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ARAMINTE, à Cléon.

(

Ah! mon pauvre Cléon, que venons-nous d'apprendre

J'en ai presque pleuré.

BÉLISE, à Cléon.

Je n'ai pu m'en défendre;

Et votre sort me fait, vraiment, compassion.

CLÉON, attendri.

Je n'attendois pas moins de votre affection.

CARTON, à Cléon.

La fortune sur toi semble épuiser sa rage :
Le remède à cela c'est d'avoir bon courage.

FLORIMON, à Cléon.

En effet, mon enfant, pour soutenir ce choc,
Il faut s'armer de fer, avoir un cœur de roc...,
Où donc est Cidalise?

CLÉON.

Elle est déja partie.

ARSINOÉ.

Quand on est en malheur on quitte la partie.

BÉLISE, à Cléon.

C'est jouer bassement.

ARAMINTE, à Cléon.

Il le faut avouer,

Un pareil procédé n'est pas fort à louer

ARSINOÉ, à Cléon.

Pour moi, je la croyois tendre et compatissante;

Mais je me trompois bien.... Je serai plus constante...

(A Cléon.)

Je plains votre malheur, sans cesse le plaindrai,
Et de mes vœux ardents je vous seconderai;

N'en doutez point. Je sens que votre sort me tue,
Et je ne saurois plus soutenir votre vue.

(Elle sort.)

SCÈNE XIII.

CLÉON, BÉLISE, ARAMINTE, FLORIMON, CARTON, ET LES AUTRES CONVIVES.

BÉLISE, à Cléon.

J'AI pour vous, à coup sûr, les mêmes sentiments,
Et vos peines pour moi deviennent des tourments....
D'un cœur trop généreux vous êtes la victime;
Mais vous aurez toujours ma plus parfaite estime.
Adieu.... Consolez-vous.

(Elle sort.)

SCÈNE XIV.

CLÉON, ARAMINTE, FLORIMON, CARTON,

ET LES AUTRES CONVIVES.

CARTON, à Cléon.

C'est le meilleur parti.

OUI, oui, console-toi;

Comptez toujours sur moi.

ARAMINTE, à Cléon.

(Elle donne la main à Carton, et sort précipitamment avec lui, et elle est suivie de tous les autres

convives, excepté de Florimor.)

Théâtre. Com. en vers. 7.

32

SCÈNE XV.

CLÉON, FLORIMON.

CLÉON.

COMMENT! dans mon malheur, voilà donc ma ressource?
On me fait compliment, et puis on prend sa course...
Ah! mon cher Florimon, n'es-tu pas consterné
De ce que tu vois?

FLORIΜΟΝ.

Non... Chacun est prosterné

Devant les gens heureux. Sont-ils dans la misère?

On les plaint, tout au plus; et l'on croit beaucoup faire.

CLÉON.

Ce sont là les amis qu'on espère trouver :
Tu m'as dit qu'au besoin je pourrois t'éprouver...

FLORIMON, l'interrompant brusquement.

Tu m'éprouves aussi... Je m'en vais.

(Il sort.)

SCÈNE XV I.

CLÉON, seul.

AH! le traître!

Avec quelle impudence il ose méconnoître
Un ami toujours prêt à l'aider... Quelle horreur!
Sont-ils donc tous d'accord pour me percer le cœur?

SCÈNE XVII.

LE COMTE, CLÉON.

CLÉON, allant au-devant du comte, qui veut l'éviter.
CHER ami! savez-vous jusqu'où va ma disgrâce?
Déja de mon malheur tout le monde se lasse.

Je n'ai plus d'amis.

LE COMTE, en souriant.

Quoi! pensiez-vous en avoir?

CLÉON.

Ah! que je m'abusois !... J'en suis au désespoir.

LE COMTE.

Modérez, croyez-moi, cette douleur profonde.
Ce qui se passe ici n'est que le train du monde.
Vous vous êtes trompé jusqu'à ce triste jour,
En vous imaginant qu'on vous faisoit la cour.
Ce n'étoit point à vous, c'étoit à vos richesses.
On vouloit partager vos plaisirs, vos largesses.
On trouvoit tout chez vous : on n'y trouve plus rien ;
Et l'on perd ses amis en perdant tout son bien...
Le monde est fait ainsi, j'en ai l'expérience.
Suivez donc le torrent, et prenez patience.

CLÉON.

Étiez-vous donc aussi de ces amis trompeurs?

LE COMTE.

Moi?... j'étois comme un autre au rang de vos flatteurs... Mais vous n'en aurez plus. Grâce à votre misère,

Chacun à votre égard va devenir sincère.

CLÉON.

Eh quoi! m'attendiez-vous à cette extrémité
Pour m'oser librement dire la vérité?

LE COMTE.

On ne se fait aimer que par les complaisances...
Mais ne vous plaignez plus des fausses apparences.
Si ce qu'on dit est vrai... je ne suis pas un sot...
On m'a berné pourtant comme un franc idiot...
Les plus fins sont trompés; et cette indigne veuve,
Qui vous a tout ravi, m'en fait faire l'épreuve.

CLÉON.

Comment?,

LE COMTE.

Je l'adorois. Sur un espoir flatteur, J'ai tâché par vos dons de m'acquérir son cœur. Je les sollicitois, de concert avec elle; Mais ils ne m'ont acquis qu'une haine mortelle, Et l'indignation, les rebuts, les mépris, Des efforts que j'ai faits viennent d'être le prix. Je vous en fais l'aveu, pour vous faire connoître Que le cœur le plus faux, le plus dur, le plus traître, Le plus intéressé que le ciel ait formé, Est celui de l'objet dont vous étiez charmé. L'ardeur de s'enrichir est tout ce qui l'occupe, Et j'ai la rage au cœur de me trouver sa dupe. Êtes-vous donc surpris si vous l'avez été, Comme de vos amis? Tout n'est que fausseté. Qui croit s'en garantir, grossièrement s'abuse; Elle règne partout, et voilà mon excuse... Adieu.

(Il sort.)

SCÈNE XVIII.

CLÉON, seul.
Je ne dis rien, car je suis confondu.

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