Page images
PDF
EPUB

corrompre la pudicité d'un jeune homme nommé Publius, qu'il tenoit dans les fers. Le crime de Sextus donna à Rome la liberté politique; celui de Papirius y donna la liberté civile.

Ce fut le destin de cette ville, que des crimes nouveaux y confirmèrent la liberté que des crimes. anciens lui avoient procurée. L'attentat d'Appius sur Virginie remit le peuple dans cette horreur contre les tyrans que lui avoit donnée le malheur de Lucrèce. Trente-sept ans après le crime de l'infâme Papirius, un crime pareil fit que le peuple se retira sur le Janicule, et que la loi faite pour la sûreté des débiteurs reprit une nouvelle force.

a

Depuis ce temps, les créanciers furent plutôt poursuivis par les débiteurs pour avoir violé les lois faites contre les usures, que ceux-ci ne le furent pour ne les avoir pas payés.

CHAPITRE XXII

Des choses qui attaquent la liberté dans la monarchie.

LA chose du monde la plus utile au prince a

souvent affoibli la liberté dans les monarchies : les commissaires

a L'an de Rome 465.

b Celui de Plautius, qui attenta contre la pudicité de Veturius. Valère Maxime, liv. VI, art. IX. On ne doit point confondre ces deux événements; ce ne sont ni les mêmes personnes ni les mêmes temps.

c Voyez un fragment de Denys d'Halicarnasse dans l'extrait des vertus et des vices; l'épitome de Tite - Live, liv. XI; et Freinshemius, liv. XI.

commissaires nommés quelquefois pour juger un particulier.

Le prince tire si peu d'utilité des commissaires, qu'il ne vaut pas la peine qu'il change l'ordre des choses pour cela. Il est moralement sûr qu'il a plus l'esprit de probité et de justice que ses commissaires, qui se croyent toujours assez justifiés par ses ordres, par un obscur intérêt de l'état, par le choix qu'on a fait d'eux, et par leurs craintes même.

Sous Henri VIII, lorsqu'on faisoit le procès à un pair, on le faisoit juger par des commissaires tirés de la chambre des pairs: avec cette méthode, on fit mourir tous les pairs qu'on voulut.

CHAPITRE XXIII.

FAUT

Des espions dans la monarchie.

AUT-IL des espions dans la monarchie? Ce n'est pas la pratique ordinaire de bons princes. Quand un homme est fidèle aux lois, il a satisfait à ce qu'il doit au prince. Il faut au moins qu'il ait sa maison pour asyle, et le reste de sa conduite en sûreté. L'espionnage seroit peut-être tolérable, s'il pouvoit être exercé par d'honnêtes mais l'infamie nécessaire de la personne peut

gens;

fa're juger de l'infamie de la chose. Un prince doit agir avec ses sujets avec candeur, avec franchise, avec confiance. Celui qui a tant d'inquiétudes, de soupçons et de craintes, est un acteur qui est embarrassé à jouer son rôle. Quand il voit qu'en général les lois sont dans leur force, et qu'elles sont respectées, il peut se juger en sureté. L'allure générale lui répond de celle de tous les particuliers. Qu'il n'ait aucune crainte, il ne sauroit croire combien on est porté à l'aimer. Eh! pourquoi ne l'aimeroit-on pas? Il est la source de presque tout le bien qui se fait; et quasi toutes les punitions sont sur le compte des lois. Il ne se montre jamais au peuple qu'avec un visage serein: sa gloire même se communique à nous, et sa puissance nous soutient. Une preuve qu'on l'aime, c'est que l'on a de la confiance en lui; et que, lorsqu'un ministre refuse, on s'imagine toujours que le prince auroit accordé. Même dans les calamités publiques on n'accuse point sa personne; on se plaint de ce qu'il ignore, ou de ce qu'il est obsédé par des gens corrompus: Si le prince savoit, dit le peuple. Ces paroles sont une espèce d'invocation, et une preuve de la confiance qu'on a en lui.

CHAPITRE XXIV.

Des lettres anonymes.

LES Tartares sont obligés de mettre leur nom

sur leurs flèches, afin que l'on connoisse la main

1

dont elles partent. Philippe de Macédoine ayant été blessé au siège d'une ville, on trouva sur le

coup mortel à Philippe a. homme le faisoient en

javelot: Aster a porté ce Si ceux qui accusent un vue de bien public, ils ne l'accuseroient pas devant le prince, qui peut être aisément prévenu, mais devant les magistrats, qui ont des règles qui ne sont formidables qu'aux calomniateurs. Que s'ils ne veulent pas laisser les lois entre eux et l'accusé, c'est une preuve qu'ils ont sujet de les craindre; et la moindre peine qu'on puisse leur infliger, c'est de ne les point croire. On ne peut y faire d'attention que dans les cas qui ne sauroient souffrir les lenteurs de la justice ordinaire, et où il s'agit du salut du prince. Pour lors, on peut croire que celui qui accuse a fait un effort qui a délié sa langue et l'a fait parler. Mais, dans les autres cas, il faut dire, avec l'empereur Constance, Nous ne saurions soupçonner celui à qui il a manqué un accusateur, lorsqu'il ne lui manquoit pas un ennemi ".

[ocr errors]

99

CHAPITRE XX V.

De la manière de gouverner dans la monarchie.

L'AUTORITÉ royale est un grand ressort qui doit

se mouvoir aisément et sans bruit. Les Chinois

a Plutarque, œuvres morales, collat. de quelques histoires romaines et grecques, tome II, page 487.

b Leg. VI, Code, théod. de famos. Libellis.

1

vantent un de leurs empereurs, qui gouverna, disent-ils, comme le ciel, c'est-à-dire, par son exemple.

Il y a des cas où la puissance doit agir dans toute son étendue: il y en a où elle doit agir par ses limites. Le sublime de l'administration est de bien connoître quelle est la partie du pouvoir, grande ou petite, que l'on doit employer dans les diverses circonstances.

Dans une monarchie, toute la félicité consiste dans l'opinion que le peuple a de la douceur du gouvernement. Un ministre mal - habile veut toujours vous avertir que vous êtes esclaves. Mais, si cela étoit, il devroit chercher à le faire ignorer. Il ne sait vous dire ou vous écrire, si ce n'est que le prince est fâché; qu'il est surpris ; qu'il mettra ordre. Il y a une certaine facilité dans le commandement: il faut que le prince encourage, que ce soient les lois qui menacent a.

CHAPITRE XXV I.

Que, dans la monarchie, le prince doit être

CELA

accessible.

et

ELA se sentira beaucoup mieux par les contrastes.,, Le czar Pierre I.er, dit le sieur Perry b

[ocr errors]

a fait une nouvelle ordonnance, qui défend de

a Nerva, dit Tacite, augmenta la facilité de l'empire.
b L'état de la Grande Russie, page 173, édit. de Paris, 1717.

« PreviousContinue »