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intermission sur le repos, la sûreté, la prospérité de la société: et heureuses les nations qui jouissent de cet inappréciable avantage ! Je pourrois m'appesantir à cet égard en citant l'exemple mémorable qu'offre la France arrachée du gouffre révolutionnaire mais les faits sont plus éloquens que les développemens que je pourrois faire; ainsi je dois me borner à dire avec HORACE:

Jam fides, et pax, et honor, pudorque
Priscus, et neglecta redire virtus

Audet.

DU DROIT

DE LA NATURE ET DES GENS.

LIVRE PREMIER.

CHAPITRE PREMIER.

De l'origine des Sociétés et des Gouvernemens.

S 1.er

OUTES les recherches, toutes les méditations sur la nature humaine, ont pour dernier résultat, qu'il existe dans l'homme un principe primordial, essentiel, une impulsion inhérente à sa nature, et qui est la base de son existence; que le premier objet de ce principe, qu'on nomme instinct, est la propre conser vation; que la propre conservation le conduit à satisfaire ses besoins physiques; qu'elle est

1.

par conséquent la source de l'amour de soi, et de l'intérêt personnel.

$2.

,

Au sentiment de propre conservation commun à tous les êtres animés, l'auteur de la nature a ajouté d'une manière particulière à l'espèce humaine, le germe de trois facultés, qui sont l'entendement, le jugement, la volonté (1) ; c'est l'influence (2) de ces trois facultés sur l'instinct, c'est leur combinaison qui constitue le caractère moral de l'homme. Elle dirige sa perfectibilité, elle est le principe et l'agent de ses passions, par conséquent de ses vices et de ses vertus (3).

:

$ 3.

L'homme dans l'enfance sent bien l'impulsion de l'instinct, c'est-à-dire, de ses besoins; mais sa faiblesse physique et intellectuelle le met hors d'état d'y satisfaire par lui-même; il lui faut donc des secours étrangers (4) ces secours établissent ses premiers rapports, et ces rapports opèrent le premier développement de ses facultés morales ils produisent d'abord la sociabilité, la sensibilité, et peu-à-peu la reconnoissance, la bienfaisance, la résignation, et d'autres qualités

morales.

:

S 4.

Quand l'homme commence à avoir du discernement, il reconnoît par lui-même, comme il a déjà dû l'entrevoir par sa première éducation, que d'autres hommes ont les mêmes besoins que lui; qu'ils ont comme lui la force et l'intelligence pour les satisfaire : il reconnoît donc qu'ils ont la même nature que lui, qu'ils lui sont égaux. Ces réflexions répriment plus ou moins la première impulsion de son instinct, de sa volonté, de ses desirs, en un mot, de son intérêt personnel; elles le convainquent qu'en usant de violence, il s'exposeroit à celle de ses semblables: ainsi il sent la nécessité de s'arrêter, et de s'entendre avec eux pour leur intérêt, pour leur conservation pour commune. Voilà la première existence de l'homme, voilà son existence dans l'état de pure nature ainsi sa première existence a été une existence sociale. Des idées quelconques de propriété durent dès-lors prendre naissance elles portaient naturellement sur le produit du travail, comme de la chasse, de la pêche, et enfin de la culture de la terre : ce dernier objet a été insensiblement l'origine des propriétés foncières.

:

S. 5.

On conçoit aisément combien de ce choo

de besoins, d'intérêts, de passions c traires, durent à la longue résulter de divisi et de dissentions, et combien la séparat devenoit enfin nécessaire (5) : à cette premi cause de séparation se joignit l'accroissem progressif de la population', et par là la dimi tion des ressources du sol natal. Les premiè séparations se firent probablement par famill et celles-ci durent demeurer sous la directi du chef que la nature et l'habitude leur avoie donné. Ainsi l'on doit regarder l'autorité pat nelle comme l'origine et le premier modèle toute autorité (6). Cette autorité mainten plus ou moins la tranquillité et la concor dans chaque famille; mais les différentes f milles n'avoient entr'elles aucun autre lien q celui de leurs besoins, et peut-être de leu crainte mutuelle; et plus elles augmentère en nombre, plus il devait régner entr'elles d désunion, de rixes, de désordre et de confu sion. Cet état des choses dut multiplier le migrations et les associations de plusieurs fa milles ; ces associations se formèrent probable ment de diverses manières les unes recon nurent pour leur chef le plus fort ou le plu vaillant (7), soit par la crainte, soit par l'espoi d'être mieux protégées; les autres se détermi nèrent à se soumettre volontairement à la

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