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CHAPITRE VIII.

De la capitale de l'empire.

UNE des conséquences de ce que nous venons

de dire, c'est qu'il est important à un très-grand prince de bien choisir le siège de son empire. Celui qui le placera au midi courra risque de perdre le nord; et celui qui le placera au nord conservera aisément le midi. Je ne parle pas des cas particuliers: la méchanique a bien ses frottements, qui souvent changent ou arrêtent les effets de la théorie; la politique a aussi les siens.

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LIVRE XVIII.

Des lois, dans le rapport qu'elles ont avec la nature du terrain.

CHAPITRE PREMIER.

Comment la nature du terrain influe sur
les lois.

LA bonté des terres d'un pays y établit naturellement la dépendance. Les gens de la campagne, qui y font la principale partie du peuple, ne sont pas si jaloux de leur liberté; ils sont trop occupés et trop pleins de leurs affaires particulières. Une campagne qui regorge de biens craint le pillage, elle craint une armée.,, Qui est-ce qui forme le bon parti? disoit Cicéron à Atticus2 : seront-ce les gens de commerce et de la cam,,pagne? à moins que nous n'imaginions qu'ils ,, sont opposés à la monarchie, eux à qui tous ,, les gouvernements sont égaux, dès lors qu'ils ,, sont tranquilles.,

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Ainsi le gouvernement d'un seul se trouve plus souvent dans les pays fertiles; et le gouvernement de plusieurs dans les pays qui ne le sont pas; ce qui est quelquefois un dédommagement.

a Liv. VII. ep. 7.

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pays du

souvent dépeuplés, tandis que l'affreux Nord reste toujours habité, par la raison qu'il est presque inhabitable.

On voit, par ce que les historiens nous disent du passage des peuples de la Scandinavie sur les bords du Danube, que ce n'étoit point une conquête, mais seulement une transmigration dans des terres désertes.

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Ces climats heureux avoient donc été dépeuplés par d'autres transmigrations, et nous ne savons pas les choses tragiques qui s'y sont passées. Il paroît par plusieurs monuments, dit Aristote a , que la Sardaigne est une colonie ,, grecque. Elle étoit autrefois très-riche; et Aris,, tée, dont on a tant vanté l'amour pour l'agriculture, lui donna des lois. Mais elle a bien déchu depuis; car les Carthaginois s'en étant ,, rendus les maîtres, ils y détruisirent tout ce qui pouvoit la rendre propre à la nourriture des hommes, et défendirent, sous peine de la vie, d'y cultiver la terre,, . La Sardaigne n'étoit point rétablie du temps d'Aristote; elle ne l'est point encore aujourd'hui.

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Les parties les plus tempérées de la Perse, de la Turquie, de la Moscovie et de la Pologne, n'ont pu se rétablir des dévastations des grands et petits Tartares.

a Ou celui qui a écrit le livre de Mirabilibus.

CHAPITRE IV.

Nouveaux effets de la fertilité et de la stérilité du pays.

LA stérilité des terres rend les hommes indus

trieux, sobres, endurcis au travail, courageux, propres à la guerre ; il faut bien qu'ils se procurent ce que le terrain leur refuse. La fertilité d'un pays donne, avec l'aisance, la mollesse et un certain amour pour la conservation de la vie.

On a remarqué que les troupes d'Allemagne levées dans des lieux où les paysans sont riches, comme en Saxe, ne sont pas si bonnes que les autres. Les lois militaires pourront pourvoir à cet inconvénient par une plus sévère discipline.

L

CHAPITRE V.

Des peuples des isles.

Es peuples des isles sont plus portés à la liberté que les peuples du continent. Les isles sont ordinairement d'une petite étendue a; une partie du peuple ne peut pas être si bien employée à opprimer l'autre; la mer les sépare des grands empires, et la tyrannie ne peut pas s'y prêter la main; les conquérants sont arrêtés par la mer; les insulaires ne sont pas enveloppés dans la conquête, et ils conservent plus aisément leurs lois.

a Le Japon déroge à ceci par* sa grandeur et par sa servitude..

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souvent dépeuplés, tandis que l'affreux pays du Nord reste toujours habité, par la raison qu'il est presque inhabitable.

On voit, par ce que les historiens nous disent du passage des peuples de la Scandinavie sur les bords du Danube, que ce n'étoit point une conquête, mais seulement une transmigration dans des terres désertes.

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Ces climats heureux avoient donc été dépeuplés par d'autres transmigrations, et nous ne savons pas les choses tragiques qui s'y sont passées. Il paroît par plusieurs monuments, dit Aristote, que la Sardaigne est une colonie ,, grecque. Elle étoit autrefois très-riche; et Aristée, dont on a tant vanté l'amour pour l'agri,, culture, lui donna des lois. Mais elle a bien déchu depuis; car les Carthaginois s'en étant rendus les maîtres, ils y détruisirent tout ce qui pouvoit la rendre propre à la nourriture des hommes, et défendirent, sous peine de la vie, d'y cultiver la terre,, . La Sardaigne n'étoit point rétablie du temps d'Aristote; elle ne l'est point encore aujourd'hui.

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Les parties les plus tempérées de la Perse, de la Turquie, de la Moscovie et de la Pologne, n'ont pu se rétablir des dévastations des grands et petits Tartares.

a Ou celui qui a écrit le livre de Mirabilibus.

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