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particulière de la république. Ainsi le peuple a quelquefois reçu pour citoyens a les bâtards, afin d'augmenter sa puissance contre les grands. Ainsi, à Athènes, le peuple retrancha les bâtards du nombre des citoyens, pour avoir une plus grande portion du bled que lui avoit envoyé le roi d'Égypte. Enfin Aristote b nous apprend que dans plusieurs villes, lorsqu'il n'y avoit point assez de citoyens, les bâtards succédoient, et que, quand il y en avoit assez, ils ne succédoient pas.

CHAPITRE VI I.

Du consentement des pères au mariage.

LE consentement des pères est fondé sur leur

puissance, c'est-à-dire, sur leur droit de propriété; il est encore fondé sur leur amour, sur leur raison, et sur l'incertitude de celle de leurs enfants, que l'âge tient dans l'état d'ignorance, et les passions dans l'état d'ivresse.

Dans les petites républiques ou institutions singulières dont nous avons parlé, il peut y avoir des lois qui donnent aux magistrats une inspection sur les mariages des enfants des citoyens, que la nature avoit déjà donnée aux pères. L'amour du bien public y peut être tel qu'il égale

a Voyez Aristote, Politique, liv. VI, ch. IV.
Ibid. liv. III, chap. III.

ou surpasse tout autre amour. Ainsi Platon vouloit que les magistrats réglassent les mariages : ainsi les magistrats lacédémoniens les dirigoient-ils.

Mais, dans les institutions ordinaires, c'est aux pères à marier leurs enfants; leur prudence à cet égard sera toujours au-dessus de toute autre prudence. La nature donne aux pères un désir de procurer à leurs enfants des successeurs, qu'ils sentent à peine pour eux-mêmes : dans les divers degrés de progéniture, ils se voient avancer insensiblement vers l'avenir. Mais que seroit-ce, si la vexation et l'avarice alloient au point d'usurper l'autorité des pères? Écoutons Thomas Gage sur la conduite des Espagnols dans les Indes.

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,, Pour augmenter le nombre des gens qui paient' le tribut, il faut que tous les Indiens qui ont quinze ans se marient; et même on a réglé le temps du mariage des Indiens à quatorze ans pour les mâles, et à treize pour les filles. On se fonde sur un canon qui dit la malice peut suppléer à l'âge. Il vit faire un de ces dénombrements: c'étoit, dit-il, une chose honteuse. Ainsi, dans l'action du monde qui doit être la plus libre, les Indiens sont encore esclaves.

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a Relation de Thomas Gage, p. 171.

que

CHAPITRE VIII.

Continuation du même sujet.

Ex Angleterre, les filles abusent souvent de la

loi pour se marier à leur fantaisie, sans consulter leurs parents. Je ne sais pas si cet usage n'y pourroit pas être plus toléré qu'ailleurs, par la raison que les lois n'y ayant point établi un célibat monastique, les filles n'y ont d'état à prendre que celui du mariage, et ne peuvent s'y refuser. En France au contraire, où le monachisme est établi, les filles ont toujours la ressource du célibat; et la loi qui leur ordonne d'attendre le consentement des pères y pourroit être plus convenable. Dans cette idée, l'usage d'Italie et d'Espagne seroit le moins raisonnable : le monachisme y est établi, et l'on peut s'y marier sans le consentement des pères.

CHAPITRE IX.

Des filles.

Les filles, que l'on ne conduit que par le ma

riage aux plaisirs et à la liberté, qui ont un esprit qui n'ose penser, un coeur qui n'ose sentir, des yeux qui n'osent voir, des oreilles qui n'osent entendre, qui ne se présentent que pour se montrer stupides, condamnées sans relâche à des

bagatelles et à des préceptes, sont assez portées au mariage : ce sont les garçons qu'il faut encourager.

PAR-T

CHAPITRE X.

Ce qui détermine au mariage.

AR-TOUT où il se trouve une place où deux personnes peuvent vivre commodément, il se fait un mariage. La nature y porte assez, lorsqu'elle n'est point arrêtée par la difficulté de la subsistance.

Les peuples naissants se multiplient et croissent beaucoup. Ce seroit chez eux une grande incommodité de vivre dans le célibat : ce n'en est point une d'avoir beaucoup d'enfants. Le contraire arrive, lorsque la nation est formée.

CHAPITRE X I.

De la dureté du gouvernement.

Les gens qui n'ont absolument rien, comme

C'est

les mendiants, ont beaucoup d'enfants. qu'ils sont dans le cas des peuples naissants: il n'en coûte rien au père pour donner son art à ses enfants, qui même sont en naissant des instruments de cet art. Ces gens, dans un pays riche ou superstitieux, se multiplient, parce qu'ils n'ont pas les charges de la société, mais sont euxmêmes les charges de la société. Mais les gens qui

ne sont pauvres que parce qu'ils vivent dans un gouvernement dur, qui regardent leur champ moins comme le fondement de leur subsistance. que comme un prétexte à la vexation; ces genslà, dis-je, font peu d'enfants: ils n'ont pas même leur nourriture; comment pourroient-ils songer à la partager? Ils ne peuvent se soigner dans leurs maladies; comment pourroient-ils élever des créatures qui sont dans une maladie continuelle, qui est l'enfance?

C'est la facilité de parler et l'impuissance d'examiner, qui ont fait dire que plus les sujets étoient pauvres, plus les familles étoient nombreuses ; que plus on étoit chargé d'impôts, plus on se mettoit en état de les payer: deux sophismes qui ont toujours perdu et qui perdront à jamais les mo

narchies.

a

La dureté du gouvernement peut aller jusqu'à détruire les sentiments naturels par les sentiments naturels mêmes. Les femmes de l'Amérique ne se faisoient-elles pas avorter, pour que leurs enfants n'eussent pas des maîtres aussi cruels?

CHAPITRE X I I.

Du nombre de filles et de garçons des différents

J'AI

pays.

'AI déjà dit qu'en Europe il naît un peu plus de garçons que de filles. On a remarqué qu'au

a Relation de Thomas Gage, p. 58.

b Au liv. XVI, ch. IV.

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