité qu'une fatalité aveugle qui auroit produit des Etres intelligens?

Il y a donc une Raifon primitive; & les Loix font les rapports qui fe trouvent entr'elle & les différens Etres, & les rapports de ces divers Etres entr'eux.

Dieu a du rapport avec l'Univers comme Créateur & comme Confervateur; les Loix felon lefquelles il a créé font celles felon lefquelles il conferve: il agit felon ces régles, parce qu'il les connoît, il les connoît parce qu'il les a faites, il les a faites parce qu'elles ont du rapport avec fa Sageffe & fa Puiffance.

(a) La Loi dit, Plutarque, eft la Reine de tous Mortels & Immortels. Au Traité, qu'il eft requis qu'un Prince foit favant.

Partie I.

A

comme

Comme nous voyons que le Monde, formé par le mouvement de la Matiere & privé d'intelligence, fubfifte toûjours, il faut que ses mouvemens aient des loix invariables; & fi l'on voit imaginer un autre Monde que celui-ci, il auroit des regles conftantes, ou il feroit détruit.

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Ainfi la création qui paroît être un acte arbitraire, fuppofe des. regles auffi invariables que la fatalité des Athées. Il feroit abfurde de dire que le Créateur fans ces regles pourroit gouverner le monde, puifque le Monde ne fubfifteroit pas fans elles.

Ces regles font un rapport conftamment établi. Entre un corps mû & un autre corps mû, c'eft fuivant les rapports de la maffe & de la viteffe que tous les mouvemens font reçûs, augmentés, diminués, perdus; chaque diverfité eft uniformité, chaque changement eft conftance.

y

Les Etres particuliers intelligens peuvent avoir des loix qu'ils ont faites: mais ils en ont auffi qu'ils n'ont pas faites. Avant qu'il eût des Etres intelligens, ils étoient poffibles; ils avoient donc des rapports poffibles, & par conféquent des loix poffibles. Avant qu'il y eût des loix faites, il y avoit des rapports de Juftice poffible Dire qu'il n'y a rien de jufte ni d'injufte que ce qu'ordonnent ou défendent les loix pofitives, c'eft dire qu'avant qu'on eût tracé de Cercle tous les rayons n'étoient pas égaux.

y

Il faut donc avouer des rapports d'Equité antérieurs à la Loi pofitive qui les établit, comme par exemple, que fuppofé qu'il eût des Societés d'Hommes, il feroit jufte de fe conformer à leurs Loix; que s'il y avoit des Etres intelligens qui euffent reçû quelque bienfait d'un autre Etre, ils devroient en avoir de la reconnoiffance; que fi un Etre intelligent avoit créé un Etre intelligent, le créé devroit refter dans la dépendance qu'il a eue dès fon origine; qu'un Etre intelligent qui a fait du mal à un Etre intelligent, mérite de recevoir le même mal, & ainfi du reste.

Mais il s'en faut bien que le Monde intelligent foit auffi bien gouverné que le Monde phyfique. Car quoi que celui-là ait auffi des Loix qui par leur nature font invariables, il ne les fuit pas conftamment comme le Monde phyfique fuit les fiennes. La raifon en eft que les Etres particuliers intelligens font bornés par leur nature & par conféquent fujets à l'erreur; & d'un autre côté, il eft de leur nature qu'ils agiffent par eux-mêmes. Ils ne fuivent donc pas conftamment leurs Loix primitives; & celles même qu'ils fe donnent, ils ne les fuivent pas toûjours.

On ne fait fi les Bêtes font gouvernées par les Loix générales du mouvement ou par une motion particuliere. Quoi qu'il en foit, elles n'ont point avec Dieu de rapport plus intime que le refte du Monde matériel; & le fentiment ne leur fert que dans le rapport qu'elles ont entr'elles, ou avec d'autres Etres particuliers, ou avec elles-mêmes.

