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volontiers condamnation sur celles que l'on prouvera être fausses; et j'adopterai avec la même facilité celles que de bons esprits croiront devoir y substituer en se chargeant de cette tâche, ils rendront un grand service à la science que je traite, et je m'applaudirai de les avoir provoqués; car, selon moi, il n'est aucune matière aussi importante, puisqu'elle a pour objet l'ordre social et la destinée des nations.

J'ai ajouté à la fin de mon ouvrage quelques idées générales sur la politique. J'ai pensé que les personnes qui desireront s'instruire dans le Droit des Gens, ne seront pas fâchées de trouver l'application des principes qu'il enseigne, ainsi que la marche qui peut être suivie, soit pour les soutenir, soit pour repousser les atteintes qu'on voudroit y porter.

Sans doute la politique, dans son

acception commune, et même dans la pratique journalière, est un dédale où l'on s'égare facilement. Cela est et doit être ainsi quand on dévie des principes, parce qu'il faut alors aller à tatons: il faut des détours pour déguiser une injustice; il faut échapper aux regards de la victime qu'on a choisie: on veut la surprendre et la tromper; celle-ci, de son côté, suit la même marche, soit pour éviter le piége, soit pour s'en dégager. L'expérience seule peut diriger les uns et les autres aucun précepte, aucune règle ne peut être donnée à cet égard, l'habitude seule des hommes et des affaires peut en fournir: c'est là la véritable école où l'on peut voir les rapports, le développement, les ressources de l'esprit humain.

Mais ce n'est point sous ce point de vue que je présente la politique; je ne la considère, quant aux rela

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tions extérieures, que sous le rapport qu'elle a avec le véritable intérêt de l'Etat, je ne l'indique que comme un moyen de procurer aux nations paix et sûreté, non comme un moyen de se dépouiller alternativement. Je ne trace point non-plus de règles pour abuser au-dedans de l'autorité, de la puissance, pour anéantir les droits du peuple, pour assurer sa servitude; je ne m'attache qu'à celles qui peuvent servir à maintenir une autorité légitime, protectrice, nécessaire pour la conservation, la tranquillité, la prospérité de la société pour laquelle elle a été instituée : en un mot, on ne trouvera de règles ni pour la tyrannie, ni pour la licence populaire, qui est la pire de toutes les tyrannies toute ma politique intérieure est fondée sur la justice des lois, et sur une autorité efficace pour leur observation. C'est de cette

C

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pure

double source que découle la véri-
table liberté, non celle de la
nature, qui est un être de raison,
mais celle qui est compatible avec
l'ordre social, avec les passions hu-
maines. Mais cette source salutaire
a-t-elle été découverte jusqu'à pré-
sent? Connoissons-nous autre chose,
depuis tant de siècles, que des théo-
ries, des systêmes, des essais, des
déviations, des erreurs ? On consi-
dère en général l'homme comme une
matière purement élémentaire, tan-
dis que c'est l'ouvrage le plus com-
posé, le plus incompréhensible qui
soit sorti des mains du Créateur.
Et si tel est l'homme de la nature,
que doit-on
de l'homme que
penser
la civilisation a accoutumé à d'autres
jouissances que celles qu'offre une
vie simple, errante, sauvage, isolée,
stupide? C'est là l'écueil qu'ont
rencontré tous les législateurs tant

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anciens que modernes, et que rencontreront éternellement tous ceux qui entreprendront de donner des leçons, des institutions, des lois aux hommes les hommes eux-mêmes sont-ils à l'abri de l'influence des passions, de ce torrent toujours prêt à déborder? sont-ils exempts de toutes les fragilités humaines? peut-on l'exiger? Et si cela étoit, ne faudroitcraindre que leur sagesse même ne les conduisît qu'à des abstractions, à une métaphysique inintelligible, ou au-moins inapplicable à la nature des choses?

il pas

Le résultat pratique de ces réflexions est que, malgré l'opinion vulgaire, l'art de gouverner les hommes est plus difficile que n'est pénible pour eux l'obligation d'obéir; car le conducteur d'une nation est, si je puis me servir de cette expression, la garde avancée qui doit veiller sans

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