Par l'attrait du plaifir elles confervent leur Etre particulier, & par le même attrait elles confervent leur Efpece. Elles ont des Loix naturelles, parce qu'elles font unies par le fentiment; elles n'ont point de Loix pofitives, parce qu'elles ne font point unies par la connoiffance. Elles ne fuivent pourtant pas invariablement leurs Loix naturelles; les Plantes, en qui nous ne remarquons ni Connoiffance ni Sentiment, les fuivent mieux.

Les Bêtes n'ont point les fuprèmes avantages que nous avons ; elles en ont que nous n'avons pas. Elles n'ont point nos efpérances, mais elles n'ont pas nos craintes; elles fubiffent comme nous la mort, mais c'eft fans la connoître ; la plupart même fe que nous, & ne font pas un aussi mauvais ufage

confervent mieux

de leurs paffions.

L'homme, comme Etre physique, eft, ainfi que les autres Corps, gouverné par des Loix invariables. Comme Etre intelligent, il viole fans ceffe les Loix que Dieu a établies, & change celles qu'il établit lui-même. Il faut qu'il fe conduife, & cependant il eft un Etre borné, il eft fujet à l'ignorance & à l'erreur comme toutes les Intelligences finies; les foibles connoiffances qu'il a, il les perd encore comme Créature fenfible; il devient fujet à mille paffions. Un tel Etre pouvoit à tous les inftans oublier fon Créateur; Dieu l'a rappellé à lui par les Loix de la Religion. Un tel Etre pouvoit à tous les inftans s'oublier lui-même; les Philofophes l'ont averti par les Loix de la Morale. Fait pour vivre dans la Société, il y pouvoit oublier les autres; les Légiflateurs l'ont rendu à fes devoirs par les Loix Politiques & Civiles.

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A

CHAPITRE II.

Des Loix de la Nature.

VANT toutes ces Loix font celles de la Nature, ainfi nommées, parce qu'elles dérivent uniquement de la conftitution de notre Etre. Pour les connoître bien, il faut confidérer un homme avant l'établissement des Sociétés. Les Loix de la Nature feront celles qu'il recevroit dans un état pareil.

Cette Loi, qui en imprimant dans nous-mêmes l'idée d'un Créateur nous porte vers lui, eft la premiere des Loix Naturelles par fon importance, & non pas dans l'ordre de ces Loix. L'Homme dans l'état de Nature auroit plutôt la faculté de connoître qu'il n'auroit des connoiffances. Il eft clair que fes premieres idées ne feroient point des idées fpéculatives: il fongeroit à la confervation de fon Etre avant que de chercher l'origine de fon Etre. Un homme pareil ne fentiroit d'abord que fa foibleffe; fa timidité feroit extrême, & fi l'on avoit là-deffus befoin de l'expérience, l'on a trouvé dans les forêts des hommes fauvages (a); tout les fait trembler, tout les fait fuir.

Dans cet état chacun fe fent inférieur; à peine chacun fe fentil égal. On ne chercheroit donc point à s'attaquer, & la Paix seroit la premiere Loi naturelle.

Le défir que Hobbes donne d'abord aux hommes de fe fubjuguer les uns les autres, n'eft pas raifonnable. L'idée de l'Empire & de la domination, eft fi compofée, & dépend de tant d'autres idées, que ce ne feroit pas celle qu'il auroit d'abord.

HOBBES demande pourquoi, files Hommes ne font pas naturellement en état de guerre, ils vont toûjours armes, & pourquoi ils ont des clefs pour fermer leurs maifons? Mais on ne fent pas que l'on attribue aux hommes avant l'établissement des Sociétés, ce qui ne peut leur arriver qu'après cet établiffement, qui leur fait trouver des motifs pour s'attaquer & pour fe défendre.

Au fentiment de fa foibleffe, l'Homme joindroit le sentiment de fes befoins. Ainfi une autre Loi naturelle feroit celle qui lui infpireroit de chercher à fe nourrir.

(a) Témoin le Sauvage qui fut trouvé dans les forêts de Hanover, & que l'on vit en 'Angleterre fous le Régne de George I.

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